Entretien avec HEALTH

A l’occasion de la sortie du dernier album Rat Wars, La Grosse Radio a eu le privilège de s’entretenir avec HEALTH. Un échange des plus intéressants, avec John Famiglietti, le bassiste compositeur, et Benjamin Jared Miller le batteur du groupe. Une occasion de revenir sur le son  électro-dark et neo-indus du groupe. Mais aussi d’aborder de nombreuses autres thématiques, comme leur rapport au monde du jeu vidéo, ou encore leur processus créatif. En bref, une interview très riche, à découvrir sans plus attendre pour en savoir plus sur la personnalité folle des membres du groupe de Los Angeles. D'ailleurs Trent Reznor de Nine Inch Nails en est fan, et à raison...

Tout d’abord, quelques mots sur vos derniers shows en France. Vous avez joué notamment au Motocultor en 2023, mais aussi au Hellfest en 2022. Avez-vous de bons souvenirs de ces festivals ? D’ailleurs est-il vrai que c’est Trent Renzor, leader de Nine Inch Nails, qui vous a invité au Hellfest ?

Benji : Oui, on a adoré ces shows. C’était vraiment un challenge de jouer devant un auditoire purement metal dans ces deux festivals, il y avait je pense une vraie pression et une attente des fans.

John : Oui le Hellfest c’était quelque chose, on y a vraiment été uniquement car Trent nous a invités pour faire une "Main Stage" [la plus grande scène du festiva, ndlr]) avec des artistes purement rock metal indus le vendredi où on a joué. Il y avait également, en plus de Nine Inch Nails, Youth Code, Nitzer Ebb, Killing joke, Ministry. Quelle belle brochette, il faut dire ! L’expérience était folle, on a même eu l’occasion de jouer sur scène avec Nine Inch Nails pour jouer notre morceau en collaboration avec lui « ISN’T EVERYONE ». Pas mal !

 

Pas mal [rires] ! Vous connaissez donc un peu Trent, comment est-ce qu’il est dans la vraie vie ? Et sur scène ?

Benji : De manière très surprenante, notre première collaboration remonte à très longtemps, en 2008, lorsque nous avons sorti notre premier album. Nous avions donc pu ouvrir et faire la première partie de son show à cette époque-là, c’était le Light In The Sky Tour de 2008 il me semble. On a d’ailleurs rejoué par la suite avec le groupe à Los Angeles lors de son « retirement show » [Ndlr : Nine Inch Nails avait alors arrêté de jouer pendant un moment à l’époque, avant de se reformer par la suite].

John : Franchement c’est un gars super sympa, très amical, avec qui il est super agréable de discuter. On a même pu voir tout son set depuis la scène lors du Hellfest. Et c’était tellement incroyable, ça nous a littéralement retourné le cerveau. Le plus fou c’est que même quand il ne chante pas et qu’il pose la main sur ce micro, le gars est dans une forme de transcendance, il transpire de partout. C’est vraiment quelque chose à voir en vrai. Ce qui est le plus inspirant, c’est vraiment la manière dont il se donne.

D’ailleurs en parlant du Motocultor, le show était vraiment particulier, avec un jeu de lumière carrément fou ! C’est vous qui avez travaillé sur ce lightshow ?

John : Non, en fait on doit tout ça à l’ingé son et lumière qu’on a pris, le fameux Romain, il est juste incroyable. Il est d’ailleurs aussi ingé son pour Gojira. Une vraie légende dans le milieu ! Vraiment, il a rendu le show encore plus incroyable que ce qu’on pouvait imaginer, et c’est important de lui rendre hommage. Tout le crédit lui revient !

Benji : Oui et il ne faut pas oublier également notre ingé son à nous, qui apporte énormément dans le mix de l’électro, et qui fait en sorte de lier musique et lightshow. C’est un bon exemple du rôle de ces personnes qui travaillent dans l’ombre et qui sont super importantes.

 

D’ailleurs comment pensez-vous vos shows ? Qu’est-ce que vous souhaitez transmettre au public quand vous jouez sur scène ?

John : Alors le but est avant tout de faire quelque chose de divertissant, et de très cathartique. Je pense que mon inspiration vient pas mal du groupe MC5. J’en avais vu des clips étant plus jeune, et j’ai toujours voulu jouer comme eux depuis ! Après notre style a pas mal évolué, de quelque chose de très noise rock, à du plus électronique.

