Bell Witch : Entretien avec le co-fondateur Dylan Desmond

C'est à l'occasion du Motocultor Festival 2023 que nous avons eu l'occasion de nous entretenir avec Dylan Desmond, bassiste, chanteur et co-fondateur de Bell Witch, groupe de doom originaire de Seattle . L'occasion pour nous d'échanger autour de ce groupe si singulier aux albums composés d'un seul morceau de plus d'une heure vingt et aux ambiances funèbres, et d'évoquer ses inspirations et le genre en général.

Bonjour Dylan ! Nous avons assisté au set de Bell Witch un peu plus tôt dans la journée, et c'était vraiment génial. Comment t'es-tu senti sur scène et comment as tu trouvé votre performance ?

Dylan Desmond : C'était génial ! Nous avons dû préparer quatre versions différentes pour quatre sets différents pour cette tournée. Car certains festivals imposent un set de 40 minutes, d'autres festivals 50 minutes. Normalement, quand nous sommes en tête d'affiche des concerts hors festivals, nous jouons un set de 65 minutes environ. Ici on a joué 45 minutes.  Nous avons donc dû nous préparer à différents types de concerts. Et je pense qu'au début, quand on s'est assis sur la planche à dessin, pour ainsi dire, pour déterminer ce qu'est un set de 40 minutes, ce qu'est un set de 45 minutes, cela peut être un peu frustrant : qu'est-ce qu'on coupe ? On se dit qu'on ne peut pas couper telle ou telle partie parce qu'elle est vraiment importante pour la suivante. Mais une fois qu'on a trouvé, c'est génial.

Je pense que le set d'aujourd'hui s'est bien passé. Tout le monde me dit que c'était très fort. L'ingénieur du son m'a dit qu'il était comme ça [il mime son ingénieur du son les pouces en l'air, ndlr]. Des techniciens de l'organisation m'ont dit que je devais baisser le son et j'ai dit : "Oh, d'accord". Et j'ai essayé un peu, mais j'espère que je ne leur ai pas causé d'ennuis. En définitif, je pense que le set d'aujourd'hui s'est très bien passé. J'en suis très heureux.

 

Et aussi mystérieuse et symbolique que la musique doom puisse être, qu'est ce que tu préfères dans ce genre ? Qu'aimes-tu explorer dans ce type de musique, et pourquoi es-tu attiré par ce dernier ?

Bien sûr, parlons du doom. Ce qui me fascine dans le doom, c'est que, contrairement à de nombreux groupes de heavy metal qui célèbrent la victoire et le triomphe, le doom se tourne plutôt vers l'opposé. Il explore la notion de défaite, de perte et du vide qui peut accompagner la vie. C'est loin de la positivité et de l'optimisme. Le doom amplifie peut-être le pessimisme de manière exagérée, mais il plonge profondément dans cette direction. Rien qu'en regardant son nom, "doom" (destin funeste en anglais, ndlr), on comprend que ce genre musical examine la notion de perte et la "réalité incontournable de notre finitude". En somme, le doom est une exploration musicale de la réalité de la vie, qui, inexorablement nous conduit vers la mort. C'est cette introspection sombre et cette esthétique unique qui me captivent dans le doom.

Photo : Lil'Goth Live Picture. Toute reproduction interdite. 

Depuis 2018, nous n'avons pas eu l'occasion de vous voir en Europe. Quels sont les changements que vous avez personnellement connus en tant qu'artistes depuis cette période ? Et de manière plus large, comment percevez-vous ces évolutions au sein de la scène musicale, notamment en Europe, en ce qui concerne les artistes, le public, etc ?

Avant la pandémie, j'étais propriétaire d'un lieu à Seattle qui mettait principalement en avant le heavy metal, mais qui accueillait également divers autres genres tels que le punk rock, des spectacles de drag queens, et même des événements furry. Cette période m'a permis d'avoir une bonne connaissance de la scène du heavy metal et de ses sous-genres dans la région. Avec l'arrêt des activités lié à la pandémie, j'ai commencé à me demander si, à mesure que la situation s'améliorerait, la scène heavy metal dans son ensemble pourrait s'ouvrir à une plus grande diversité musicale, offrant ainsi des concerts qui réuniraient différents styles, du black metal au power metal, voire même du punk rock. J'ai observé que cette tendance commençait à se concrétiser à Seattle, bien que peut-être pas autant que je l'aurais imaginé. De plus, de nombreux festivals en Europe semblent également adopter cette approche en invitant des groupes que l'on n'aurait pas forcément associés avant la pandémie. Cette ouverture à la diversité musicale est une évolution positive qui permet à tous de découvrir une variété de styles musicaux et d'élargir leurs horizons lors des concerts.

En avril dernier, vous avez sorti votre dernière chanson, "Future Shallow Part one: The Clandestine Gates," qui consiste en une seule piste d'une heure et demie. Nous savons déjà qu'il s'agit du premier volet d'une trilogie. Tu peux nous donner davantage d'informations sur cet album et nous dire à quoi nous pouvons nous attendre dans les prochains volets de cette trilogie ?

