Les sorties d'album sont tellement nombreuses chaque année qu'il nous arrive de passer à côté de très beaux albums. Alors, pour commencer 2024, nous avons voulu, une semaine durant, faire un focus sur des albums de 2023 que nous n'avions pas eu le temps de traiter.
Aujourd’hui, nous revenons sur la dernière sortie de Lord Of The Lost, Weapons Of Mass Seduction, paru en toute fin d’année dernière.
En guise d’arme de séduction massive (le nom de cet opus), les Allemands de Lord Of The Lost nous offrent un album de reprises. De quoi patienter en attendant de nouvelles compositions, puisque le dernier album studio du combo indus glam, Blood & Glitter (tout un programme là aussi) ne remonte qu’à 2022.
Avec Weapons Of Mass Seduction, le chanteur guitariste Chris Harms affirme que la seule ambition « était de créer cet album pour nous faire plaisir en jouant et en enregistrant une sélection de nos chansons préférées d'autres artistes ». Un album sans prétentions, en somme. Mais pas sans matière : si la version standard comporte onze titres, une édition de luxe comporte un second disque de onze titres également, déjà parus sur les différents albums et / ou concerts du groupe, et une édition limitée ajoute encore dix titres joués en acoustique.
Hétéroclite mais homogène
Même sans avoir pu écouter ce troisième disque, les deux premiers nous en donnent pour notre argent. Le groupe brasse dans ses choix de chansons une multitude d’influences, des années 80 aux années 2010, de la pop très grand public aux classiques du metal, en passant par la folk, le pop rock et le rock alternatif. Si le mélange peut sembler hétéroclite, les deux disques sont étonnamment homogènes.
Le quintette martèle ses rythmiques indus (Class Grenayd à la basse et Niklas Kahl à la batterie), à grand renforts de claviers des années 80 (Gared Dirge) et de riffs de guitares musclés mais ultra mélodieux (Dirge et Pi Stoffers), le tout porté par le chant charismatique de Chris Harms, qui passe d’une voix claire pleine d’emphase à un chant saturé avec juste ce qu’il faut d’agressivité.
Pourtant Lord Of The Lost garde une certaine proximité avec les chansons originales, conserve leur essence, et souvent la plupart de leurs caractéristiques musicales : la rythmique est rarement modifiée, les gimmicks de clavier sont souvent reproduits comme certains soli de guitare. Les arrangements sont là pour muscler et durcir un peu le son plutôt que de complètement déstructurer le morceau. Les surprises et les éléments vraiment « durs » (scream, blast, saturation forte) arrivent plutôt par touches, comme par surprise, au milieu du morceau.
Judas comme fil conducteur ?
Forcément, notre fibre metalleuse a tendance à dire que les chansons très pop se trouvent grandement améliorées par cet ajout d’agressivité, mais soyons honnêtes, peut-être que les chansons retenues sont déjà marquantes – « Unstoppable » s’écoute déjà très bien chantée par Sia, et qu’on aime ou pas Lady Gaga, elle a tout de même un certain nombre de morceaux qui restent en tête.
Elle a d’ailleurs droit à deux reprises (c’est la seule), avec « Bad Romance » et « Judas », et pour chacune d’entre elles, la version de Lord Of The Lost est vraiment scotchante. Mention spéciale à cette dernière, au début extrêmement lourd, saturé, terriblement indus.
De « Judas » à Judas Priest, le nom de Judas (d'ailleurs aussi un album du combo) illustre d’ailleurs le pont qu’établit dans cet album Lord Of The Lost entre pop ultra accrocheuse et classique du metal, puisque les prêtres de Judas sont vénérés sur « Turbo Lover ». Là aussi une grande réussite : la version des Allemands met en valeur le potentiel indus sous-jacent de l’original, gardant son côté accrocheur et ajoutant une légère touche de noirceur qui le rend encore plus sexy.
C’est peut-être symptomatique de l’ensemble de l’album, et au-delà, de la musique de Lord Of The Lost : l’énergie de Billy Idol croise celle de Michael Jackson, Iron Maiden et Amy MacDonald se rejoignent dans leur sombre nostalgie. Le groupe dévoile par ses choix de reprise ce qui a contribué à forger son identité musicale, oscillant ainsi entre les grosses guitares acérées et les claviers kitsch des années 80 et mettant en lumière des points communs insoupçonnés entre des artistes a priori très éloignés.
Des racines multiples à l'esthétique cuir
Alors certes, certaines reprises semblent dispensables, notamment les morceaux pop moins emblématiques, mais aucune n’est fondamentalement ratée. L’album n’est certes pas le disque le plus transcendant de reprises, les mêmes idées se retrouvent un peu trop d’une chanson à l’autre, souvent sur celles originellement pop, avec des couplets très indus, des refrains très pop assez proches de l’originale, avant de redoubler d’agressivité sur le pont. Mais certaines se démarquent suffisamment pour justifier largement l’album.
Les fans seront ravis de ce nouveau disque qui leur permettra de ronger leur frein en attendant une nouvelle collection de chansons originales, et aussi de remonter aux racines multiples de la musique de Lord Of The Lost. Pour les néophytes, c’est une très bonne manière de se plonger dans l’univers des Allemands. Lesquels devraient être remerciés pour leur contribution à la musicologie, en ayant réussi à faire surgir les points communs entre Lady Gaga et Judas Priest (une esthétique cuir qui a attiré le combo dans les deux cas ?), ce qui n’est pas un mince exploit.
Weapons Of Mass Seduction de Lord Of The Lost est sorti le 29 décembre 2023 via Napalm Records.
Tracklist:
CD 1
1. Shock To The System (Billy Idol)
2. Unstoppable (Sia)
3. Smalltown Boy (Bronski Beat)
4. Turbo Lover (Judas Priest)
5. Hymn (Ultravox)
6. Give In To Me (Michael Jackson)
7. River (Bishop Briggs)
8. Somewhere Only We Know (Keane)
9. (I Just) Died In Your Arms [avec Anica Russo] (Cutting Crew)
10. High (Zella Day)
11. House On A Hill (The Pretty Reckless)
CD 2
1. The Look [avec Blümchen] (Roxette)
2. Ordinary Town (Celebrate The Nun)
3. Cha Cha Cha (Käärijä)
4. Judas (Lady Gaga)
5. Children Of The Damned (Iron Maiden)
6. Wig In A Box (Hedwig and the Angry Inch)
7. Bad Romance (Lady Gaga)
8. The Most Radical Thing To Do (The Ark)
9. This Is The Life (Amy MacDonald)
10. It's A Sin (Pet Shop Boys)
11. Ordinary World (Duran Duran)
CD 3 - édition Deluxe limitée
1. Starman (David Bowie)
2. Girl, You'll Be A Woman Soon (Neil Diamond)
3. The Days Of Pearly Spencer (David McWilliams)
4. Hey You (Pink Floyd)
5. I Had Too Much To Dream Last Night (The Electric Prunes)
6. Where Do You Go To My Lovely (Peter Sarstedt)
7. Turn! Turn! Turn! (To Everything There Is A Season) (The Byrds)
8. In The Year 2525 (Exordium & Terminus) (Zager & Evans)
9. All I Have To Do Is Dream (The Everly Brothers)
10. Perfect Day (Lou Reed)