Benji : Depuis pas mal de temps, on a quand même des sons beaucoup plus mélodiques avec des influences électro et pop, donc ça permet, je trouve, de se lâcher encore plus !

 

D’ailleurs votre musique a pas mal évolué du noise rock à du plus electro et dark wave. C’est quoi comme genre, HEALTH, maintenant ? Il y a eu un moment clé ou vous vous êtes dits qu’il fallait changer ?

John : Oui, alors on a récemment changé l’étiquette, là c’est indus… même neo-industriel plutôt [rires]. C’est un peu une évolution naturelle si on regarde un peu notre historique. Il y a bien sûr eu Death Magic en 2015, où on a pris ce virage un peu plus pop mélodique. J’écoutais d’ailleurs pas mal d'électro à cette époque. Je trouvais cette musique vraiment stimulante.

Benji : Et finalement cette musique s’est progressivement enrobée dans nos chansons. Puis l’évolution s’est vraiment faite naturellement.

John : Oui , globalement ça a toujours été une sorte d’évolution. Par contre, si on regarde notre virage industriel je dirais que c’est vraiment depuis Disco4 qu’on s’est mis à faire du vrai indus. D’ailleurs si tu aimes ce Volume 4, tu aimeras surement ce dernier album.

 

Avez-vous dû faire des adaptations en live pour passer de quelque chose de très noise rock à de l’indus electro ?

John : Je pense que s’il y a un changement dans la manière dont on joue en live, c’est surtout que pour faire du plus électro-indus, il a fallu faire sonner notre son le plus live possible. On a toujours voulu garder ce côté très live et instrumental dans nos chansons. Ce qui est surtout passé par une attention particulière sur le mix et beaucoup de compression de nos soundtracks. On compresse très sévèrement pour que ça sonne bien. Et afin que le son de nos instruments soit vraiment marquant par rapport aux soundtracks.

Benji : Ca permet d’avoir un effet vivant et viscéral, naturel à notre musique. On fait aussi beaucoup de traitement audio, notamment sur la voix. On « process » tout ! On chercher vraiment à obtenir des textures audio uniques. Dans la transition de Death Magic, ça n’a d’ailleurs pas été facile de faire cette adaptation, ça a demandé encore plus de travail, d’autant plus qu’on avait perdu un membre du groupe à ce moment-là.

Parlons donc maintenant de votre dernier album Rat Wars, quelle était l’idée derrière les rats ?

John : Juste le titre, rien que le titre [rires] !

Benji : Tu en es sûr ? Pourtant lors de notre album, on avait des rats dans le studio et on se demandait d’où venait l’odeur !

John : Pas faux, mais dans tous les cas, ça faisait très SF, très apocalyptique. Cela fait très Warhammer 40,000 [un jeu vidéo, ndlr]. On puise beaucoup d’inspirations dans les genres grimdark et cyberpunk. On veut avoir cet effet très dystopique dans notre touche musicale. C’est ça Rat Wars. En plus sur le discord du groupe, les gens ont vraiment repris le thème, donc c’est que ça marche plutôt bien il faut dire !

 

Pour rentrer dans le détail de vos chansons, une des plus marquantes est sûrement la très gothique et groovy "Unloved". Comment as-tu pensé la ligne de basse ?

John : Oui c’est une ligne super entrainante que j’ai repris de la chanson « Cyberpunk2.0.2.0 » de DISCO4. En fait pour être un peu technique, c’est un triplet groovy et surtout on compresse fortement le signal [une compression sidechain pour les puristes]. On avait fait la même chose sur Tears (la musique de la bande son du jeu Max Payne 3). Je trouve que ça sonne ça super sexy personnellement, mais c’était surtout je trouve cela très innovant. Donc je voulais réutiliser cette ligne de basses. C’est plutôt cool [rires].

 

En écoutant cet album, il y a vraiment une continuité tout du long, les transitions sont vraiment marquantes par rapport à d’autres albums qu’on a l’habitude d’écouter…

John : Oui, on porte une attention toute particulière au séquencement des chansons et des morceaux. Même si maintenant les gens n’en ont vraiment rien à faire d’écouter un album en entier avec le streaming. Mais on s’est dit qu’on allait le faire quand même [rires]. Si tu regardes le producteur de hip hop Metro Boomin sur son dernier album par exemple. Même lui a fait des choses très à la Pink Floyd sur son dernier album. Alors que ça parait très commercial à la première écoute. Notre rêve en tout cas ça serait de forcer les auditeurs à écouter les morceaux dans l’ordre !

