Vault of Horrors, nouvelle sulfateuse horrifique d’Aborted

Depuis le 15 mars, Aborted, le groupe belge de death metal très très brutal, propose à l'écoute et à la vente son douzième et nouvel album : Vault of Horrors, chez Nuclear Blast. Un disque à tiroirs, bourré de références au cinéma de genre (cinéma d'horreur, pas de comédie romantique), où quelques copains sont invités pour mieux pulvériser les tympans et malmener les BPM.

Les presque trente années de carrière d'Aborted sont censées avoir préparé les oreilles et les cœurs à la sauvagerie et à la violence musicale dont le combo belge est capable. Des débuts death grind jusqu'à des œuvres plus épurées mais non moins brutales, comme l'excellent Terror Vision (2018)  ou Retrogore (2016), les quatre comparses ont décliné une longue liste d'aptitudes et surtout de titres exprimant une bestialité rarement observée sur un aussi long cours. Accrochez vous, Vault of Horrors va creuser encore plus profond, et c'est avec dix titres d'outre tombe qu'Aborted va vous faire passer les 40 minutes les plus agitées de la semaine.

Une introduction comme on les aime chez Aborted : une ambiance pesante, quelques notes inquiétantes, un léger crescendo, et puis soudain, l'explosion. La rafale de bruits, de blast, de riffs, de voix, "Dreadbringer" laisse pantelant, haletant, et c'est avec un plaisir non dissimulé qu'on se laisse bercer contre le mur pour entrer dans cet univers original que propose Sven de Caluwé dans cet album : une descente aux enfers, ou plutôt dans la crypte, pour consacrer chaque morceau à un monstre cinématographique.

Du "Golgothan" de Dogma à Hellbound, de Massacre à la tronçonneuse à Myst, les grands méchants des films cultes d'horreur y sont décortiqués, en de savantes références qu'apprécieront les fans de hurlements au cinéma et d'easter eggs. Dix morceaux, composés comme dix slashers pour serrer les tripes et ravager les systèmes nerveux, merveilleusement illustrés sur la pochette de l'album par l'artiste  Dan Goldsworthy pour former une infâme chimère empreinte de culture pop.

Pour cette série de portraits originaux, les quatre larrons ont décidé de se faire accompagner, et, ce n'est pas coutume, d'inviter un chanteur différent sur chaque morceau de Vault of Horrors. Pas n'importe quels chanteurs, mais des noms du metal extreme, la crème de la crème, comme ils disent, ​​allant d'Alex Erian (DESPISED ICON) à Johnny Ciardullo (CARCOSA / ANGELMAKER), Ben Duerr (SHADOW OF INTENT), Francesco Paoli (FLESHGOD APOCALYPSE) et bien d'autres. Ainsi, la palette de voix déclinées vient compléter celle de mieux en mieux travaillée de Sven de Caluwé, et permet d'accréditer davantage la violence exprimée en abordant des horizons vocaux différents. Aborted fait du violent, certes, mais propose toujours un renouvellement et une ouverture sur un genre qu'on pourrait résumer à "du bruit".

Parce que du bruit, il y en a, certes, beaucoup, et très fort, mais alors, quelle technique ! Quelle subtilité dans cette anatomie de la violence, quel travail sur la déconstruction du rythme à en faire perdre les pédales, contrairement à Ken Bedene, à qui il semble avoir poussé quelques jambes supplémentaires tant il transforme la batterie en sulfateuse... La guitare n'en finit pas de déchirer les mélodies et de geindre ("The Shape Of Hate") avant d'enchaîner sur des riffs furieux, de se mêler à la ligne de basse pour rappeler la bestialité primaire, et le rythme des chœurs qui peut bien s'emballer un peu ("Naturom Demonto"). Pour bien souligner cette schizophrénie phonique, quelques breaks, quasi signature du groupe, surgissent là où on les attend le moins, introduisant une douceur presque aussi malsaine que la pression rythmique jusque là établie ("Malevolent Haze").

Ces dix morceaux, assez longs pour le genre, sont encore une belle démonstration de l'endurance du groupe et de sa volonté de proposer quelque chose de complet et d'abouti. Le brutal death metal est ici bien servi, tant par une créativité fun que par une technique implacable, agréablement produite, avec un son et une précision de qualité. Les giboulées de mars permettront d'écouter et de réécouter l'album avec plaisir.

Et pour ceux pour qui la mise en bouche de cette pépite bestiale et violente n'est pas suffisante, Aborted offre le hors d’œuvre lors d'une petite sauterie avec Carnifex, Revocation et Vexed, à la Machine du Moulin Rouge, mercredi 27 mars, à 18h (billetterie ici ) !