Parfois, il ne faut pas savoir s'arrêter sur le souvenir d'un premier rendez-vous plutôt manqué et laisser une seconde chance à quelqu'un. Des mains moites, une haleine parfumée au Maroilles, un discours donnant l'impression de posséder la culture et l'intelligence d'une huître, un strabisme trop divergeant ou la classe d'un hippopotame déguisé en Mylène Farmer. On a tous connu un rendez-vous sentimental foireux ou un entretien d'embauche désastreux à cause du détail qui tue et on a tous plus ou moins entendu prononcer ( ou dit ) les fameuses phrases « C'était cool, à bientôt peut-être.. » ou « On vous rappellera, bonne chance. ». Puis parfois, on retombe sur le CV ou la photo de cette personne qui nous semblait bien naze à la première impression et, guidé par l'instinct de la seconde chance peut-être, on recompose le même numéro... En musique souvent c'est pareil, on découvre tel groupe par le mauvais album ou en petite forme sur scène et on en reste là, jusqu'à ce qu'un riff ou une mélodie vous fasse un clin d'oeil qui vous fasse chavirer.
C'est ce qui s'est passé pour ce qui me concerne avec Lacrimas Profundere, ma première rencontre avec le groupe allemand s'est faite en festival, ils avaient la lourde tâche de remplacer un Anathema ( qui devait clôturer la journée ) démissionnaire. Ce que j'ai vu alors ne m'a pas paru catastrophique mais m'a fait regretter la démission des frères Cavanagh quand même : Sur un fond musical baignant dans un Metal Gothique et atmosphérique rappelant justement ce que pratiquaient les illustres liverpooliens en ce temps, le chanteur de l'époque Christopher Schmid ( frère du leader et guitariste du groupe Oliver Nikolas Schmid ) faisait son Dave Gahan ( Depeche Mode ) du pauvre, prenant des pauses lascives et des moues qui feraient tout juste sensation au Dark Macumba,sans oublier ce chant assez approximatif, ce solo de batterie ( interprété par un gars qui prenait lui des pauses de « Metal Warrior », ce qui donnait parfois un côte décalé à la prestation du groupe ) à rallonge qui semblait vouloir combler le vide laissé par le fait d'avoir été catapulté tête d'affiche, le tout desservi par un son pas top. Ce n'était pas un fiasco ( j'ai subi pire et une partie du public apprécia le set des allemands ) mais ça ne m'a pas donné envie d'en connaître plus sur ce groupe souvent considéré comme opportuniste, débutant dans un Doom/Gothic « à l'anglaise » avant de trouver apparemment sa voie dans ce que l'on nomme ( trop facilement ? ) le Love Metal.
Et puis, mes oreilles sont tombées en ce printemps pluvieux sur ce Antiadore, disponible sur Napalm Records depuis le 24 mai, à l'artwork très réussi déjà. Et j'avoue, au fil des écoutes, j'ai aimé ce nouvel album de Lacrimas Profundere. Oh certes le groupe allemand ne brille pas forcément par son originalité ( on pense pas mal à Him et Paradise Lost entre autres ) mais plutôt que de copier bêtement ses influences, il préfère se mesurer à elles sur leur propre terrain. Ce nouvel opus des bavarois comporte douze morceaux d'un Metal Gothique suffisamment spleenique pour vous donner envie de longues marches contemplatives sous la pluie.
On sent le travail d'artisan, du groupe qui finalement a suffisamment roulé sa bosse pour pouvoir proposer du bon matériel, et des bonnes compositions sur Antiadore il y en a, à commencer par l'introductif « My Release in Pain » dont l'introduction aux claviers annonce la tonalité triste du disque et qui possède un refrain hyper accrocheur. Justement, des refrains qui font mouche, Oliver Nikolas Schmid et son band a su en composer pour cette nouvelle offrande comme sur...Tous les titres de l'album ( allez, on va dire que « What I'N Not » et « Dead To Me » sont un peu en dessous mais ne sont pas mauvais pour autant en revanche celui de «My Chest » est irrésistible ), là on peut imaginer Rob Vitacca ( présent dans le groupe depuis 2008 ) en faire des tonnes sur scène partageant ses tubes avec un public, féminin, complice, ça fonctionnerait.Le vocaliste de Lacrimas Profundere possède un timbre très agréable, assez proche de celui de Ville Valo ( les roucoulades en moins dira-t-on ) et pose sa voix suave comme il faut, avec sobriété ( « Antiadore », « Deny For Now » et « Abandon » sont de très bons exemples de cette sensualité contrôlée ), lorsqu'il ne laisse pas la colère prendre le dessus ( ces cris Black et ces growls sur le break de « My Release in Pain » ) ou exprimant très bien cette mélancolie qui se fait douce et caressante aussi ( « What I'N Not », le lancinant « All For Nothing » et la fausse ballade « My Chest » sont des parfaites illustrations de cette tristesse à partager ).
Mais le groupe a beau être réservé à la frange la plus romantique du Metal, il n'oublie pas pour autant de se faire agressif par moments, à commencer par les riffs « maousse costaud » de Oliver Nikolas Schmid comme sur « Antiadore », « What I'm Not », « Dead To Me » et « Abandon », ce qui prouve que malgré le côté « love, love » on reste entre velus avant tout.
Personnellement, j'ai particulièrement craqué sur les deux Power Ballads de l'album ( mon côté fleur bleue ça, enfin plutôt rose noire) : « Still In Need » ( qui rappelle les meilleurs moments de Him ) et « Head Held High » ( sur laquelle Rob se lâche dans un refrain un brin larmoyant mais...Tellement efficace ), qui vont faire chavirer les coeurs fragiles des jeunes filles tirant une éternelle moue. A noter que Lacrimas Profundere a aussi le souci de l'arrangement « d'époque », en témoigne par exemple l'intro plutôt atmosphérique de « All For Nothing » et ses bidouillages electro, bidouillages que l'on retrouve aussi sur « Deny for Now » ( qui rappelle le Paradise Lost de One Second ou de Host ) « My Chest » ou « Remembrance Song », et que les goth métalleux allemands n'hésitent pas à revenir en terres presque Doom sur « A Sigh » qui ferme de façon tout à fait convaincante le dixième album de Lacrimas Profundere.
Il est difficile d'être innovant dans un style aussi formaté et prévisible qu'est de nos jours le Metal Gothique mais nous pouvons affirmer, en toute sincérité, que ces pleurs abondants ne sont pas des larmes de crocodile.
Liste des morceaux :
1 « My Release in Pain »
2 « Antiadore »
3 « What I'm Not »
4 « All For Nothing »
5 « Dead To Me »
6 « Abandon »
7 « Still in Need »
8 « Deny for Now »
9 « Head Held High »
10 « My Chest »
11 « Remembrance Song »
12 « A Sigh »