À l'origine, notre intention était de créer une chanson en trois parties. Nous avions envisagé une approche consistant à écrire et enregistrer le premier album, le publier, partir en tournée, puis revenir à la table de travail après avoir passé un certain temps en tournée. L'objectif était de décider de la suite : par où commencerait le deuxième album, et ainsi de suite. Notre plan était de construire progressivement sur cette base. Cependant, lorsque la pandémie a frappé, tout a été fermé aux alentours du 20 mars 2020, et cette situation s'est plus ou moins reproduite dans le monde entier. Or, nous étions censés entrer en studio vers le 28 ou 29 mars. Le propriétaire de notre espace de répétition a envoyé un e-mail à tous ceux qui répétaient là-bas en disant : "Nous sommes fermés. Vous ne pouvez pas entrer dans le bâtiment. Tout le monde est en train de mourir. C'est la folie. Les portes sont verrouillées, vous ne pouvez pas entrer." Nous nous sommes alors demandé : "Bon sang, que devons-nous faire ? Nous ne pouvons pas enregistrer cet album d'une durée d'une heure ou plus sans l'avoir répété au préalable pendant une semaine." Nous avons donc dû annuler l'enregistrement. Avec le temps, il est devenu évident qu'il n'y aurait pas de moment propice pour enregistrer.

Notre approche a donc évolué. Au lieu d'écrire et d'enregistrer tout l'album d'un seul coup, nous avons décidé d'écrire l'intégralité de la trilogie en détaillant un plan, puis d'enregistrer progressivement par segments. C'est donc un peu un mélange des deux approches. Maintenant que nous avons enregistré le premier volet et que nous allons partir en tournée avec, je pense que, à la fin de cette tournée, la suite deviendra très évidente. Nous avons déjà un plan en place pour cela. Cependant, je présume que cela évoluera au fur et à mesure de nos performances lors de ces tournées pour cet album. Ainsi, lorsque nous nous installerons pour commencer à écrire et composer la suite, le squelette que nous avons déjà élaboré sera d'autant plus solide.

Ce qui m'enthousiasme particulièrement, c'est que lorsque nous aurons achevé le troisième album et que tout sera terminé, je pense que ce sera très intéressant de voir comment nous aurons progressé en tant que groupe dans le troisième album par rapport au premier. Nous pourrons également découvrir ce qui aura été accompli et développé, ainsi que la croissance du groupe.

Nous vous connaissons aussi pour vos pochettes d'albums somptueuses. Comment choisissez-vous les artistes pour réaliser ces œuvres, et quelle est la connexion entre votre musique et un artiste spécifique, comme Mariusz Lewandowski pour l'album Mirror Reaper, par exemple ? C'était vraiment une collaboration exceptionnelle.

Absolument, c'était une expérience formidable. Marius s'est avéré être un artiste exceptionnel, tout comme Jordi Diaz Alamà (l'artiste ayant réalisé la cover du dernier album du groupe, ndlr). Je l'ai découvert sur Internet et j'ai commencé à établir un contact avec lui. J'admirais son travail, en particulier une pièce longue et complexe inspirée de La Divine Comédie de Dante. Une partie de son travail était directement influencée par l'interprétation de La Divine Comédie par Gustave Doré, mais il y apportait aussi sa propre touche avec un style vraiment intéressant. À mesure que je plongeais davantage dans son travail et que je le découvrais, je me suis dit que cet artiste était parfait pour notre projet.

Bien sûr, La Divine Comédie est divisée en trois parties, tout comme notre album, bien que notre inspiration ne soit pas exactement calquée sur le triptique de l'Enfer, du Purgatoire et du Paradis. Peut-être que notre accent était davantage mis sur l'idée du Purgatoire, mais il y avait néanmoins un triptique qui s'est avérée très intéressant. Nous lui avons écrit un e-mail et avons commencé à discuter. Je crois qu'il m'a dit qu'il avait écouté notre musique et qu'il avait immédiatement accroché. Il a accepté de collaborer avec nous. J'étais à Barcelone pour mes études, et il possède une école d'art là-bas qu'il dirige. J'ai visité son école d'art, rencontré Jordi en personne et pu admirer son travail de près. Il m'a expliqué : "Oui, j'ai créé cette œuvre en écoutant en boucle votre dernier album. Cela m'a vraiment inspiré et guidé dans ma création." J'ai répondu : "C'est parfait", et cela a fonctionné à merveille.

 

En ce qui concerne le futur de la musique, en particulier le futur du genre, quelles sont tes impressions actuelles ? Vers quelle direction penses-tu que vous pourriez vous orienter à l'avenir ?

Personnellement, et ce n'est que mon avis personnel : j'espère qu'il se détournera de l'aspect rock and roll pour incorporer davantage d'éléments du black metal, en devenant plus sombre et profond. À mesure que je prends de l'âge, mes goûts musicaux évoluent. Je ressens de moins en moins d'attrait pour la musique festive et entraînante, considérant cette période de ma vie comme révolue. Cependant, je comprends que chacun a ses propres préférences.

Mon espoir est que le doom se détache de l'idée de fête et de bien-être pour se pencher davantage sur l'exploration des aspects difficiles et douloureux de la vie, des réalités que nous avons tendance à éviter. Selon moi, cette exploration est cruciale, car elle stimule le désir humain de s'exprimer, que ce soit à travers notre subconscient, nos rêves ou d'autres formes d'expression complexes à définir. Elle découle d'une introspection honnête, englobant non seulement les aspects sombres de la vie, mais aussi les moments positifs.

 

Le dernier mot est pour toi ...

Merci de l'intérêt que vous portez à notre groupe !

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