La Grosse Sélection : Zoom sur le Death technique

Né au tournant des années 80/90, le death technique est aujourd'hui un style musical incontournable pour qui apprécie le metal extrême. Parfois réduit au simple exercice de la démonstration technique ou à une cour de récré pour shredders endiablés ou bassistes fretless, le techno-death (comme il a un temps été appelé durant les années 90) reflète la volonté de faire évoluer un style et d'explorer de nouveaux territoires. Parfois teinté de jazz fusion, de musique classique, de prog, d'ambiant, de thrash, voire même de flamenco, le style offre une diversité artistique qui ne s'encombre pas des contraintes. Nous souhaitions vous proposer une sélection d'albums soigneusement choisis parmi les classiques du death technique ou bien les petites pépites plus obscures. Cette sélection n'a bien entendu pas vocation à être exhaustive et certaines références parfois évidentes peuvent manquer à l'appel, mais elle reflète avant tout un choix subjectif et une volonté de couvrir la longue évolution du style dans toute sa représentativité. 

Atheist - Piece of Time (1989)
Etats-Unis

Alors oui, objectivement Unquestionable Presence (1991) est LA référence d’Atheist avec son death technique racé, groovy et ses incursions vers le jazz et le prog. Pourtant, tout commence avec le thrashy Piece of Time, pierre angulaire du genre. Sur ce premier opus, les Floridiens ne se contentent pas d’un savant mélange entre death et thrash (la voix éraillée de Kelly Shaefer est clairement dans le second registre) et osent des structures progressives sur des titres courts (« Unholy War ») et efficaces (« Piece of Time », « Life », « On They Slay »). Le tout est renforcé par les parties de basse claquantes et groovy du regretté Roger Patterson, qui décèdera à l’âge de 22 ans en 1991, et qui constitue la charnière de la section rythmique en compagnie de Steve Flynn (batterie). Ce dernier propose des plans bien loin des standards de l’époque, qui tranchent clairement avec ce que peut jouer Pete Sandoval (Morbid Angel) à la même période. Plus sauvage que ses deux successeurs, probablement en raison d’une production relativement rêche, cet album constitue un indispensable dans toute discothèque pour les amateurs de metal extrême, et peut être l’acte de naissance du death metal dans sa mouvance la plus technique et progressive.

Pestilence - Testimony of the Ancients (1991)
Pays-Bas

En 1991, Pestilence est déjà un nom bien connu sur la scène death metal, en dépit de ses origines européennes et non floridiennes. Après deux albums enregistrés avec Martin Van Drunen au chant et à la basse, ce dernier quitte le groupe pour fonder Asphyx, entraînant un gros remaniement du line-up et avec lui, de la direction musicale. C’est l’occasion pour Tony Choy (qui a enregistré deux démos pour Cynic puis un album avec Atheist) de rejoindre Pestilence en tenant la basse, tandis que le chant est désormais assuré par Patrick Mameli. Fort de ce changement de personnel, le quatuor sort Testimony of the Ancients, un album résolument death metal, mais où de subtils plans jazz et fusion se font sentir. La structure même de l’album est aventureuse pour l’époque, puisque chacun des titres est séparé par un court interlude instrumental (dont cet agaçant "Blood" et son bruit de moustique à ne pas écouter au casque). Encore fortement imprégné de death old school, cet album est néanmoins une pierre fondatrice posée à l’édifice du death technique et une avalanche de classiques (« The Secrecies of Horror », « Stigmatized », « Land of Tears » ou encore « Lost Souls ») encore largement interprétés par le groupe aujourd’hui (dont ne subsiste désormais plus que Patrick Mameli). Pestilence ira encore plus loin dans l’expérimentation deux ans plus tard avec le décrié (tout du moins à sa sortie) Spheres et ses guitares synthés, quatrième album que le leader du groupe renie aujourd’hui... Mais ceci est une autre histoire !

