Hangman’s Chair – Saddiction

Presque trois ans jour pour jour après A Loner, le combo francilien de cold doom se rappelle à notre bon souvenir et présente Saddiction, son septième opus, nouvelle ode ultramoderne à la tristesse et la morosité nocturne.

Ce nouvel opus de Hangman’s Chair est présenté comme le second volet d’une trilogie entamée avec l’excellent A Loner, qui explorait les affres de la solitude urbaine et cette idée de désespoir existentiel. Aujourd’hui, cette tristesse infinie, plutôt que de la fuir, le groupe l’appelle, l’observe et l’expose, entre fascination et catharsis. L’addiction à la tristesse, celle qui nous entoure ou celle qui nous dévore, voilà le propos de l’album Saddiction. Ce leitmotiv traînant était déjà au cœur des précédents opus de Hangman’s Chair, qui perpétue ici sa tradition thématique tout en la sublimant, pour accéder à un nouveau palier dans son parcours unique, atypique.

L’album s’ouvre en nocturne avec "To Know the Night", et immédiatement, les nappes de guitares et la grosse frappe pleine d’écho, le chant poignant, plongent l’auditeur dans cet univers familier et paradoxalement rassurant, comme si on n’avait pas quitté le quatuor depuis A Loner. Cela va encore plus loin, avec un relief palpable, des montées en puissance et des mélodies somptueuses et cet écho si reconnaissable. Quelques fulgurances à la basse signées Clément Hanvic, cela ne fait aucun doute : les patrons sont là.

Comme personne Hangman’s Chair chante la nuit, l’insomnie, les idées noires, l’engourdissement médicamenteux voire l’envie d’en finir (en pointillés dans les paroles de presque tous les titres). "Kowloon Lights" met en scène des pérégrinations nocturnes dans des quartiers fantômes éclairés aux néons. Mais, curieusement, la tristesse se partage ici, et le refrain se fait presque plus entraînant que déchirant. Entraînante aussi, presque entêtante, "2AM Thoughts", sur lequel Raven van Dorst de Dool vient mêler son chant étrange à celui de Cédric Toufouti. Ce premier single a d’ailleurs été dévoilé il y a plusieurs mois, à temps pour en faire profiter les fans en live lors de la tournée en co-headline avec le groupe néerlandais à l’automne dernier.

Hangman's Chair Band 2025
Crédit photo : Andy Julia

Une seule certitude : Saddiction sonne vraiment comme du Hangman’s Chair. Et cela se ressent immédiatement. Difficile d’identifier le trait le plus caractéristique : est-ce le chant chargé d’émotions de Cédric ? L’écho magnifié sur les coups de caisse claire de Mehdi Thepegnier ? Les riffs lents et hypnotiques de Julien Chanut ? Ou le claquement de la basse de Clément, qui résonne aussi fort qu’en live ? C’est tout cela à la fois, et c’est ce qui fait la force du combo parisien. La réverbération, presque un instrument à part entière, est encore une fois utilisée de main de maître, créant un effet immersif de chaque instant soigné, une nouvelle fois, par les doigts de fée de Francis Caste à la production.

Les tonalités se font froides, l’accordage au plus bas, des lignes délicates ou tonalités plaintives de guitare laissent place aux gros riffs, avant des breakdown d’école ("Neglect"). Mais le groupe sait ménager ses effets et ne tombe pas dans la monotonie, insufflant dans Saddiction des variations de rythmes, d’approches et de tonalités qu’on ne lui connaissait pas encore. Quelle rythmique – et quelle basse – sur "The Worst is Yet to Come". Le chant de Cédric s’envole dans les aigus, les riffs pachydermiques de Julien laissent finalement présager le meilleur musicalement.

Ambiance coldwave sur la somptueuse "In Disguise", grâce aux nappes de synthé, au chant chargé d’une force plus intime et toujours cette basse incroyable qui mène les débats de façon magistrale. Les quatre compères ne lâchent jamais l’auditeur, plongé dans cet isolement presque bienvenu. Ce titre s’achève (et nous achève) par une outro mémorable, décharge de puissance écrasante et salvatrice. On n’a qu’une hâte : d’entendre ça en live. Ce sera peut-être le cas dès le mois prochain : Hangman’s entame une grande tournée en France et en Europe entre mars et mai 2025, dont nous vous parlions ici.

Certains titres se complaisent dans la lenteur, entre contemplation et atmosphère malsaine. Les lamentations vocales de Cédric sont mises en avant sur le début de "Canvas", avant que les lignes mélodiques de guitare ne prennent le pas et s’entremêlent. L’étrange "YOD" ralentit encore plus la cadence, et marque encore davantage l’écho.

Le bijou de doom à la française se trouve enfin sur l’ultime piste "Healed", tout en lenteur et en chant éthéré. De l’introduction monstrueuse, aux envolées de Cédric, jusqu’aux lignes mélodiques de guitare et de basse incroyables de la fin du titre, la musique résonne, mais c’est aussi le propos qui peut résonner en chacun d’entre nous. Les paroles marquent le déchirement entre la tentation du repli sur soi et, peut-être, la voie de la guérison. Une – faible – lueur d’espoir, en guise de conclusion de cet opus de haut vol qui signe un retour sans faute pour Hangman’s Chair. La maîtrise éclate au grand jour, la puissance irradie à chaque mesure, et les émotions se déversent irrémédiablement. Magistral.

Tracklist Saddiction
01) To Know The Night
02) The Worst is Yet To Come
03) In Disguise
04) Kowloon Lights
05) 2 AM Thoughts (feat Dool)
06) Canvas
07) Neglect
08) 44 YOD
09) Healed?
Sortie le 14 février 2025 via Nuclear Blast. Album disponible en précommande ici.

NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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