Motocultor 2023, jour 3 : du sang, de l’onirisme et des poids lourds

Samedi 19 août, Carhaix

La pluie de la veille n’est plus qu’un lointain souvenir, et le soleil brille de nouveau sur Carhaix pour ce troisième jour de festival. Aujourd’hui, on en prend plein les yeux et les oreilles, avec de quoi ravir plusieurs générations de fans.

Ce samedi s'annonce sous de meilleurs auspices que la veille : le temps est plus clément, les problèmes d'attente à l'entrée enfin résolus. Si le Motocultor a pris les mesures nécessaires (un peu tardivement) pour améliorer ce point, d'autres désagréments deviennent flagrants. Le manque de toilettes sur le site commence en effet à se faire sentir, au sens (mal)propre comme au figuré, plus particulièrement du côté de la Supositor Stage. Au programme aujourd'hui, pas mal de post metal, et une cohabitation cordiale entre groupes vétérans et formations de la nouvelle garde. 

 

Nos concerts du samedi 19 août :

Sylvaine – Pénitence Onirique – Birds in Row – Akiavel – Brutus – Russian Circles – Der Weg Einer Freiheit – Sodom – Ludwig von 88 – Scralxrd – Watain – Bullet For My Valentine – Amenra

Sylvaine

Massey Ferguscène, 13h35

Tout droit venue d'Oslo, Sylvaine, de son vrai nom Katherine Shepard, nous propose un réveil tout en douceur avec son blackgaze onirique, qui n'est pas sans rappeler Alcest. Les compositions lentes sont le terreau parfait pour les nappes d'accords mélancoliques des guitares, tandis que les accélérations de tempo et départs en blast beat façon post black ajoutent du rythme. Katherine chante selon les titres en anglais ou en norvégien, alternant voix claire et hurlements caractéristiques du blackgaze. Son bassiste Maxime Mouquet participe également, donnant de la voix pour divers passages en scream comme en chant clair. Ces moments restent toutefois plutôt rares, Sylvaine étant surtout le projet solo de Katherine.

Se produisant très tôt ce samedi, le temps de set accordé à la formation est bien court. Le groupe n’interprète de facto que cinq titres, en majorité issus du dernier album Nova, et terminant en lourdeur dans un lent headbang sur “Mørklagt” de Atoms Aligned, Coming Undone. Rien de tel que du black onirique pour bien démarrer une journée de festival !

Setlist Sylvaine:

Nova
Earthbound
Fortapt
Mono No Aware
Mørklagt

Pénitence Onirique

Massey Ferguscène, 15h10

La thématique onirique se poursuit sur la Massey, mais cette fois dans un registre beaucoup plus sombre et triste. Après Sylvaine dont les mélodies révélaient tout de même un côté lumineux, le black atmosphérique de Pénitence Onirique nous semble beaucoup plus oppressant. Le son est presque impérial, avec des guitares parfaitement mixées, permettant toute la précision que méritent les mélodies ciselées par le combo. On regrette juste un kick un peu trop sourd dans l’axe, et une très vilaine grosse coupure de la façade pendant “V.I.T.R.I.O.L.”, heureusement courte et sans conséquences.

Les six musiciens du groupe sont comme toujours revêtus de leurs costumes noirs et de leurs masques à cornes dorés, à l'exception du batteur, uniquement recouvert de sa capuche. Ils sont anonymisés et leurs individualités gommées : tout passe par la musique, les méandres des compositions et les ressentis qu’elles génèrent en nous. On peut autant entrer dedans et se laisser porter qu’y rester impassible. Le jeu de scène est présent bien que sommaire, on apprécie en particulier le jeu de lumières lasers pour faire ressortir les visages de la pochette de Vestige, disposés des deux côtés de la scène.

"Carapace de Fantasme Vide” voit un long shriek en ouverture, dont on n'a pas mesuré la durée précisément mais qui nous a semblé plus long qu’en studio. En parallèle de ce long hurlement guttural, le jeu aux doigts du bassiste fait des miracles sur l'ensemble du morceau. Après deux titres de V.I.T.R.I.O.L, on retrouve deux compositions de Vestige et enfin deux nouveautés qui sortiront sur le prochain album, poussant le set à dépasser un peu du temps imparti. “Mammonites”, qui avait été diffusé en amont, passe particulièrement bien l’épreuve du live. Ça augure encore du très bon à venir, le rendez-vous est pris pour la sortie de Nature Morte d’ici à la fin de l’année.