Nocturnus - Thresholds (1992)
Etats-Unis

Lorsque l’on aborde le cas de Nocturnus, deux choses sont immédiatement évoquées : son chanteur / batteur Mike Browning (qui a fait ses débuts chez Morbid Angel) et l’album The Key, pierre angulaire du style. Pourtant, nous choisissons ici de mettre en avant Thresholds, le deuxième opus du combo floridien, dont les titres sont plus faciles d’accès tout en restant de qualité. Sur Thresholds, Nocturnus choisit d’engager un chanteur à part entière, Dan Izzo, pour permettre à Browning de se concentrer sur ses fûts uniquement. Les huit titres de Thresholds voient le groupe continuer à expérimenter à l’aides de claviers (certes parfois cheap) et de guitare synthé, proposant des plans jazz, progressifs et bien entendus thrash le tout avec une technicité encore rare à l’époque (écoutez l’introduction de « Arctic Crytps » pour vous en convaincre). Parmi les influences du combo, il est difficile ne pas songer à Yngwie Malmsteen dont la patte est prégnante sur l’instrumental « Nocturne in Bm ». Malheureusement, peu de temps après, Mike Browning puis Dan Izzo quittent le groupe. La suite (Etheral Bomb en 1999) ne connaitra pas le même succès et le groupe splittera au début des années 2000. En parallèle, Browing formera After Death (patronyme choisi pour raisons légales, renommé par la suite Nocturnus AD) à la même période  mais il faudra attendre 2019 et la sortie de Paradox pour retrouver le niveau et l’atmosphère de The Key et Thresholds.

Cynic - Focus (1993)
Etats-Unis

Qu’il aura été compliqué pour Cynic d’enfin sortir ce premier album. Après plusieurs démos (aujourd’hui rééditées sur l’album Uroboric Forms), sur lequel c’est Tony Choy qui tient la basse, Paul Masvidal et Sean Reinert sont pour un temps sollicités par Chuck Schuldiner pour participer à l’album Human de Death. La tournée européenne de Death entraîne des complications financières pour le groupe et le matériel de Sean et Paul est confisqué durant six mois en guise de garantie. En outre, l’ouragan Andrew frappe la Floride en aout 1992, détruisant le lieu de répétition des musiciens de Cynic et la maison de Jason Gobel (guitare). Pourtant, malgré ces désillusions, le combo tient bon et fort d’un nouveau bassiste en la présence de Sean Malone (tristement décédé en 2020), sort un monument du death technique. Osant mettre un pied sur les terres du jazz fusion, les Floridiens sortent huit compositions (dont un instrumental) de grande qualité. Déstabilisant pour l’époque (notamment dans l’utilisation des voix vocodées de la part de Masvidal), Focus obtient rapidement le statut d’album culte avant que le groupe ne splitte, chacun des membres se concentrant sur un nouveau projet (Æon Spoke et Portal pour Masvidal et Reinert, ou encore Gordian Knot pour Sean Malone). Il faudra attendre 2008 pour que le groupe offre une suite à Focus, avec l’excellent Traced in Air.

Death - Symbolic (1995)
Etats-Unis

Si Death débute son tournant vers un style plus technique et progressif à partir de Human (bien aidé en cela par un line-up composé de Sean Reinert et Paul Masvidal de Cynic), c’est avec Symbolic que Chuck Schuldiner offre son œuvre la plus aboutie dans ce style. Le line-up regroupe Gene Hoglan, Bobby Koelble (guitariste ô combien sous-estimé) et Kelly Conlon, autour du maître à penser, tandis que la production est assurée par Jim Morris des légendaires studios Morrisound à Tampa. Des classiques comme « 1’000 Eyes », « Zero Tolerance » ou « Crystal Mountain » (et ses plans de guitare acoustique) sont là pour en témoigner, Death vient d’accoucher d’un monument du style, qui trente ans après n’a toujours pas pris une ride !