Sur "Don’t Try", il y'a aussi une sorte d’effet tremolo à la guitare, j’imagine que c’est Jake qui a eu l’idée à la guitare ?

John : Oui c’est son influence, c’est en effet lui qui a apporté sa touche dès la démo avec des effets de delay et de tremolo. D’ailleurs il adore vraiment utiliser du tremolo. Il affectionne tout particulièrement cet effet. Moi j’ai surtout géré l’outro et la production finale du morceau. Nous on adore le trémolo, on l’a toujours utilisé sur nos albums. Même les tout premiers.

On se rappelle d’ailleurs des shows lors desquels notre ancien guitariste utilisait de l’effet trémolo, dans tous les sens et nous on sonnait plutôt faux à côté. On adore vraiment en général tous ces effets très spéciaux et très surprenants. Et on les utilise dans nos rythmiques. Aussi, l’effet de distorsion Link Wray, c’est excellent. On est fan, c’est de la bonne comme on dit.

 

Pour revenir, à l’album, vous avez notamment collaboré avec Godsmack et l’artiste électro française SIERRA, pouvez-vous nous en dire plus ?

 John : On n’appellerait pas vraiment ça des collaborations, car une fois sur deux on sort un album de collaboration (les volumes DISCO1, 2, 3, et 4). Là sur ces albums on essaye vraiment de mixer les différentes influences d'un autre artiste avec notre musique. Sur cet album, c’était plutôt des contributions. On voulait garder la ligne directrice d'un album qui nous est propre par rapport aux albums collabs.

Pour revenir à SIERRA, en ce moment c’est une de mes productrices de musique électronique EBM préférées. Cette fille est vraiment incroyable, elle arrive à superposer plein de couches et le rendu sonore est vraiment super intéressant. Une super productrice ! Je voulais vraiment qu’elle écrive une ligne de synthé sur l’album, je pense à cette gamme, fais-moi-ça et ça a donné cette chanson « HATEFUL » super cool, elle était tout de suite d’accord pour écrire quelque chose. Pour Godflesh, c’était très classique, on leur a juste demandé une contribution et ça s’est fait rapidement.

 

Vous avez toujours fait ces albums de collab, et alterné avec la sortie d'un album avec vos propres chansons ?

Benji : Non, on ne faisait pas vraiment ça à l’époque de notre période noise rock. On demandait à des artistes de faire des remix de nos propres albums, ça a d’ailleurs donné notre titre le plus emblématique, à savoir "Crimewave" de Crystal Castles. C’est un hit international maintenant. D’ailleurs le côté électronique dans la voix de Jake c’était déjà perceptible à ce moment-là.  Notre histoire est bizarre [rires]. Ce n’est que par la suite avec Disc04 qu’on a commencé à faire des vraies « collabs ».

Finissons cette interview en évoquant vos influences avec les jeux vidéo, c’est très important comme influence il semble…

John : Oui tout à fait, en plus si on regarde la fan base on a en grande majorité des gamers. Le fait d’avoir fait la banque son de Max Payne 3 a permis de faire la passerelle entre les jeux vidéo et notre groupe. Aujourd’hui je suis toujours très influencé par les jeux, je joue sur ma Steam Deck, et je suis fan de pop et online culture. La vidéo de « Demigods », c’est aussi très inspiré de ça avec cette référence au jeu Command and Conquer.

 

D’ailleurs le fait d’avoir fait la bande originale de Max Payne du studio international Rockstar Games a dû vous amener pas mal de fans. Comment en êtes-vous arrivés à faire une bande son de jeux-vidéo ?

John : Tout s’est fait vraiment par surprise, un coup de chance. Il se trouve qu’une des personnes responsables des bandes originales chez Rockstar Games était un fan de noise rock underground à Los Angeles.  Il nous a contactés, on a fait un dîner, et on a tout de suite adhéré au projet. Au début on ne devait faire qu’une petite partie et ils ont tellement aimé qu’on a fini par faire quasiment toute l’OST. Ce gars avait vraiment bon goût musicalement parlant !

