Entretien avec Marko Hietala, ex bassiste de Nightwish

L'attente était grande de pouvoir s'entretenir avec Marko Hietala, l'ex bassiste de Nightwish. En effet après son annonce surprise de quitter le groupe, il avait un peu disparu de la scène pour réapparaître petit à petit lors de quelques tournées. Puis il a décidé de reprendre du poil de la bête et de revenir en pleine forme. C'était donc l'occasion de parler de son nouvel opus intitulé Roses from the Deep et de lui poser des questions inspirées de la tracklist de l'album. 

Marko Hietala, Nightwish, Roses from the Deep, hard rock

La Grosse Radio : Bonjour Marko, en préparant cette interview, je me suis dit qu'on allait structurer cet entretien dans l'ordre des chansons de Roses from the Deep. On commence avec le premier titre "Frankenstein's Wife": Cela fait référence à ta femme et toi ?

Marko Hietala : [rires] Non non, je suis un simple hippie de base qui aime les sciences et non un vrai scientifique. En fait cette chanson est assez humoristique puisqu'elle parle de "coudre" nos cœurs avec des points de suture au premier degré mais aussi de façon métaphorique.

 

C'est très metal, on se croirait presque dans du Tim Burton.

C'est ça !

 

Passons ensuite au deuxième morceau "Life on Mars" : tu as invité Tarja Turunen, ton acolyte lorsque tu as commencé dans Nightwish. Il fallait que je pose une question évidente : allez-vous faire un album ensemble ?

Franchement, si on survit assez longtemps, je suis sûr à 100% qu'on fera quelque chose ensemble. On s'est mis d'accord et c'est prévu. Par contre pour créer un vrai groupe ça serait compliqué car nous en avons déjà un chacun et nous aimons jouer avec nos musiciens, donc il faudrait faire des choix ou une garde alternée [rires]. Et puis Tarja et moi, nous aimons être les maîtres à bord de nos propres projets. Je n'ai pas beaucoup d'exigences mais c'est vrai que j'aime aussi avoir cette liberté.

 

Le troisième titre s'appelle "Proud Whore" et cela veut dire "fier d'être une prostituée/gigolo". Ca te correspond ?

Oui complètement, je suis fier d'être une prostituée. On dit que c'est le plus vieux métier du monde mais je pense qu'artiste c'est la même chose. On a beaucoup de remarques sur notre art, notre apparence et en même temps on passe notre temps à essayer de satisfaire les gens. Ca demande du travail de mettre en place un concert pour satisfaire des milliers de spectateurs. On ne va passer que quelques heures ensemble mais il faut tout faire pour les voir transpirer, les poings levés, le sourire aux lèvres.

J'ai eu pas mal de retours d'ailleurs de gens qui sortaient du concert en se disant : "c'était génial, il faut que je revoie le spectacle la semaine prochaine". Et quand tu reçois ce genre de retour, cela te donne énormément d'énergie. C'est comme une énergie perpétuelle qui augmente même de façon exponentielle. Cela me fait penser que dans le monde, des tonnes de personnes comme des dirigeants religieux ou politiques font la même chose. Mais la différence avec nous les artistes c'est que lorsqu'on sort de leurs meetings, on ne se sent pas plus légers. Assister à un concert, c'est comme une thérapie et ça nous booste plus pour retourner à nos mornes vies.

Parlons maintenant du prochain titre : "The Dragon Must Die". J'ai l'impression que ce titre est assez personnel et reflète un peu ton parcours depuis quelques années, et notamment ton trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité). 

C'est marrant car tu as eu une lecture complètement différente de cette chanson : il faudrait que je relise les paroles [rires]. En fait ce titre parle de ces "prédateurs de l'esprit" qui te pourrissent la vie. D'ailleurs le dernier vers est assez sarcastique. Je ne suis pas à fond dans la politique mais j'essaye juste d'être conscient du monde qui m'entoure et de commenter la société. Ce titre parle notamment des idéologies, des conservateurs et des religieux qui ont l'esprit très étroit. Ce dragon que j'évoque a plusieurs têtes qui parfois se battent entre elles. On est dans une société de consommation où parfois les choses ne sont pas logiques : "gauche/droite, rouge/bleu", on s'en fout de tout ça. C'est vrai que je suis un simple citoyen mais je suis aussi dans le monde des affaires et donc ça me touche. On a de la chance, en Finlande, de vivre dans une démocratie sociale qui fonctionnent depuis plusieurs décennies. On a accès à la Sécurité sociale, on a des aides pour les démunis ou les chômeurs, au moins on ne vit pas dans un monde où c'est "chacun pour soi".  Et je trouve que cela rend le monde plus sûr et par conséquent plus joyeux.