Setlist Pénitence Onirique:

V.I.T.R.I.O.L
Carapace de Fantasme Vide
Les Sirènes Misérables
Souveraineté Suprême
Mammonites
Pharmacos

Birds In Row

Massey Ferguscène, 16h45

Pour la dernière date de leur tournée d’été, c’est au Motocultor que les Rennais de Birds In Row ont décidé de poser leurs valises. Le trio post hardcore, à qui tout réussit récemment, propose un set vibrant, brutal et viscéral, dont la puissance provient d’une belle complémentarité entre les musiciens : les riffs nerveux et le chant torturé de Bart sont complétés par le groove et les cris de Quentin Sauvé, tandis que Joris maltraite son kit de batterie, cassant même une baguette victime de ses frappes monstrueuses. Engagé dans ses choix – preuve en est son retrait de l’affiche du Hellfest afin d’exprimer son mécontentement quant à la programmation – le groupe l’est également dans le concert qu’il livre ici.

Au travers d’une énergie débordante délivrée par Bart et Quentin, la communication est en parfaite harmonie avec le public, du moins jusqu’au moment où le groupe dédie l’un de ses morceaux à toutes les personnes victimes de violences policières, aux personnes queer, et de manière générale à toutes les personnes victimes de violences et de discrimination fondée sur leurs genres et ethnies. En effet, si une bonne partie du public est réceptive au message et applaudit le groupe pour sa prise de position, une minorité pour le moins nauséabonde n’hésite pas à huer le groupe et à lui diriger quelques majeurs levés. Comme quoi, certains festivaliers n’étaient pas nés avant la honte. Fort heureusement, la musique reprend ses droits par la suite et permet d’oublier rapidement ces quelques individus.

Avec un set composé en grande partie de morceaux issus de Gris Klein (pas loin de neuf), Birds In Row n’en oubliera pas de jouer son très classique “15-38” issu de We Already Lost the World. Démontrant ainsi une énergie brute et puissante, le trio réussit même à créer un petit pogo sous cette Massey Ferguscène pleine à craquer, les lights venant étayer la performance du trio déjà de très haute volée. On regrettera seulement le son légèrement mal équilibré avec des basses trop présentes et des voix un peu trop en retrait.

Setlist

Water Wings
Daltonians
Confettis
Noah
Cathedrals
Nympheas
15-38
Grisaille
Trompe l'oeil
Rodin
I Don't Dance

Akiavel

Supositor Stage, 16h45

Akiavel est un quatuor de death metal mélodique old-school. Le combo du sud commence à beaucoup jouer cette année, collectionnant les dates de festival, après le Plane’R et même un Hellfest. Tant mieux, le groupe n’avait pas été gâté en sortant son premier album en février 2020.

Le lead vocal est assuré par la chanteuse Auré, dont le growl est ultra puissant. Si les compositions sont groovy et franchement efficaces en studio, elles ne ressortent pas suffisamment cet après-midi. Malheureusement, le mix est une nouvelle fois perfectible sur la Supositor. Le son moyen n’empêche toutefois pas le public de se lâcher, les compos d’Akiavel restant très entraînantes, et le pit se montre vite très agité. Auré le remarque bien et ne manque pas de demander encore plus de bordel. Veni Vidi Vici, sorti en décembre dernier, n’est illustré que par “Souls Of War”. La majorité du set met à l’honneur les deux premiers albums, et Fred d’Acod monte sur scène pour un featuring sur “Burn”, avant le rappel sur “Cold”.

Malgré l’énergie dégagée par le groupe et sa volonté de faire le concert le plus énergique possible, le son décevant ne nous permet pas d’apprécier Akiavel à sa juste valeur. Dommage.

Setlist Akiavel:

The Witness
Bind Torture Kill
My Lazy Doll
Kind of Requiem
Souls Of War
Zombie
Pentagram Tattoo
Burn (en feat avec Fred d'Acod)
Cold

Brutus 

Dave Mustage, 19h25

Sous un soleil radieux, le trio belge Brutus investit la grande scène principale où le public est venu en nombre. Emmené par la solaire Stefanie Mannaerts (batterie, chant), positionnée de profil sur la droite de la scène, le combo se lance dans un set aux accents post metal qui va asséner une belle claque au festival. La prestation impressionnante de la frontwoman, à la manœuvre sur la rythmique percutante et au chant, n’éclipse pas pour autant la performance du bassiste Peter Mulders et du guitariste Stijn Vanhoegaerden, auteurs de riffs puissants, aiguisés et hypnotiques délivrés tantôt face au public, tantôt tournés vers la vocaliste cogneuse.