Benji : Ce n’était pas vraiment du hasard, on a quand même fait beaucoup de concerts, on a essayé de se rendre visible le plus possible. En plus, on avait pu se faire pas mal d’amis gamers dans ce milieu. Mais sinon, oui ça a été un moment de transition qui a fait qu’on a eu beaucoup de fans qui sont venus grâce au jeu.

John : Beaucoup d’enfants nous ont connu grâce à ce jeu, et maintenant ils sont adultes et viennent à nos concerts, c’est génial.

 

Faire une bande-son de jeux-vidéo c’est différent de produire un album ?  

John : C’est à la fois plus long de faire une OST, mais je dirais que c’est aussi plus facile. Car on a le temps de tester notre musique. On produit quelque chose, ensuite on met une scène du jeu devant et on regarde si ça marche ou pas selon le contexte. Lorsqu’un album sort, on ne sait pas si ça va être bon jusqu’à sa sortie. Là c’est vraiment testé et on sait plus vers quoi on va.

 

Récemment, vous avez également fait la bande son du jeu cyberpunk Major Crimes.

John : Oui ce sont des gens du studio polonais Projekt Red qui nous ont contactés pour contribuer à la bande son du jeu et de l’animé. En plus c’était un des jeux que j’attendais le plus. L’animé Edgerunner qui a d’ailleurs été fait est juste incroyable. Tu l’as vu ? Il faut vraiment que tu le regardes, car il m’a littéralement fait pleurer.

Je n’ai d’ailleurs toujours pas eu le temps de le terminer [rires]. Mais c’est aussi parce que je suis en train de finir le dernier Baldur’s Gate 3 qui me prend des centaines d’heures car je suis un complétionniste qui veut finir les jeux à 2000% dans les modes de difficultés les plus extrêmes. Mes sessions ne s’arrêtent jamais, chaque bataille dure une heure au moins [rires].

Et vous, vous jouez à quoi d’ailleurs ? Quelles OST aimez-vous ?

John : Vraiment tout ce qui est Action RPG [jeu de rôles, ndlr], je suis d’ailleurs fan de tous les jeux From Software, la trilogie des Dark Souls. [John a d’ailleurs même un tatouage du nom du studio, ce qui a donné lieu quelques taquineries entre les deux artistes, ndlr]. Même si Benji ne pourrait pas jouer à ce genre de jeu. Niveau OST, j’aime vraiment celle de Mass Effect. S’il fallait faire une prochaine OST, dans un univers un peu SF, ça nous correspondrait bien. Et on adorerait, je pense qu’on est prêt pour s’y remettre !

Benji : Oui c’est contre ma religion, je suis beaucoup plus fan des jeux tranquilles type Nintendo. J’adore ces musiques de l’époque Super Nintendo personnellement.

 

Et comment ne pas évoquer la sortie prochaine annoncée de GTA VI en 2025. Le prochain grand jeu de Rockstar Games, attendu depuis plus d’une décennie déjà… D’ailleurs vous avez aussi contribué à l’OST de GTA Online.

Je l’attends comme un fou, comme tout le monde évidemment. Cela fait quand même près de dix ans qu’ils le produisent. Et pour connaitre un peu les gars de Rockstar vu qu’on a travaillé avec eux, ils sont tellement engagés pour produire quelque chose de qualité que ça ne pourra pas décevoir. Il n’y aura jamais de bug avec eux comme peuvent le faire d’autres studios. On sait qu’on va être choqué par ce qu’ils vont nous sortir. C’est pour ça que ça prend si longtemps à sortir. Ces graphismes, quelle claque ! Dans tous les cas c’est toujours mieux qu’un jeu prenne des années à sortir plutôt qu’il sorte avec des problèmes et des bugs de partout.

 

Une dernière question musicale, s’il fallait recommander des groupes similaires à votre style actuel, lesquels recommanderiez-vous ? Quels sont vos alter-ego ?

Je dirais de l’EBM comme avec SIERRA, et avec son nouvel album qu’il faut vraiment écouter il était vraiment bon. Street Sects et aussi Youth Code, ce sont vraiment nos équivalents neo-indus.

Rat Wars de HEALTH, disponible dès maintenant chez Loma Vista Recordings

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