Martyr - Warp Zone (2004)
Canada

Pas foncièrement death si l’on prend en compte le chant de Dan Mongrain, mais pourtant résolumment technique, la musique de Martyr est complexe à réellement définir. Ce deuxième album des Canadiens allie technicité, envolées de guitare à un style résolument agressif, parfois thrash (« Warp Zone ») mais également très subtil et progressif par moments (« Virtual Emotions » ou encore le sublime « Realms of Reverie », l’une des plus belles pièces du quatuor). Avec ce second opus, les frères Mongrain frappent fort et proposent un art qui ne ressemble à aucun autre. Comme une version plus progressive de leurs compatriotes d’Obliveon (« Deserted Waters »), ou plus extrême de Voivod (que Dan Mongrain a depuis rejoint à la six-cordes après le décès de Piggy), le style de Martyr reste finalement unique mais toujours osé et surprenant. Feeding The Abscess (2006) confortera quelques années plus tard la belle forme du combo, avant que les Québécois ne décident de splitter, chacun des musiciens se concentrant sur d’autres projets (le batteur Patrice Hamelin a notamment tourné avec Beneath the Massacre, Cephalic Carnage et Gorguts). L'an passé, le quatuor s'est reformé le temps de dates ponctuelles dans son Québec natal, pour célébrer les vingt ans de Warp Zone, preuve en est du caractère intemporel de cette pépite.

Necrophagist - Epitaph (2004)
Allemagne

Auteur de deux albums, Necrophagist a largement laissé son empreinte sur le style : souvent copié, rarement égalé, Epitaph concentre tout ce qui fait la force de cette musique : des voix d’outre-tombe, des harmonisations qui se réfèrent à la musique classique (gammes diminuées), des soli en feu et surtout un sens de la mélodie qui font que l’on accroche immédiatement aux compositions (pour peu que l’oreille soit habituée au chant death). A voir le nombre de reprises de "Diminished to B", "Stabwound" ou "Seven" sur Youtube, nul doute que cet album a marqué une génération entière de musiciens, éblouis par les compétence guitaristiques de Christian Münzner, ou celles derrière les fûts d’Hannes Grossmann (les deux hommes poursuivront leur collaboration en compagnie de Steffen Kummerer chez Obscura). Muhammed Suiçmez (chant, guitare) a depuis totalement abandonné sa carrière de musicien, après avoir laissé espérer pendant longtemps la sortie d’un troisième opus, qui restera comme un doux rêve pour les fans du groupe.

Odious Mortem - Cryptic Implosion (2007)
Etats-Unis

Attention, Odious Mortem, ça tabasse façon Suffocation ou Origin ! En effet, le quatuor américain propose une musique à la fois brutale et technique, portée par le timbre sans concession d’Anthony Trapani (qui sortira Servile Insurection avec Severed Savior - voir ci-dessous – un an plus tard!). On retrouve une basse claquante, des breaks de batterie inhumains (KC Howard s’illustrera également derrière les fûts de Decrepit Birth et Retromorphosis, le tech death est un très petit milieu) et des structures de morceaux improbables. Le tout sonne pourtant de façon très accrocheuse (« Fragmented Oblivion »), malgré des riffs parfois très dissonnants (« Gestation of Worms ») de la part de Dan Egger (tiens, lui aussi aura droit à un passage dans Decrepit Birth). Ce Cryptic Implosion a aujourd’hui presque un statut culte sur la scène death technique et malgré une troisième sortie en 2020 (Synesthesia), le quatuor ne retrouvera jamais la même aura.