Brutus joue des contrastes entre des moments poignants et une énergie survoltée lorgnant vers le hardcore. La fêlure dans le chant de Stefanie fait monter l’intensité à des moments clés (“Victoria”), tandis qu’aux premiers passages énervés de "War", les premiers slams se lancent, essentiellement féminins d’ailleurs. La douceur laisse place à des déflagrations impitoyables sur “Miles Away”, puis le public semble emporté par la mélodie entêtante de “Justice de Julia II”, issue du premier opus Burst (2017).

Le dernier album, Unison Life, sorti l’an dernier, est largement représenté dans la setlist, avec la parfaite entame “Liar”, ou des titres forts qui s’enchaînent parfaitement (“Brave”, “What Have We Done”, “Dust”), chaque transition étant marquée par Stefanie d’un tintement de carillon (bar chimes). Elle se lève sous les applaudissements entre les titres, arborant un grand sourire, à l’instar de ses deux camarades, et remercie chaleureusement l’auditoire à plusieurs reprises.

On apprend que leur bus est tombé en panne la veille, et le trio rend hommage à son équipe qui s’est démenée en pleine nuit pour amener le groupe et son matériel à bon port. L’énorme final sur “Sugar Dragon” voit une armée de slammeurs fondre vers les barrières, et le public réserve une ovation au groupe qui a indiscutablement brillé sur cette fin d’après-midi de festival, en signant un set intense et puissant, tout en subtilité et en humilité.

Setlist Brutus :

Liar
War
Victoria
Justice De Julia II
Miles Away
Brave
What Have We Done
Dust
Sugar Dragon

Russian Circles  

Massey Ferguscène, 20h25

Les amateurs de post metal ont fort à faire ce soir : Brutus quitte à peine la Dave Mustage que déjà il faut se presser vers la Massey pour ne pas rater le set de Russian Circles. Le trio instrumental originaire de Chicago apparaît sur scène dans un nuage de fumée et ne perd pas de temps pour dérouler grosse frappe et énormes riffs dans les deux titres d’introduction, tirés de l’album Station datant de 2008. Sur l’hypnotique “Harper Lewis”, Mike Sullivan (guitare) et Brian Cook (basse) construisent des boucles mélodiques denses à l’aide de leurs pédales de loop, encouragés par le public qui manifeste son enthousiasme en tapant des mains avant la déflagration finale.

Sur le martèlement de l’intro de “Quartered”, le visage du batteur Dave Turncrantz est éclairé d’un côté à chaque frappe, ce qui ne fait qu’accentuer les effets visuels élaborés, partie intégrante du show. Les jeux de lumières travaillés, jouant sur la symétrie, la synchronisation avec la musique et les effets stroboscopiques, accentuent l’effet hypnotique et immersif du concert. Le chapiteau est plein à craquer, les têtes s’agitent, les bras se lèvent, et les musiciens headbanguent de concert avec leur public.

Les morceaux du huitième album Gnosis, sorti l’an dernier, impressionnent particulièrement, de l’entame énorme de “Conduit”, chef-d’œuvre de lourdeur, accompagné de slams du côté de la fosse, jusqu’à la montée en puissance incroyable de “Gnosis”. Le trio bénéficie d’un son excellent, et de loin comme de près les festivaliers sont réellement happés par la prestation. C’est bas, c’est beau, le sous-accordage et la puissance hypnotique et destructrice des riffs emportent tout sur leur passage. Russian Circles conclut sur l’étrange “Mlàdek”, avec juste ce qu’il faut de dissonance et de déconstruction pour un final épique et intense. La seconde belle claque du jour, instrumentale cette fois.

Setlist Russian Circles :

Station
Harper Lewis
Conduit
Betrayal
Quartered
Gnosis
Mladek

Der Weg Einer Freiheit

Supositor Stage, 20h25

Depuis la sortie du monumental Noktvrn fin 2021, Der Weg Einer Freiheit a déjà eu plusieurs occasions de se produire dans l’Hexagone, et pas uniquement en festival. À chaque fois le public répond présent, le contraire serait étonnant au vu de la qualité des productions des Allemands, et ce depuis longtemps. Le concert s’apprête à commencer avec “Morgen”, et le groupe nous réserve une petite surprise !

