Grand Paris Sludge 2025 à l’Empreinte – Jour 1 (17.05.25)

Pour la troisième année, Garmonbozia et l'Empreinte s'associent pour faire honneur aux "musique nobles" et ravir les amateurs franciliens de sludge, stoner, doom et heavy rock. Au menu de cette première journée, rock psyché, post metal, paillettes et jeunesse éternelle...  

Daily Thompson - 19h20

Le trio allemand Daily Thompson ouvre le bal sludge avec son heavy stoner psyché oscillant entre grunge et desert rock bluesy. Il est encore tôt, mais la démonstration de puissance est bien là, sur des morceaux énergiques où les trois musiciens donnent de la voix ("I’m Free Tonight", "Pizza Boy") ou des titres groovy où le chant du guitariste Danny Zaremba se fait plus mélancolique ("Diamond Waves", ou "Chuparuza", morceau-titre du dernier – sixième – album du combo sorti en 2024).

La bassiste Mercedes « Mephi » Lalakakis, tout sourire, headbangue sans retenue et lève bien haut sa basse turquoise, assortie à ses cheveux, quant au batteur Thorsten Stratmann il ne ménage pas sa peine et assure les chœurs tout en maltraitant son kit. Sur "A Girl Like You", qui n’est pas sans rappeler Nirvana, Danny torture une dernière fois son manche de guitare contre les amplis pour faire vibrer la salle, qui semble désormais bien remplie et réserve au trio de chaleureux applaudissements.

Nvage - 20h05 (Club)

Au lendemain d’une release party à Paris avec Conan et Maudits, le duo originaire du 77 vient présenter son premier EP autoproduit, Nvage, à Savigny, et inaugure la petite salle du Club, bordée de grandes baies vitrées et d’une terrasse en bord de lac. Le post metalgaze / sludge atmo du groupe aurait mérité un peu plus d’obscurité dans la salle, mais l’éclairage limité et l’ambiance brumeuse sur scène permettent tout de même une certaine immersion dans l’univers doom plein de saturation et de réverbération mis en place par Clément Decuypere (basse six cordes, chant) et Jérémy Hourdoir (batterie), positionnés côte à côte à l’avant de la petite scène.

Des moments de lourdeur ou d’explosivité, où les hurlements de Clément prennent aux tripes, tutoient des temps plus suspendus au chant clair. Quelques pauses et redémarrages bien sentis viennent poser du relief dans ce post metal dense et ultra saturé qui n’est pas sans rappeler des groupes comme Russian Circles ou My Diligence. C’est lourd mais texturé, mélodique et cathartique à la fois, et le Club semble séduit par ce set plus que prometteur du duo, qui termine avec des touches grunge et plus mélodiques du morceau "In Here".

Dirty Sound Magnet - 20h50 

La grande scène de l’Empreinte, plutôt teintée rock psyché en cette première soirée, accueille le combo suisse Dirty Sound Magnet. À la guitare, le charismatique Stavros Dzodzos se lance sans traîner dans une démonstration de virtuosité pour une montée en puissance irrésistible, sans aucun chant pour le premier morceau, "The Sophisticated Dark Ages". Ses deux compères à la section rythmique ne ménagent pas leur peine. Très élégant, le batteur Maxime Cosandey se lance par la suite dans des chœurs inspirés, tout comme le bassiste Marco Mottolini sur plusieurs morceaux.

Le groupe, soucieux de montrer toute les facettes de sa musique en une cinquantaine de minutes, balaie sa discographie et signe une prestation énergique et maîtrisée, sans aucun temps mort, orchestrée par l’inarrêtable Stavros. Bottleneck au doigt pour le bluesy "Heavy Hours", au chant lead, il use de la pédale wah wah, signe des soli d’école comme sur l’entraînant "Social Media Boy", et cherche des sonorités space rock sur "Insomnia", issue de Dreaming in Dystopia, le dernier album du groupe sorti en 2023. En mode crooner sur l’excellente "Mr Robert", soutenu par les deux autres musiciens au chant pour le meilleur des effets, il arpente la scène, grimace et s’agite, comme habité.

Le set, puissant et groovy, fait danser de nombreuses personnes dans le public, lequel applaudit bruyamment à la fin de chaque morceau et réclame un rappel dès la fin du set. Impossible, le planning du soir étant très serré ... en guise de consolation, précisons que les détenteurs d’un précieux pass pour Clisson pourront retrouver Dirty Sound Magnet au Hellfest le 20 juin prochain.

Subterraen - 21h40 (Club)

Retour au club pour une nouvelle découverte made in France, du côté du post sludge / doom. Le jeune combo nantais Subterraen lance sans préambule une déferlante de riffs massifs qui plonge sans mal la petite salle dans son univers sombre et pesant. Les compositions du quatuor, un peu à l’étroit sur la micro-scène, reposent sur l’association des accords lourds de guitares et de basse, et des cris surpuissants du guitariste HLVT, soutenu sur certains titres par le bassiste WLCM.