The Faceless- Planetary Duality (2008)
Etats-Unis

Si Akeldama (2006) a fait émerger The Faceless, Planetary Duality (2008) a quant à lui contribué à sa reconnaissance internationale. Avec The Faceless, on a ici affaire à un death technique dans sa frange la plus moderne, flirtant allègrement avec le deathcore. Pourtant, le combo mené par Michael Keen multiplie les hommages et références aux pionniers : qu’il s’agisse du titre "Pestilence" sur son premier album, ou bien l’utilisation avec parcimonie du vocoder qui évoque Cynic, voire de plans orchestraux ou néo-classiques à la Spawn of Possession (redéveloppé plus tard par les Italiens de Fleshgod Apocalypse), le groupe de Los Angeles a clairement le cul entre deux (voire plusieurs) chaises mais les pieds bien ancrés dans le death metal. Pourtant, si l’on se laisse tenter, Planetary Duality est un petit bijou porté par les titres « Prison Born », « Xenochrist » (et son pont jazz prog à la Cynic) ou encore la pièce éponyme finale découpée en deux parties. L’artwork signé par l’incontournable Pär Olofsson (qui aura réalisé les pochettes de pratiquement tous les groupes de death technique de cette période) contribue également à la réussite de l’œuvre en lui conférant une identité et une ambiance parfaitement retranscrite dans la musique. Malheureusement, la qualité ne sera pas toujours au rendez-vous par la suite, mais The Faceless aura contribué à faire émerger une frange plus moderne du techno-death, et influencé une nouvelle génération à commencer par Fallujah, Rings of Saturn ou The Zenith Passage.

Severed Savior - Servile Insurrection (2008)
Etats-Unis

Brutal, c’est le premier mot qui vient à l’esprit en écoutant ce Servile Insurrection des Californiens de Severed Savior, comme l’illustre le chant d’Anthony Trapani (Odious Mortem). Pourtant, la technique est également mise à l’honneur entre deux blasts : Mike Gilbert (aujourd’hui guitariste chez Cynic) montre toute l’étendue de sa palette technique : sweeping, aller-retour, plans classiques/flamenco sur l'instrumental "Intervallo del Tradimento", le tout avec une approche prog dans les structures des titres (voire des parties jazz, écoutez "Question" et notamment sa conclusion pour vous en convaincre). Lorsque l’on parle de death technique, Severed Savior n’est pas le groupe le plus spontanément cité, et pourtant le quatuor a toute sa place dans cette sélection. Comme de trop nombreuses formations du genre, le groupe s’illustre par son silence discographique depuis cette dernière sortie. Dommage au vu de tant de talent !

Gorod- Process of a New Decline (2009)
France

Si Gorod s’est aujourd’hui largement fait un nom sur la scène death internationale, nos Bordelais le doivent en grande partie à ce Process of a New Decline, monument de leur discographie, encore indétrônable plus de quinze ans après sa sortie. Dernier chapitre d’une trilogie SF amorcée avec Neurotripsick puis poursuivie sur Leading Visions, cet album concentre déjà toute la personnalité du quintette, mené de main de maître par Mathieu Pascal (guitare). Ça joue technique, mais ça groove également en raison des parties de basse de Benoit Claus et de la rythmique de Samuel Santiago. Dernier album avec Guillaume Martinot au chant et Arnaud Pontaco à la guitare, Process of a New Decline marque la fin d’une ère pour les Bordelais, mais le fait brillamment comme en témoignent « Disavow Your God » (et son irrésistible pont en tapping), « Rebirth of Senses », « Gilded Cage » ou « Watershed ». La preuve en chair et en os que la France regorge bien d’incroyables talents…

Obscura - Cosmogenesis (2009)
Allemagne

Dans la seconde moitié des années 2000, sous l’impulsion du Epitaph de Necrophagist, le death technique a de nouveau le vent en poupe. L’occasion pour Obscura (nom inspiré de l’album éponyme de Gorguts) et son leader Steffen Kummerer de se faire connaître à l’échelle internationale, en recrutant les anciens membres de Necrophagist, Christian Münzner et Hannes Grossmann, ainsi que l’ex-bassiste de Pestilence, Jeroen Paul Thesseling. Avec ce line-up de rêve, le groupe donne naissance à ce qui restera son album de référence : Cosmogenesis. La basse fretless du néerlandais donne le ton, tout comme les compositions aux forts relents de Cynic et Death, avec ce petit soupçon progressif bien amené. Et puis l’album regorge de classiques, tels que « Anticosmic Overload », « Incarnated » ou le sublime « Centric Flow » qui clôt ce Cosmogenesis. De quoi en faire une référence pour les Allemands et plus largement un classique du death technique !