Alors qu’on s’attend à la classique setlist de festival, servie à chaque concert depuis le début de cette année, Der Weg troque “Einkehr” pour l’intense “Zeichen”. La compo fleuve ouvrant Unstille est une pépite, et les passages soft de sa section centrale contrastent avec le rouleau compresseur “Aufbruch”, qui termine le set. Avant ce superbe final, le groupe continue notamment l’interprétation de Noktvrn avec “Am Rande der Dunkelheit”. La setlist est courte, mais le faible nombre de titres est compensé par la longueur des compositions.

On apprécie beaucoup le set du quatuor, d’autant plus que, contrairement à souvent, le mix sonore de la Supositor est cette fois réussi. La production est très propre et permet à chaque élément, chaque instrument de ressortir du mix. Tout, des guitares, participant aux nappes d'ambiance par la rythmique ou la mélodie, jusqu’à la voix, la basse et bien entendu la batterie. Chirurgicalement précis derrière ses fûts, Tobias Schuler fait preuve comme toujours d’un jeu plein de subtilité dans les frappes. On peut chipoter en estimant que le kick est peut-être réglé un peu trop fort, mais on tient là un des meilleurs mixs de cette édition sur la Supositor.

Nikita Kamprad mentionne Amenra qui prendra la scène ce soir, groupe avec lequel le groupe a apprécié tourner en ce début d’année. Der Weg Einer Freiheit vient de délivrer une leçon de post-black et on ne doute pas que les Belges seront au niveau ! Le public en revanche, ça c’est moins sûr.

Setlist Der Weg Einer Freiheit:

Morgen
Repulsion
Am Rande der Dunkelheit
Zeichen
Aufbruch

Sodom

Dave Mustage, 21h20

Sodom, c’est quand-même un gros nom. Même si l’écart de notoriété et de succès avec son compatriote Kreator est important, le poids lourd du thrash allemand reste une référence. Quand en plus le guitariste Frank Blackfire est de retour, lui qui était déjà aux commandes de la six-cordes pour Persecution Mania et Agent Orange il y a 35 ans (ça ne nous rajeunit pas tout ça) on peut s’attendre à une grosse mandale. L’attaque du set nous donne raison, avec “Silence Is Consent” directement enchaînée sans pause sur “Nuclear Winter”. La machine allemande est déchaînée, et elle ne va pas s’arrêter de sitôt.

Dans la foule c’est déjà l’extase, et ce n'est pas le brûlot “Sodom & Gomorrah” - seul titre issu du dernier album en date, le set étant largement axé vers les premiers EP et albums - qui va le calmer. On sent les décennies d'existence du groupe dans la précision du jeu, qui ne souffre d'aucune imperfection. On les sent aussi dans les compositions, qui sont nombreuses à évoquer Motörhead, dans ce côté rapide, nerveux et exécuté en fast tempo. C'est évidemment très classique, mais avec sa propension à enchaîner les titres sans répit, on tient possiblement le set thrash le plus nerveux du festival. Et une réputation qui passe l'épreuve de la scène !

On disait le set axé sur les vieux titres, il l’est au point que, sur la dizaine de morceaux interprétés, on ne retrouve que “Caligula” et “Conflagration” des sorties récentes. Un circle pit géant se forme, les refrains sont chantés à l’unisson par le public. Réceptif aux titres récents, il l’est encore plus lorsque Tom Angelripper annonce des retours dans le passé, pour “Outbreak Of Evil”, “Sodomy and Lust” ou “Agent Orange”. On jubile, jusqu’au final sur “Bombenhagel”, pour de dernières sessions de headbang. Un gros set de Sodom, probablement en meilleure forme que sur les prestations de ces dernières années.

