Ghost : un rituel V étoiles à l’Accor Arena (Paris) le 13.05.25

Habemus Papam ! Plus de deux semaines après la date lyonnaise à la LDLC Arena, c’est au tour du public parisien d’être présenté officiellement à la nouvelle figure papale masquée à la tête de la troupe de Nameless Ghouls. Pour ce retour à l’occasion de la sortie du sixème album, Skeleta, Ghost a rempli l’Accor Arena, qu’il avait déjà hantée en 2022, mais innove cette fois-ci avec une formule inédite, celle d’un concert / rituel au plus près des fans, sans première partie, et surtout sans téléphone…

Ghost a vu les choses en grand, et les fidèles sont au rendez-vous, les téléphones rangés dans des pochettes scellées, vêtus de leurs plus beaux atours / cosplays / maquillages aux couleurs du groupe. Dans l'Accor Arena qui affiche complet, le premier frisson intervient lorsque s’élève, avec un peu de retard, le "Miserere Mei", chant sacré annonçant depuis longtemps le début imminent (10 minutes, tout de même) du rituel. Les fans les plus aguerris s’échauffent les cordes vocales en préparation du concert à venir, et le coup d’envoi est enfin donné avec les premières notes de "Peacefield", dernier single en date. Parfait mélange d’éléments caractéristiques du son de Ghost et de sonorités entraînantes d’arena rock tendance années 80 présente sur les albums les plus récents, ce morceau semble idéal pour ouvrir le rituel ce soir, même si le baisser de rideau intervient assez tardivement, en plein refrain, en synchronisation avec la mise en place d’une rythmique irrésistible.

Liesse généralisée lorsque Papa V Perpetua et sa troupe de nameless ghouls s’offrent enfin aux regards de tous. Difficile de tout appréhender tout de suite, entre les musiciens en perpétuel mouvement, les décors somptueux, les costumes élaborés, les jeux de lumières travaillés, et bien sûr ce frontman masqué au jeu de scène survitaminé, enchaînant les poses suggestives et les regards vers la foule des quelques 15000 fans surexcités. Le son est d’abord brouillon, la voix de Tobias Forge étouffée sous les basses, lors des deux premiers titres, issus du tout récent Skeleta, "Peacefield" et "Lachryma". Mais tout cela s’améliore vite et le groupe poursuit avec un superbe enchaînement de deux excellents titres de Meliora (2015) : "Spirit" avec sa battle épique de guitares en conclusion et "From the Pinnacle to the Pit", au groove irrésistible mené par le ghoul bassiste, particulièrement bien mis en valeur dans le mix ce soir et impérial un peu plus tard sur "Satanized". Les jeux de lumières sont exceptionnels, la scénographie est monumentale avec le "grucifix" géant de projecteurs au-dessus de la scène, et, en plus des deux écrans latéraux, un écran géant en guise de monumental backdrop animé sur lesquels les tableaux s’enchaînent.

Le ballet des figures fantomatiques sur scène n’a d’égal que celui de l’énergique et élégant frontman Papa V dont la garde robe est aussi fournie et variée que son prédécesseur, mais dans des tons noirs, violets, et argentés. Il apparaît avec plusieurs tenues en civil, vêtu d’une robe papale splendide ornée d’un exosquelette pour "Year Zero" et d’une immense tenue d’apparat pour "Call Me Little Sunshine", moment incroyable lors duquel, perché sur un podium en fond de scène, il semble léviter au-dessus du groupe.

Vestes scintillantes, chemise satinée, ce "nouveau" frontman a la classe. Et il sait mener la danse pour la soirée, délivrant des parties vocales parfaitement maîtrisées et interagissant avec la foule et ses ghouls avec élégance et pas mal d’humour. La setlist généreuse donne la part belle à l’album Meliora et au petit dernier Skeleta, sans oublier les débuts, avec comme mot d’ordre la puissance. Citons notamment un "Ritual" d’anthologie, fort et puissant, mémorable avec les ghoulettes qui descendent de leur podium pour accompagner au tambourin le ghoul à la guitare lead, ou la lourdeur des riffs de "Rats" qui fait headbanguer tout Bercy, ou encore l’incendiaire "Year Zero", moment de communion ultime entre Ghost et son public qui s’époumone.

