Nous avions quitté le groupe au Hellfest en 2023, sur la Mainstage 2 lors d’une matinée bien chaude, et c’est donc tout naturellement que nous voulions revoir Bloodywood deux ans plus tard. Les Indiens sont une véritable figure montante de la scène metal, et cette tournée en tête d’affiche les voit passer à Lyon, Paris et Lille. C’est au CCO La Rayonne que nous nous apprêtons à subir les foudres du groupe venu de New Dehli.
Demonic Resurrection
Demonic Resurrection ouvre la soirée avec un set bien structuré et plein d’énergie. Originaire de Mumbai, le groupe, dirigé par Sahil "The Demonstealer" Makhija, est l'un des pionniers du death metal symphonique en Inde. La prestation alterne entre rythmes soutenus, orchestrations soignées et passages rapides, caractéristiques du genre.
Avec 25 ans de carrière, le groupe continue d'afficher une grande précision et un style distinctif. Les morceaux s’enchaînent avec fluidité, mêlant des éléments mélodiques qui apportent une réelle variété aux compositions. On notera la présence d’un nouveau batteur sur scène, âgé de 22 ans, qui vient donner une touche de fraîcheur à l’ensemble. Même dans un espace de scène assez intime, Demonic Resurrection parvient à capter l’attention du public et à préparer le terrain pour la suite du concert.
Calva Louise
Après la déferlante Demonic Resurrection, le public change radicalement d’ambiance avec Calva Louise. Le trio, véritable mosaïque culturelle, est mené par Jess Allanic, chanteuse et guitariste d’origine franco-vénézuélienne, qui s’exprime d’ailleurs en français entre les morceaux. Avec Alizon Taho, bassiste français, et Ben Parker, batteur néo-zélandais, le groupe a posé ses valises à Londres pour façonner son identité musicale unique, fusionnant punk, rock alternatif et électro.
Dès les premières notes de “W.T.F”, l’énergie est palpable. Jess alterne entre guitare et claviers grâce à un synthé DIY fabriqué par Alizon, qui glisse astucieusement sur scène lorsqu’elle en a besoin. Cette configuration donne une dimension hybride à leur musique, entre rage punk et envolées électroniques futuristes. Les sonorités abrasives de “Third Class Citizen” et “Over the Threshold” imposent un rythme effréné, tandis que “Square One” et “Feast is Over” révèlent des textures plus mélodiques et immersives.
Si le public ne sait pas à quoi s’attendre après l’ouverture ultra-brutale de la soirée, Calva Louise capte rapidement son attention. Sa dynamique scénique est impressionnante : Jess ne cesse d’arpenter la scène, interagissant avec le public tout en enchaînant riffs et passages électroniques, tandis qu’Alizon et Ben assurent une section rythmique implacable. L'intensité monte encore d'un cran sur “Tunnel Vision”, avant de se conclure avec “Oportunista”, qui fait chanter la salle sur ses lignes de chant accrocheuses et ses variations rythmiques.
Avec ce set explosif, Calva Louise impose une atmosphère unique et prouve qu’il n’y a pas besoin de respecter les codes pour mettre l’ambiance en première partie. D’ailleurs, la chanteuse annonce qu’elle sera au merch après le set, et invite le public à venir discuter.
Bloodywood
L’attente est à son comble lorsque Bloodywood monte sur scène. La foule, déjà chauffée à blanc, explose dès les premières notes du dhol, instrument à percussions traditionnel indien qui donne toute sa singularité au son du groupe. Le trio, composé du rappeur Raoul Kerr, du chanteur Jayant Bhadula et du guitariste / flûtiste / compositeur Karan Katiyar, entre en scène, accompagné de ses trois musiciens live (un bassiste, un batteur et un percussionniste) avec une énergie communicative. La fosse se déchaîne immédiatement.
Dès "Dana Dan", l’impact est immédiat. Le mélange entre rap et chant guttural, appuyé par des riffs tranchants, déclenche un headbang général. Le public ne tarde pas à reprendre en chœur les refrains puissants de "Nu Delhi", offrant un premier aperçu du nouvel album à venir, et de "Aaj". Le groupe maîtrise parfaitement son alternance entre passages mélodiques et déchaînements d’intensité, comme en témoigne "Tadka", porté par une rythmique implacable et des lignes de guitare accrocheuses.
Alors que Jayant Bhadula profite d’un moment de répit pour présenter le groupe et les techniciens, un problème technique interrompt brièvement son discours. Loin d’attendre passivement, la foule en profite pour scander un "Bloodywood... Bloodywood" assourdissant, amplifiant encore plus l’ambiance survoltée du concert.
Une fois la situation rétablie, le show reprend avec "Jee Veerey", qui offre un instant plus mélodique, avec de la flûte, contrastant avec la puissance brute des morceaux précédents. L’un des moments forts de la soirée arrive avec "Halla Bol", un titre encore inédit (qui sortira officiellement le 21 mars) qui capte immédiatement l’attention du public par son intensité dramatique et ses envolées instrumentales.
Avec "Bekhauf", le groupe enfonce encore un peu plus le clou, avant que "Machi Bhasad (Expect a Riot)" ne déclenche l’un des plus gros circle pits de la soirée. Les musiciens, portés par l’énergie du public, livrent une performance sans concession, entre riffs acérés et percussions explosives.
Après un court départ en coulisses et les lumières qui se rallument, le public imagine le show terminé… Mais Bloodywood revient quelques minutes plus tard pour un dernier assaut avec "Gaddaar". Véritable hymne dénonçant la corruption, le morceau prend une ampleur particulière en live, porté par un public qui hurle chaque ligne, avant de terminer par un énorme wall of death.
En quittant la scène, Bloodywood laisse derrière lui une salle exténuée, mais comblée. Avec ce concert court mais intense (même pas une heure sur scène), le groupe prouve une fois de plus qu’il est bien un immense phénomène : un véritable porte-étendard du metal indien sur la scène internationale.
Photos : Florentine Pautet, toute reproduction interdite sans l’accord de la photographe