Setlist Sodom:

Silence Is Consent
Nuclear Winter
Sodom & Gomorrah
Outbreak of Evil
Conflagration
Sodomy and Lust
Agent Orange
Caligula
Blasphemer
Bombenhagel

Ludwig Von 88

Bruce Dickinscène, 21h20

Les vétérans punk français fêtent leurs quarante ans cette année, et ils continuent d'attirer les foules : la tente de la Bruce Dickinscène est quasiment pleine avant le début du concert. La scène promet une sacrée ambiance, avec de grosses peluches d'animaux partout et des plantes en plastique çà et là, notamment sur la table de mixage. Le groupe entre sur scène en costume, les guitariste Bruno Garcia et bassiste Charlu Ombre avec des maillots de sport, le chanteur Karim Berrouka avec une abondante (et artificielle) chevelure blonde. La tenue de Jean-Mi, planqué derrière sa boîte à rythme, est plus compliquée à détailler.

La musique enregistrée, presque semblable à une boite à musique, retentit, et le public chante déjà la mélodie. Quand le groupe attaque « HLM », un de ses classiques (1986, tout de même), le public redouble d'enthousiasme, continuant de chanter les paroles et dansant avec ardeur sur des rythmiques chaloupées aux influences reggae. Le chanteur s’agite durant les chansons et parle beaucoup entre les morceaux. Il fait de nombreuses blagues, vantant notamment les ventilateurs installés qui lui permettent de « faire voler mes cheveux au vent » (il est chauve sous ses perruques, dont l’une magnifique d’inspiration Louis XV). Il rappelle surtout que la tournée en cours est l’occasion de célébrer un anniversaire. « Le groupe fête ses quarante ans cette année. On a commencé à jouer à sept ans, donc on en a 47 et on est toujours en forme ». On y croit presque.

Comme anticipé, le fun est de la partie : outre les changements fréquents de déguisement et les peluches, le public a droit à des tirs réguliers de confettis, des ballons géants qui se baladent dans la fosse, et même sur la fin à un peu de pyrotechnie façon cierges magiques. Les morceaux alternent entre du punk rapide et des titres dansant avec de fortes influences ska ou reggae. Le public est connaisseur et chante une bonne partie des paroles, mais sur la première moitié du set, le résultat n'est qu'à moitié convaincant. Cela manque de punch, et il en ressort une étrange sensation de manque d’énergie. Pourtant, sur le papier, le set est bien dosé entre morceaux rapides et plus calmes, entre classiques (« HLM », « Sur la vie d’mon père, « New Orleans » …) et titres plus récents « Jean-Pierre Ramone », « Chuck Norris Dans La Prairie (Si Señor) »).

Cela s’améliore avec l’arrivée d’un invité : « Pour la première fois à Carhaix, veuillez applaudir le grand, l’unique, El Toto ». En l’occurrence Toto Bavarois, toaster reggae habitué des concerts du groupe. L’homme, ses dreads et sa chemise hawaïenne viennent pousser des vocalises ragga bienvenues sur « Club Med ». Et alors, que le public redouble d’agitation, à grand renforts de pogos et de slams qui partent du fond du chapiteau, ce sang frais semble booster les vieux punks, qui dès lors, mettent plus de rage dans leur interprétation. Le fameux Toto reviendra prêter main forte en fin de concert, redonnant encore plus d’énergie.

Généreux, le quartette prend le temps en fin de concert de remercier tout le monde, organisation, technique, bénévoles, public. Le dernier morceau, « Houla la ! », ouverture du premier album du même nom, uniquement ponctué d’onomatopées, embarque dans une sorte de transe, à laquelle participe fiévreusement le public, qui la fait résonner même après que la musique s’est arrêtée. Si le concert nous a laissé une impression en demi-teinte, la communion entre le combo et son public semblait bien réelle.

Scarlxrd

Massey Ferguscène, 22h20

A l’image d’un Ic3peak, Scarlxrd fait partie de ces curiosités du Motocultor. Et il a su attirer la foule: c’est en effet une tente débordante qui accueille l’artiste anglais. Et quelle entrée de ce dernier ! Arrivant tout sautillant avant de réaliser en toute décontraction un saut périlleux arrière. Le ton est donné. 

Et tel un énorme ressort, la foule explose et crée un véritable séisme. Malgré une scène dépourvue de quelconque artifice, le show lumineux est présent et transformé ainsi la tente en véritable club. On pogotte, on hurle sur le scream très maîtrisé de Scarlxrd et on vibre au premier degré tant les subs font résonner notre cage thoracique sans pour autant nous assourdir.