Les costumes très travaillés des sept musiciens masqués évoquent l’univers du nouvel opus, avec des ossements scintillants et des chapeaux haut de forme pour les deux guitaristes et le batteur, coiffes de veuves ou de nonnes pour les claviéristes, choristes, et le bassiste tenant le centre de la scène sur de nombreux morceaux. Les manches des musiciennes évoquent des ailes de chauve-souris, et ces silhouettes énigmatiques en perpétuel mouvement fascinent vraiment. Mais l’apparence ne fait pas tout : la bande de nameless ghouls fait preuve d’une énergie impressionnante derrière les costumes, y compris le guitariste lead qui donne son maximum malgré un pied plâtré (mais néanmoins orné d’ossements, brisés bien évidemment).

Les soli s’enchaînent sur de nombreux titres, à une ou deux guitares ("Spirit", "Ritual", "Lachryma") ou encore au clavier ("Umbra", "Spirit", "Cirice"), le second guitariste passe même à l’acoustique sur le titre rétro "The Future is a Foreign Land", générique de fin du film Rite Here Rite Now sorti l’an dernier. Le ghoul batteur, du haut de son estrade, maltraite ses fûts et impose sa puissance sur chaque titre. Les chœurs féminins, splendides, sont bien audibles, et se distinguent sur des morceaux récents ("Lachryma", "Darkness at the Heart of My Love", seul rescapé de l’ère Impera avec "Call Me...") comme plus anciens ("Cirice", "He Is", ou encore l’excellent "Monstrance Clock", de retour sur la setlist après une absence de sept ans pour le plus grand bonheur des fans les plus expérimentés).

Il y a moins de longs discours qu’autrefois, mais toujours autant de clins d’œil suggestifs, de gestes osés et de paroles à doubles sens. Le refrain ouvertement charnel de Umbra ou le karaoké en conclusion de "Monstrance Clock", sur lequel d’affriolantes illustrations viennent rappeler la nature lascive des paroles originelles, « come together », ne sont que des exemples de cet esprit pas toujours bien tourné qui fait le charme de Ghost, au milieu des références parodiques au catholicisme. Les ghouls ne sont pas de reste et multiplient les marques d’affection mutuelles occasionnellement osées, souvent désopilantes.

Hormis quelques moments de douceur ("Darkness…" et son karaoké final, ou "He Is", entonné en chœur par le public, éclairé par le ciel étoilé en backdrop), l’ambiance est aux marques d’affection délivrées sur des rythmes énergiques ("Kiss the Go Goat", où chaque gradin a son lot de baisers envoyés par Papa / Tobias) ou aux rythmiques dures et sarcastiques de "Mummy Dust", marquée par des énormes riffs, de beaux visuels steampunk, et la traditionnelle pluie de confettis et de quelques papa dollars (à l’effigie de Frater Imperator, ex-Papa IV et ex-Copia rétrogradé à la direction du clergé). À noter l’absence du solo de keytar sur ce titre, qui semble surprendre tout le monde y compris les musiciens sur scène, seul minuscule bémol de la soirée. Après des remerciements chaleureux et quelques bons mots de Papa qui imite l’accent français, les trois morceaux du rappel terminent de faire monter la température. Sur le tube entraînant "Mary On a Cross", le backdrop montre une statue aux larmes de sang. Changement de couleurs et d’ambiance pour l’irrésistible "Dance Macabre", la statue se déhanche comme tout l’Accor Arena, des confettis sont lancés, avant les riffs meurtriers de "Square Hammer", accompagnés de pétards et de pluie d’étincelles.

Comme libéré, ce Papa Perpetua au demi-masque révélant le bas du visage se révèle plus expressif, parfois subtilement souriant même, toujours aussi poseur dans la gestuelle mais légèrement moins loquace que son prédécesseur. On ne s’en plaindra pas, le rythme ne redescend quasiment jamais et les morceaux s’enchaînent pour continuer d’en mettre plein la vue aux fidèles complètement conquis, communiant pleinement avec le groupe de près comme de loin. Une proximité recherchée par le combo suédois et Papa V qui multiplie les regards et les gestes en direction du public en gradins, tout comme l'ensemble des musiciens, qui viennent distribuer des médiators et baguettes à la fin du show, envoyant des baisers vers les gradins ou la fosse.

Ghost signe ce soir un rituel magistral, un spectacle époustouflant, réunissant toutes les conditions pour une belle communion entre le groupe et son public, toujours plus nombreux. C’est une nouvelle étape dans une ascension qui semble inarrêtable… certains pourront dire que c’était mieux avant, certes, mais il faut bien admettre que le show monumental de ce soir ne peut que marquer les esprits, par sa qualité sonore autant que scénographique. Un moment rare et précieux que beaucoup garderont des années en tête, comme un souvenir exceptionnel, ou même une référence que bien peu de formations semblent actuellement en mesure d’approcher.

Ghost Paris 2025

Photos : Ryan Chang. Toute reproduction interdite. 



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