Decrepit Birth - Polarity (2010)
Etats-Unis

Même si Polarity est sorti en 2010, il nous ramène indéniablement au cœur des années 90 tant l’ombre de Chuck Schuldiner plane sur les onze morceaux de l’album. Un Chuck qui aurait délaissé le heavy entraperçu sur Control Denied et qui aurait durci sa prod et son ton de voix, tout en gardant son approche mélodique ! D’ailleurs, Decrepit Birth (et son guitariste Matt Sotelo) ne trompe personne et ne s’en cache pas puisque "See Through Dreams" (présent sur le Human de Death) est repris en bonus track. Tout comme pour le Cosmogenesis d’Obscura, l’hommage est certes peu déguisé (c’est notamment flagrant sur le solo de "The Resonnance"), et pourtant ce Polarity va également au-delà d’un simple copycat (coucou Gruesome !), apportant une personnalité qui lui est propre, notamment à travers la batterie de KC Howard et le chant de Bill Robinson. Quinze ans après sa sortie, ce Polarity s’écoute toujours aussi bien, ce qui n’est pas le cas de son successeur (et dernier album en date de Decrepit Birth), le décevant Axis Mundi sorti en 2017.

Origin - Entity (2011)
Etats-Unis

Quand Origin sort Entity en 2011, le groupe est dans une posture délicate. Trois ans auparavant, les Américains ont sorti Antithesis, un album qui a contribué à les révéler, mais malgré une signature chez Nuclear Blast (après un début de carrière entièrement passé chez Relapse records), James Lee (chant) et Jeremy Turner (guitare) quittent Origin, laissant la formation sous la forme d’un trio. Qu’à cela ne tienne, Paul Ryan (guitare) et Mike Flores (basse) vont chacun prendre en charge le chant lead sur le nouvel album. Entity est un concentré de technique et de brutalité, où la patte du combo du Kansas s’exprime à travers des plans chromatiques (« Saligia », « Explosion of Fury » et les blasts de John Longstrenth (Dim Mak, ex-Angel Corpse et Gorguts). Le titre d’ouverture « Explosion of Fury » porte bien son nom, Origin est un groupe sans concession qui fait feu de tout bois, mais dont la période 2008-2011 constitue peut-être son apogée créatif. Notons que le line-up du groupe est aujourd’hui stabilisé avec Jason Keyser au chant (arrivé peu après la sortie d’Entity) et que le quatuor a accouché d’un très bon album en 2022, Chaosmos.

Beyond Creation - The Aura (2011)
Canada

Lorsque Beyond Creation débarque en 2011, le death technique connait un regain d’intérêt depuis quelques années, sous l’impulsion de Necrophagist, Augury, du retour studio de Cynic ou encore du Cosmogenesis d’Obscura. Et il n’y a rien d’étonnant à voir un groupe québécois proposer dix titres ultra techniques et progressifs ("The Deported" dure tout de même onze minutes) quand on sait que la province a vu émerger des formations telles que Gorguts, Cryptopsy, Quo Vadis ou Augury. C’est d’ailleurs le bassiste de ces derniers (et futur First Fragment), Dominic « Forest » Lapointe, qui officie à la fretless. Côté guitare, le niveau est particulièrement relevé et Simon Girard et Kevin Chartré s’affrontent dans de belles joutes en tapping, rejoints par un invité sur « Omnipresent Perception » en la personne de Chris Donaldson de…Cryptopsy (on vous a dit que c’était un petit milieu !). L’album est certes long (52 mn) mais l’intensité ne redescend jamais. Malgré une sortie sur un petit label indépendant québécois (PRC Music), le succès de The Aura est en marche, ce qui contraindra d’ailleurs Season of Mist à rééditer l’album deux ans après sa parution et à signer Beyond Creation pour la suite de sa carrière.