Scarlxrd Motocultor 2023
Photo : Corentin Charbonnier

On apprécie pleinement le mélange trap metal qui nous est offert ici, et on voit ainsi les slams se multiplier et le pit s’ouvrir. Scarlxrd est venu avec une seule idée en tête : retourner le festival. Et c’est très clairement mission accomplie pour l’artiste anglais. Une nouvelle preuve qu’associer rap et metal permet de créer une nouvelle dynamique, d’amener un nouveau public et d’apporter toujours plus de diversité dans une scène déjà très refermée sur elle-même. L’Outbreak Festival à Manchester par exemple ayant eu lieu plus tôt en juin a eu la bonne idée de mélanger hardcore et rap, offrant ainsi une connivence. Alors certes on pourra redire sur leurs choix d’artistes et leurs répartitions, mais c’est un pas en avant qui mérite d’être répété.

Watain 

Supositor Stage, 22h20

Les festivaliers présents au Motocultor 2019 se souviennent certainement du concert particulier de Watain sur la Supositor, sous une pluie battante et un vent impétueux. Ce soir, les conditions sont bien meilleures, et même si la température a chuté avec le coucher du soleil, il ne fait aucun doute que la messe black metal du groupe suédois va réchauffer l’atmosphère : des crânes ornent la scène, des tridents et des flambeaux trônent à différents emplacements.

À l’heure pile, le rituel commence : les musiciens entrent en scène, vêtus de noir, corpse paint sur le visage, et le frontman Erik Danielsson embrase les croix inversées et les deux grands tridents du décor, avant de lancer sa torche dans le public. Heureusement, celle-ci sera attrapée par un habile festivalier, sans faire de victime. La musique de Watain, plutôt bien mixée ce soir, est marquée par des introductions mélodiques avant les attaques typées black, un univers sombre et malsain aux influences variées et des lignes de guitare signées Pelle Forsberg qui ressortent nettement. Les mains se lèvent et les têtes s’agitent dans le public, l’air fasciné, qui communie complètement avec le groupe.

Comme habité, le vocaliste invective la foule, livre une interprétation théâtrale et reste également dans son rôle pour remercier plusieurs fois le public de sa présence, la main sur le cœur. Des morceaux récents trouvent leur place aux côtés de titres plus anciens, à l’instar de “Legions of the Black Light”, son intro mélodique et son solo, puis le très intense “Satan’s Hunger”, également issu de Sworn to the Dark (2007), où le cérémonial atteint des sommets. Erik arrive avec un calice rempli de sang dont il asperge les premiers rangs, décidément bien gâtés ce soir. Le tempo change sur le plus lent “Serimosa”, doté d’un certain groove et interprété par le chanteur flambeau à la main, avant la plus rapide et impitoyable “Total Funeral”, sur laquelle il demande au public de montrer ses cornes.

Arrive l’énorme final “Malfeitor”, puis après le salut des guitaristes et la distribution de baguettes, Erik reste seul sur scène pour terminer lentement son rituel, éteignant chaque torche à mains nues, en remerciant longuement et de façon solennelle le public avant une ultime révérence. Même sans les conditions dantesques de Saint Nolff il y a trois ans, Watain a su offrir aux festivaliers un show réellement impressionnant, à la fois visuellement et musicalement. Du grand spectacle de la première à la dernière seconde.

Setlist Watain :

Night Vision
Ecstasies in Night Infinite
Legions of the Black Light
The Howling
Satan’s Hunger
(sur piste) Dead But Dreaming
Serimosa
Total Funeral
Malfeitor

Bullet For My Valentine

Dave Mustage, 23h15

Avec Bullet For My Valentine comme tête d'affiche de cette troisième journée, c’est un retour à l’adolescence qui attend les personnes nées dans les années 90. Les Gallois ont fait déplacer une immense partie du festival : on n’avait encore jamais vu une foule si immense devant la Dave Mustage ! Si le son ne semble pas être véritablement au rendez-vous, du moins sur le début de ce set court de dix morceaux, le lightshow est quant à lui bien présent et particulièrement réactif au rythme effréné de chaque morceau.