 

Une des chansons qui sort un peu du lot est "The Devil You Know" qui est très bluesy car elle est très différente de ce que tu proposes d'habitude. Est-ce que tu modifies ta voix par exemple pour mieux correspondre à la production plus old school ?

Pas forcément, mais j'essaye de faire transparaître cela dans l'histoire. Puisqu'on parle de ce titre qui est encore une fois assez politique, j'exprime mes craintes par rapport à la peur que les hommes politiques peuvent utiliser contre nous. Beaucoup de gens se convertissent à des idéaux car ils sont effrayés par des tonnes de choses. Beaucoup de personnes aussi sont choquées par différents comportements mais moi j'estime qu'à partir du moment où je prends mes distances, pourquoi serais-je offensé par certaines personnes, par leur orientation sexuelle.

 

Concernant "Rebel of the North", là encore, est-ce une référence à la différence de culture entre toi le Finlandais et ta femme qui vient du Brésil ?

C'est clair qu'entre elle et moi il y a pas mal de différences assez radicales mais j'apprends à les accepter. Ceux qui me connaissent bien savent que je suis un Finlandais ronchon mais je commence enfin à m'ouvrir un peu et notamment à accepter d'embrasser ma femme en public.

 

Puisqu'on manque de temps, passons directement à "Tammikuu", la seule chanson en finnois. Tu as écrit ton premier album d'abord en finnois puis ensuite tu l'as traduit en anglais. Pourquoi te concentrer sur la langue anglaise à présent ?

En fait, pour être précis, pour le premier album, j'avais la moitié des morceaux en finnois et l'autre moitié en anglais donc j'ai croisé les traductions. Mais avec le temps je suis devenu beaucoup plus à l'aise avec différentes langues. Mes premières expériences avec l'anglais, c'était au lycée lorsque j'ai commencé à lire principalement dans cette langue car j'étais à fond dans la science-fiction, la fantasy, le genre de trucs qu'on ne trouve pas dans la vie réelle. Tu sais je suis un peu un "Escapist" [ndlr : en référence à la chanson de Nightwish]. A l'époque, on ne trouvait pas beaucoup de livres de science-fiction traduits en finnois.

 

Et tu penses que c'est plus facile d'exprimer tes émotions en anglais ?

Je pense que ça vient surtout du fait que plus le temps passe et plus j'ai acquis le vocabulaire nécessaire pour construire des phrases plus élaborées et pour ne pas me répéter. Franchement tu verrais les premiers textes que j'ai composés, c'était pas super novateur. Mais au fur et à mesure, dès l'âge de vingt ans et mes premiers pas avec le groupe Tarot, j'ai beaucoup appris et je peux m'exprimer facilement dans plusieurs langues.

 

C'est marrant tu viens de dire "dans plusieurs langues". Tu en maîtrises d'autres ?

Oui je peux parler le suédois et en ce moment, j'apprends le portugais et l'espagnol.

 

Même pas le français, je suis choqué [rires] ! 

[rires] Eh non, mais parce que ça ne me sert pas. Ma femme vient du Brésil donc parle le portugais, et je passe tous mes hivers en Espagne. De façon générale, j'adore les langues et le fait que chaque idiome a des mots propres car cela reflète la façon de vivre. Prends par exemple les Esquimaux ont plusieurs mots pour "la neige" comme par exemple celle qui fond lorsque le soleil du printemps arrive mais qu'ensuite il gèle par dessus la nuit. C'est quand même fou pour nous qui n'avons qu'un seul mot dans notre vocabulaire. Mais eux en ont besoin alors que nous, dans notre monde occidental, parfois il ne neige pas.

On va finir l'entretien avec le morceau éponyme "Roses from the Deep". Pourquoi avoir choisir ce titre pour l'album ?

Déjà car c'était le titre de morceau qui allait le mieux à l'album. Ensuite cela allait bien aussi avec la pochette d'album. Je l'ai mis aussi pour rendre hommage à ces compositions qui sont comme des "roses venant des profondeurs". Je dois remercier mes camarades pour leur idées qui m'ont permis de composer des morceaux aussi divers.

 

Roses from the Deep est disponible ici sur le label Nuclear Blast depuis le 7 février 2025.



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