Cattle Decapitation + Shadow of Intent (+ Revocation + Vulvodynia), Elysée Montmartre (Paris), 04.02.25

Moins d’un an après son précédent passage dans une Machine pleine à craquer, le combo états-unien Cattle Decapitation avait donné rendez-vous à son public du côté de l’Elysée Montmartre, pour la dernière partie de la tournée consacrée à Terrasite, son huitième album. Le groupe partage la tête d’affiche de cette date parisienne (proposée par Garmonbozia) avec le phénomène américain de deathcore Shadow of Intent.

Vulvodynia 

Sans backdrop ni fioriture, et presque sans public (beaucoup de monde est en effet encore coincé dans la file à l’extérieur de la salle, l’entrée se faisant extrêmement lentement), Vulvodynia débarque sur scène pile à l’heure, 18h25. Il faut dire que la tête d'affiche Cattle Decapitation ne joue que dans trois heures ! Après Boney M en musique d’attente, le set du jeune combo sud-africain de deathcore est introduit par les premières mesures de "L’Histoire de la Vie" du Roi Lion… mais qu’on ne s’y trompe pas, le groupe tape dès le début. Le son est plutôt bon, les gros cris du chanteur résonnent bien dans la salle peu remplie, mais le public qui arrive s’avance, intrigué. L’ex-guitariste Lwandile Prusent assure désormais exclusivement le chant, depuis le départ mouvementé de l’ancien vocaliste, et il alterne les cris perçants et profonds, tout en scandant certains passages dans un cri hardcore frôlant le hip hop.

Côté cordes, le public est servi ce soir : les deux guitaristes Luke Haarhoff et Kris Xenopoulos malmènent des guitares sans tête à huit cordes, et Nate Gilbert est armé d’une basse 6 cordes. Nate et Kris arborent des tenues peu ordinaires pour le style musical : short de bain bariolé et collier de fleurs pour le premier, ensemble chemisette / bermuda décoré de pastèques pour le second. Le duo, qui ne se prend pas au sérieux, part dans des mouvements chorégraphiques surprenants et synchronisés sur certains titres. A la batterie, Thomas Hughes est imperturbable et précis. Le combo originaire de Durban propose ce soir une setlist efficace de sept titres, essentiellement issus de Psychosadistic Design (2016) et de Entabeni, son quatrième opus sorti l’an dernier.

Des passages très rapides ultra techniques – même à la basse – s’enchaînent, avec quelques soli modernes dissonants bien sentis signés Kris. Les guitaristes et le bassiste assurent les chœurs et les growls, et l’ensemble est entraînant et surtout extrêmement groovy. D’énormes breakdowns s’abattent sur le public qui s’est bien étoffé en cours de route, et au bout de trente minutes de set, le groupe récolte des applaudissement chaleureux bien mérités.

Revocation 

Il n’y a pas que Cattle Decapitation qui fait son retour à Paris moins d’un an après sa dernière date, c’est également le cas des compatriotes de Revocation, passés fin mars 2024 à la Machine avec Carnifex et Aborted, pour une soirée pleine de délicatesse – du même acabit que ce soir. Entre thrash et death technique, le combo originaire de Boston mené par le membre fondateur David Davidson à la guitare et au chant, met en marche sans effort le rouleau compresseur. Tout tape très fort dès les premiers morceaux, issus du neuvième et dernier album du groupe Netherheaven (2022). Le son est aux petits oignons, les gros riffs et la puissance indéniable du quatuor mettent en mouvement la salle, plutôt sage jusque là.

Au menu du set des Américains, accélérations redoutables, solis acrobatiques délivrés avec force grimaces par Davidson, au growl et aux cris, soutenu aux chœurs par le guitariste Dan Gargiulo et le bassiste Brett Bamberger, tout sourire ce soir. Impressionnante également, la prestation démente du batteur Ash Pearson, délivrée avec un air tout à fait impassible. Il est d’ailleurs souvent mis en valeur par le beau lightshow qui magnifie le set des Américains. Sur la rythmée "Scorched Earth Policy", Davidson donne le signal d’un circle pit très suivi, puis arrive le pic de la soirée avec l’annonce d’un invité spécial pour le tout dernier single, "Confines of Infinity", sorti … le jour même. Sur la seconde partie de ce morceau très lourd, marqué par des ralentissements funestes, ce n’est autre que Travis Ryan, vocaliste emblématique de Cattle Decapitation, qui vient poser son inimitable cri avant de lâcher le micro et s’amuser un peu avec Davidson, lancé pour un énième solo inspiré.

La fin du set, avec l’enchaînement de deux morceaux de l’album The Outer Ones (2018), finit de mettre tout le monde d’accord, les pogos ne s’arrêtent plus dans le public et la virtuosité des musiciens impressionne. Davidson et Gargiulo se lancent dans une battle de cordes – et de grimaces – tandis que du côté de la fosse les pogos s’enchaînent et le premier slammeur de la soirée réveille un peu le personnel de la sécurité… qui sera sérieusement sollicité dans les minutes à venir. Comme souvent, Revocation a signé une prestation puissante et sans faute, digne d’une tête d’affiche.

Shadow Of Intent 

La particularité du deathcore de Shadow of Intent est d’être teinté de symphonique, et cela se vérifie très vite avec les introductions sur pistes des deux premiers morceaux du soir, avant des explosions de puissance. On pourrait décrire le style du quatuor originaire du Connecticut comme du Dimmu Borgir sous protéines, avec des gros breakdowns, le tout sur des thématiques inspirées de l’univers du jeu vidéo Halo. Mais ce qui marque d’emblée c’est surtout la puissance vocale époustouflante et la présence du vocaliste Ben Duer, comme habité. Entre cris et growls d’outre-tombe, ce dernier ne lâche pas le public du regard, fixe les premiers rangs en arpentant la scène, dans une attitude presque inquiétante. On peut se rassurer en lorgnant du côté du batteur Bryce Butler qui tient la rythmique ultra rapide en mode mitraillette, tout en arborant un énorme sourire du début à la fin du set.