Spawn of Possession - Incurso (2012)
Suède

En 2012, toute la scène death tech est unanime : Incurso est un chef d’œuvre du genre et marque une nouvelle étape dans la carrière des Suédois, plusieurs années après Noctambulant. Les influences néo-classiques de Jonas Bryssling sont bien présentes, les compositions solides et de discrètes parties de claviers viennent ajouter leur touche bien spécifique à la personnalité du quintette. Et pour l’occasion, l’incontournable Christian Münzner (alors encore guitariste chez Obscura) vient ajouter son talent à l’ensemble et délivre des soli d’extraterrestre.

N’y allons pas par quatre chemin, avec des titres comme "The Evangelist" ou "Where Angels Go, Demons Follow", ce troisième (et malheureusement) dernier album du groupe est un opus majeur du style. Cela est d’autant plus frustrant que lors de leur tournée européenne de 2012 en compagnie d’Oscura, Gorod et Exivious (excusez du peu !) le groupe n’interprétera qu’un seul titre d’Incurso, préférant se concentrer sur les morceaux de Cabinet et Noctambulant. Spawn of Possession splittera en 2017, laissant derrière lui trois chef d’œuvres, avant de revenir en ce début d’année 2025 dans une version remaniée (seul le batteur des deux formations diffère) sous le nom Retromorphosis.

Spectral - Neural Correlates of Hate (2018)
Roumanie

Avec Spectral, c’est du côté de la Roumanie que nous nous tournons. Pourtant, il y a un soupçon de l’Hexagone dans cet album, en la présence du Français Romain Goulon (qui a tenu les baguettes chez Necrophagist, Benighted, Monuments of Misanthropy ou encore Agressor). Si ce Neural Correlates of Hate n’est que le premier opus (et le dernier en date également) du combo fondé par Ciprian Martin en 2004 (!), le niveau technique et le talent de composition sont déjà présents. La preuve que laisser grandir et mûrir son œuvre, cela a parfois du bon. Les neuf titres oscillent entre death progressif (deux titres dépassent les huit minutes) et riffs plus rageurs (« Divided We Fall », « Artificial Storage »). Et surtout, cet album constitue le dernier témoignage studio du chanteur Andrei Calmuc, malheureusement décédé en 2022 des suites d’une chute dans les escaliers d’une salle de concert. Nous vous invitons donc à découvrir ou redécouvrir cette œuvre, preuve que de petites pépites se cachent parfois là où on ne les attend pas !

Psycroptic - As the Kingdom Drowns (2018)
Australie

As The Kingdom Drowns n’est pas l’album de Psycroptic le plus souvent plébiscité par les fans du groupe, ces derniers préférant généralement citer les débuts de la formation (The Scepter of the Ancients, Symbols of Failure) jusqu’à la période Ob(Servant). Et si Psycroptic a souvent eu la réputation d’être un groupe de deuxième division (la faute peut être aussi à son éloignement géographique par rapport à des scènes plus soudées), cela pourrait paraître injuste au vu de la qualité des albums et du talent des frères Haley. As The Kingdom Drowns sort en 2018 et voit le quatuor tasmanien proposer un style toujours plus moderne et technique, à la limite du deathcore. Mais ce qui frappe à l’écoute de cet opus, c’est l’incorporation discrète mais présente de chœurs féminins (presque gospels dans l’approche) sur "We Were the Keepers", "Beyond the Black", ou encore le morceau titre, voire d’un piano en conclusion de « As the Kingdom Drowns ». Ces petites touches apportent une dimension dramatique à la musique technique et groovy du combo. Pour le reste, on est certes dans de l’attendu (à savoir des riffs techniques dans tous les sens par Joe Haley, et du chant hurlé de Jason Peppiatt), mais Psycroptic le fait bien et cet album passe tout seul, bien aidé par ses trente-cinq petites minutes au compteur. A redécouvrir donc pour ceux qui seraient passés à côté !