Comme dit précédemment, si la foule de la génération Y s’est tant déplacée, c’est très certainement pour écouter les tubes metalcore, vaguement thrashisant ou heavy mélodique sur certains albums, qui ont bercé son adolescence dans la seconde moitié des années 2000. Et ça, Matt Tuck l’a bien compris puisque c’est seulement au bout de deux morceaux que les classiques s’enchaînent avec “Your Betrayal”, “4 Words (to Choke Upon)” ou “All These Things I Hate”. Carhaix devient ainsi un véritable karaoké où l’on entend presque plus le public reprendre en chœur les paroles que Matt Tuck, Michael Paget et Jamie Mathias chantent. On aura d’ailleurs tendance à déplorer peut-être le manque de forme vocale de Matt tant il semble essoufflé par moments, laissant finir le public sur certains refrains notamment ceux des classiques “Scream Aim Fire” ou encore “Tears Don’t Fall”. 

Mais cela ne décourage certainement pas les festivaliers une seule seconde tant la marée de slammeurs qui s’abat sur la sécurité ne semble jamais diminuer. Une chose est sûre, l’ambiance est à la fête ! Et les fans de la première heure ont de quoi se régaler avec pas moins de quatre titres issus de The Poison et deux de Scream Aim Fire. On regrette peut-être l’absence d’au moins un titre issu de Venom (2015) et un autre de Temper Temper (2013) qui eux aussi ont leur lot de tubes mais il faut dire qu’un set de 55 minutes est relativement court et nécessite de faire des choix. Il n’y a d’ailleurs aucun titre du dernier album non plus, et un seul de Gravity, sorti en 2018. Au final, c’est avec une prestation au goût d’inachevé que nous laissent les Gallois pour cette avant-dernière soirée en terres bretonnes.

Setlist 

Knives
Over It
Your Betrayal
4 Words (to Choke Upon)
All These Things I Hate (Revolve Around Me)
Scream Aim Fire
Shatter
Tears Don't Fall
Suffocating Under Words of Sorrow (What Can I Do)
Waking the Demon

Amenra

Massey Ferguscène, 00h20

Amenra en festival, c’est toujours une expérience… Parfois on est agréablement surpris, trop souvent on est déçu. Non pas par la prestation du groupe de post metal sombre et mélancolique, mais par le public. On se souvient notamment du concert au Hellfest gâché en partie par le son de la Mainstage mais également par le public quelque peu… dissipé (mention spéciale à l’individu s’étant allègrement soulagé au milieu du public). Et les mêmes problèmes se répètent une fois de plus au Motocultor où le son de la Supositor se superpose trop souvent aux instants calmes et presque religieux de “Plus Près de toi” où de petits malins trouvent amusant de hurler des choses comme “Mais pourquoi il nous tourne le dos ! ET TOI LE CHANTEUR MÊME SI MACRON VEUT PAS DE NOUS ON EST LA !”. Certainement que cet individu s’est pensé au même niveau d’humour qu’un Rick Gervais alors que la réalité le situerait plutôt au niveau d’un Stand Up de Merde 3. 

Mais passons et parlons enfin de musique. Amenra comme à son habitude a le don de mettre en lumière sa musique et d’y donner une atmosphère et un relief tout particulier. Le combo belge est ainsi venu comme à l’accoutumé avec son projecteur qui lui sert à projeter de nombreuses images et films en noir et blanc venant offrir un spectacle complet. On notera que pour une fois, Colin H. van Eeckhout (chanteur) ne nous tourne pas le dos dès le départ. Le son sous la tente est brillant de justesse et laisse place à tous les instruments de manière homogène et on ne peut qu’être toujours impressionné par la puissance vocale que déploient Colin et Tim sur les parties en chant saturé qui nous soufflent. 

Et c’est sur un seul rayon de lumière uniquement dirigé vers Colin qu’Amenra nous quitte, avec cette impression de s’être fait passer dessus par un rouleau compresseur tant la puissance délivrée par les Belges fut intense. Encore une fois, Amenra réalise une prestation somme toute classique mais très juste et qui ne fait que confirmer ce que beaucoup pensent : ne faudrait-il pas que le groupe arrête de jouer dans des festivals généralistes et où ses prestations se retrouvent parasitées par les scènes mitoyennes et le public dissipé et irrespectueux ?

Textes : 
- Valérian (Birds In RowScarlxrd, Bullet For My ValentineAmenra)
- Félix D (Sylvaine, Pénitence Onirique, Akiavel, Der Weg Einer Freiheit, Sodom)
- Julie L (Brutus, Russian Circles, Watain)
- Aude D (Ludwig von 88)

 

Photos : Lil'Goth Live Picture, Corentin Charbonnier (Scarlxrd). Toute reproduction interdite sans l'autorisation des photographes.

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