Le côté symphonique s’entrechoque avec des fulgurances ultra modernes typiques du deathcore, avec des accords agressifs signés Chris Wiseman à la guitare et Andrew Monias à la basse. Sur "Intensified Genocide" du dernier album Elegy (2022), les premiers slams se déclenchent, et le rythme ne faiblira pas pendant tout le concert. Ben demande même plus de crowdsurfers sur "The Migrant" et "Flying the Black Flag", deux singles sortis récemment, marqués par des breakdowns monstrueux, et tout le monde saute sur "The Heretic Prevails". "Melancholy", tube issu de l’album du même nom, est entonné à pleins poumons par le public visiblement enthousiaste.

Ça joue fort, la température monte sérieusement dans la salle, ça sonne très moderne – oui mais voilà, il y a beaucoup, peut-être même un peu trop, de pistes enregistrées (synthés, voire guitare) ce qui fait perdre un peu l’authenticité de l’expérience instrumentale. Du côté du chant et de la rythmique, rien à redire, que d’agression ! Du cri, des borborygmes, des rires sinistres ("Blood in the Sands of Time"), avant un solo de batterie délivré par Bryce, toujours avec la banane. Shadow Of Intent prend même un côté parfois épique, à la limite du power ("Malediction"). Cela ne s’invente pas, "Tartarus Impalement" est le théâtre d’un grand wall of death, heureusement sans victime à déplorer. Fin du set, l’Elysée Montmartre ovationne le groupe, apparemment ravi. Ce moment de bonne humeur se prolonge grâce au batteur qui descend dans le pit pour saluer quelques fans et signer des autographes.

Cattle Decapitation 

Pendant la pause, session de vases communicants dans la fosse, les fans de Shadow of Intent prenant un peu de recul pour laisser s’avancer le public venu pour les Californiens de Cattle Decapitation. Le groupe de death / deathgrind plutôt écolo officie depuis la fin des années 90 et est censé présenter son neuvième album, l’excellent Terrasite, sorti en 2023. Son artwork effrayant, représentant la créature hybride mi-cafard mi-homme imaginée dans cet opus, orne l’énorme backdrop ce soir. En réalité, seuls quatre titres de l’album figurent sur la setlist qui balaie une partie de la discographie du groupe – depuis 2012. La batterie est imposante, à l’image de son propriétaire Dave McGraw, impressionnant de calme et de force dans la déferlante de double pédale et de blast.

Les guitares sont très fortes, au-dessus de la voix de Travis Ryan qui ne s’entend pas ou très peu, en tout cas de l’avant de la fosse, sur "The Carbon Stampede". Josh Elmore, toujours aussi impassible, délivre des riffs chirurgicaux redoutables. A la basse, Olivier Pinard est tout sourire. Arrive l’énorme enchaînement de deux titres de Terrasite, "We Eat Our Young" et "Scourge of the Offspring", monuments de violence. Avec "Bring Back the Plague", les circle pits s’enchaînent, la salle entière est possédée et mise en mouvement par les cris et autres growls de Travis, que l’on entend un peu mieux – mais le mix restera compliqué jusqu’à la fin du set. On peut vraiment regretter que le son ait fait défaut pour la tête d’affiche du soir, alors que pour les trois groupes précédents l’ensemble était plutôt équilibré. Qui aurait pu se douter que les cris si singuliers du charismatique vocaliste ne seraient bien audibles que sur les quelques secondes du featuring avec Revocation une heure et demie plus tôt ?

Les lumières se font stroboscopiques, le jeu hyper rapide pour tous, avec de petits riffs hachés à la basse signés Olivier Pinard, magistral. L’énergique vocaliste ne ménage pas ses efforts, s’agitant en permanence, haranguant la fosse. Entre les morceaux il remercie le public pour sa présence et sa fidélité, ne tarit pas d’éloges pour les trois autres groupes qui les accompagnent sur cette tournée, et présente certains hits en poussant son cri suraigu emblématique. La seconde moitié du set vient mettre tout le monde d’accord. La bagarre arrive vraiment avec "Forced Gender Reassignment", explosion de puissance marquée par des breakdowns imparables et des riffs monstrueux, l’occasion pour le public de multiplier les pogos et les slams. Un wall of death spontané se forme sur l’intro de "Dead End Residents", aux riffs écrasants et au groove irrésistible; en professionnel, Travis s’adapte et mène le décompte.

Citons encore l’excellent mais néanmoins horrifique "A Living, Breathing Piece of Defecating Meat", au riffing ultra rapide et au refrain mélodique et très entraînant (oui, oui). Le rythme ne ralentit pas avec "Plagueborn", aux passages très techniques dont seuls les Californiens ont le secret. Même pendant les passages plus mélodiques ou moins rapides, le flot des slammeurs de l’Elysée Montmartre ne faiblit pas. Le pogo grossit au point de couvrir toute la largeur de la fosse pour l’ultime titre – déjà ! – l’énorme "Death Atlas", issu de l’album du même titre sorti en 2019. L’outro se fait lente, sinistre, tout à fait adaptée au propos sombre et aux thématiques post-apocalyptiques déclinées par Cattle Decapitation. Douze titres, passés à toute allure, et déjà le groupe prend congé, ovationné par le public parisien, fourbu mais apparemment fort satisfait de cette soirée sous le signe de la tendresse et de la poésie.

Photos : Lil'Goth Live Picture. Toute reproduction interdite sans l'autorisation de la photographe. 



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