First Fragment - Gloire Eternelle (2021)
Canada

On peut dire que les gars de First Fragment prennent leur temps pour composer (la faute peut être aux mille projets du guitariste Phil Tougas ?). Voyez un peu : fondé en 2007, le groupe sort son premier EP deux ans plus tard, mais il faudra attendre 2016 pour que le premier album Dasein ne voie le jour. Malgré un succès immédiat dans les sphères underground, le groupe attend encore cinq ans pour lui donner une suite. Mais quelle suite ! Ce Gloire Eternelle porte bien son nom puisqu’on y trouve toute la classe et la technique du combo. Depuis les plans de basse fretless, parfois slappés et groovy, de l’incontournable Dominic « Forest » Lapointe (Augury, ex-Beyond Creation et ex-Quo Vadis et Gorguts en live) jusqu’aux soli éblouissants de Phil Tougas, qui mêlent néo-classique à la Symphony X ("Pantheum"), death metal progressif et même jazz manouche / flamenco (le toucher du musicien sur une guitare nylon fait la grande force de l’album dès l’introduction du morceau titre ou sur « Sonata en Mi mineur »), tout est parfait du début à la fin. Le quintette se paye même le luxe de proposer un titre épique de 19 minutes (« In’el »), rien que ça ! Alors certes, à la première écoute la déferlante de notes pourra déstabiliser les allergiques à la technique pure et au shred, mais ce Gloire Eternelle est une bible pour tout musicien amateur ou professionnel ainsi qu’une grande leçon de maîtrise.

Archspire - Bleed the Future (2021)
Canada

Si le death technique était un jeu vidéo, Archspire serait très certainement le boss final ! Bleed the Future est un concentré de ce qui se fait de plus rapide, de plus technique, de plus…tout en somme. Ceux qui apprécient les pionniers du genre (Atheist, Death, Pestilence ou Cynic) seront peut-être rebutés par la modernité de la production de cet opus et son côté Over the Top. Pourtant, comment ne pas reconnaître aux Canadiens un talent certain pour composer des titres à la fois brutaux et techniques mais également très mélodiques ? Avec un batteur de la trempe de Spencer Prewett (qui a depuis quitté le navire) et la diction exemplaire (au vu des tempi) d’Oli Peters, vocaliste du groupe, Bleed the Future ne laisse pas indifférent. Forcément, avec une telle intensité, les Canadiens ne proposent que huit titres pour à peine plus de trente minutes de musique, mais choisissent d’aller droit au but…le tout en étant flashé à plus de 400 bpm !

Catalyst - A Different Painting For A New World (2022)
France

On le répète à longtemps de chroniques, la France n’a rien à envier aux autres pays concernant la qualité de ses groupes. Cela est valable également pour le death technique : Gorod, Fractal Universe, Exocrine, The Scalar Process…Le pays connait depuis quelques années une belle éclosion de talents. Catalyst est à ajouter à cette liste qui s’étoffe d’année en année. Et la qualité n’attend pas le nombre des années, puisque les musiciens n’ont pas trente ans et possèdent pourtant déjà une belle maturité artistique. A Different Painting for a New World n’est que le deuxième opus de Catalyst (et la suite d’un album concept SF entamé en 2019) mais il mêle de nombreuses influences (Obscura, Gorod, mais aussi parfois Dream Theater) avec brio.  Audacieux sans être grandiloquent, progressif sans être prétentieux, Catalyst aime brouiller les pistes et parvient à trouver un bel équilibre entre technicité et émotion. A découvrir d’urgence !

Mais aussi...

Cette sélection s'arrête ici, mais nous n'oublions pas non plus les artistes suivants, que nous vous invitons à découvrir si vous ne les connaissez pas :



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