Quelques passages plus atmo ou sur piste font leur apparition pour ajouter du relief et un peu de variété au set, mais l’ensemble est lent, bien doom, menaçant et hypnotique, et semble convaincre le public compact du Club, où les têtes hochent bien fort et bien bas. On vous recommande le dernier album du groupe, In the Aftermath of Blight, sorti l’an dernier.

Arthur Brown - 22h30

Groupes émergents ou découvertes ont ponctué cette belle première journée, certes, mais il est 22h30 et, disons-le, du haut de ses quatre-vingt-deux printemps, le flamboyant Arthur Brown va plier le game et véritablement ensorceler le Grand Paris Sludge. C’est LE grand moment du weekend, qui restera gravé dans les mémoires, et le public présent à l’avance dans la grande salle est bien conscient de cette chance, tellement l'artiste anglais s'est fait très rare à Paris en six décennies. Dans un décor délicieusement kitsch fait de mannequins aux couronnes lumineuses, trois musiciens font leur entrée, masqués, vêtus de capes à paillettes et autres chapeaux. Le ton est donné : place à un show aussi visuel que musical, entre shock rock, envolées psychédéliques, rhythm and blues et représentation théâtrale / bal masqué, spécialités de l’artiste britannique, véritable légende du rock psyché depuis les années 1960 et l’album The Crazy World of Arthur Brown.

La star du soir arrive en costume scintillant, grimé de son traditionnel maquillage flashy multicolore et coiffé d’un panache impressionnant, le premier d’une longue série ce soir. Mais l’apparence fantasque de l’artiste cache surtout une prestation musicale impressionnante : la voix d’Arthur Brown fait des merveilles, dans les graves comme dans les aigus, dotée d’une puissance et de nuances à faire pâlir nombre de vocalistes bien plus jeunes.

Le groupe se distingue également, avec des arrangements rock, bluesy, jazzy, parfaitement exécutés, avec une mention spéciale pour l’énergique Dan Smith qui manie aussi bien la six-cordes pour ses soli d’école que l’orgue hammond et le clavier tout en assurant les chœurs, et en participant aux frasques fantaisistes d’Arthur, pleinement dans son personnage. Les deux autres musiciens sont également multi instrumentistes et choristes, le percussionniste Sam Walker réussissant à jouer de la guitare tout en marquant le rythme avec les pieds sur "Sunrise", et l’impassible bassiste Jim Mortimore assurant également aux claviers ("Voice of Love", aux sonorités très années 60). Sur l’écran en backdrop, des animations aussi colorées et psychédéliques que l’artiste défilent, et le spectacle se déroule sans que l’on sache vraiment où donner de la tête.

Sur le très énergique et psyché "Nature", Arthur Brown danse avec ses musiciens, coiffé de cornes, tout en tenant parfaitement des notes aiguës malgré quelques larsens. Tout en chantant (fort bien), l’énergique maître de cérémonie agite une marionnette, fait du mime en arpentant la scène ("Prelude – Nightmare"), et n’hésite pas à danser en sautant partout ("Time Captives"). Tradition oblige, il interprète son tube de 1968 "Fire" coiffé d’un casque enflammé, tandis que le public de l’Empreinte reprend les paroles en chœur.

Le défilé vestimentaire se poursuit, puisqu’à chaque morceau correspond un costume encore plus pailleté ou coloré que le précédent. Ce goût pour le grand spectacle a d’ailleurs inspiré les jeux de scène et performance de nombreux artistes comme Alice Cooper, et on comprend pourquoi ce soir. Vêtu et coiffé d’or sur "Sunrise", Arthur Brown signe une prestation vocale impeccable, avec son timbre de crooner, avant de revenir tout de noir vêtu pour le doux et très classe "Voice of Love", qu’il termine a cappella. En masque de dragon et ailes de papillon pour "Touched by All", en full tenue argentée sur "Time Captives", où les quatre artistes signent de belles harmonies, Arthur montre son plaisir d’être là, et évoque d’ailleurs avec émotion son affection toute particulière pour Paris, la ville où il a signé son premier contrat professionnel, en 1965…

Un salut en sautillant sous les acclamations du public, et voici le rappel, l’occasion pour le groupe de jouer démasqué et pour le flamboyant Arthur Brown de montrer ses talents sur des reprises de standards rhythm and blues des années 1950 : l’excellent "Eyesight to the Blind" de Sonny Boy Williamson, et l’incontournable – et mémorable – "I Put a Spell on You" de Screamin’ Jay Hawkins, derniers moments de communion de l’artiste emblématique avec son public, conquis, qui lui réserve une véritable ovation. Un set chamarré, fantasque et euphorisant, qui clôt de la meilleure des manières cette première journée de festival. Quel coup de maître de la part de Garmonbozia !

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Photo : Lil'Goth Live Picture. Toute reproduction interdite.

Photos : Lil'Goth Live Picture. Toute reproduction interdite sans l'autorisation de la photographe. 



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