Fort de son succès en 2024, le Heavy Week-End a remis le couvert en 2025 pour une édition peut-être un peu moins prestigieuse sur le papier mais avec des améliorations et un plaisir toujours partagé.
Après une édition ambitieuse réunissant des grands noms du rock et du metal comme Scorpions, Deep Purple, Megadeth ou Alice Cooper, le festival avait pris le parti de proposer un line up de qualité mais peut-être moins attractif pour ce samedi 7 juin. Certes, tout le monde connait "The Final Countdown" de Europe mais pour le reste de l'affiche on était plus sur des groupes qui attirent quelques milliers de fans et non 20 000, la capacité de l'amphithéâtre. Au niveau de la jauge des spectateurs on est bien loin d'être complet malheureusement. Pourtant, le festival a vraiment appris de ses erreurs de l'an passé : des tarifs très abordables et un billet fosse/gradins très appréciable pour se reposer les jambes avant ou après le passage de son groupe préféré. L'accès aux toilettes a également été mieux géré même s'il reste encore quelques files d'attentes. Le site est toujours aussi exceptionnel, entouré par la forêt, un peu en hauteur ce qui permet de profiter d'un petit vent frais lorsqu'on est dans la fosse. Cette dernière est d'ailleurs vraiment agréable puisque peu profonde et en pente, elle permet d'admirer la scène où que l'on soit, même proche de la console de mixage. Seul bémol pour ce samedi, une petite pluie intermittente mais qui n'a fait que légèrement mouiller sans pour autant traumatiser les festivaliers comme l'année dernière lors du passage de Metallica au Hellfest.
Wings of Steel - 17h30
Comme en 2024, le timing est parfaitement respecté (et le sera pour toute la durée de la soirée) pour l'entrée en scène de Wings of Steel. Dans une programmation résolument prog, le groupe fait un peu figure d'ovni avec son style années 80 très assumé. Mais après tout, nous assistons au "heavy" week-end donc cheveux longs peroxydés, pantalons moulants et bandanas ont plus que leur place ici. C'est le groupe le plus jeune de la soirée et pourtant ils se fondent dans le décor notamment grâce à leur style old school qui rappelle Iron Maiden, TNT ou Queensrÿche. Point de chant hurlé ici, on est dans la pure tradition du "aaaaaaah" aïgu balancé après chaque refrain sur fond de basse rappelant une cavalcade. La formation s'articule autour de son chanteur Leo Unnermark qui assure vraiment le show. Très généreux avec le public certes encore peu présent, il ne se laisse pas démonter et parcourt la scène qui ne semble pas trop grande pour la formation dès le premier morceau "Fall in Line". Les gradins sont encore un peu amorphes mais la fosse répond bien en tapant dans les mains sur "Liar in Love" et même en chantant le refrain sur "Cry of the Damned".
Il faut dire que Wings of Steel s'appuie sur des compositions assez imparables avec des refrains solides et des harmonies plaisantes. Mais les fans de prog qui attendent Vanden Plas ou Dream Theater ne sont pas en reste puisque des lignes plus complexes ponctuent les morceaux. Impossible de ne pas penser au regretté Charlie Dominici en écoutant les mélodies très hautes de "She Cries", une ballade très 80s qui évoque justement les débuts de Dream Theater. La pluie se met un peu à tomber mais le groupe utilise depuis le début la pyrotechnique ce qui réchauffe les spectateurs.
Le groupe américain peut compter également sur Mathieu Trobec, le bassiste belge qui a rejoint le combo. Tel Steve Harris il délivre une rythmique imparable tantôt sexy sur "Rhythm of Desire" tantôt galopante à la Maiden sur "Wings of Time", le nouveau single paru le 13 juin. Parker Halub à la guitare assure le show également avec moultes soli très techniques et parfois un peu long dans la structure des morceaux plus taillés pour l'efficacité que pour la démonstration technique. A la longue, même si le groupe déploie une énergie folle, il y a parfois une redondance dans les lignes de chant assez démonstratives mais qui est vite effacée par la cohésion du groupe et cette envie de partager de la musique.
Les petits nouveaux terminent leur set en ayant largement convaincu les spectateurs alors que ce n'était pas gagné. Malgré une fosse et des gradins très clairsemés, malgré leur statut d'inconnus et de groupe d'ouverture, Wings of Steel fait partie de ces bonnes surprises du week-end et nous rappelle à quel point ce genre de manifestation est importante pour découvrir les nouvelles générations.
Setlist Wings of Steel :
Fall in Line
Liar in Love
Cry of the Damned
She Cries
Winds of Time
Rhythm of Desire
Wings of Steel
Vanden Plas - 18h30
C'est avec quelques petites minutes d'avance que Vanden Plas arrive sur scène. La fosse se remplit petit à petit mais on sent que l'amphithéâtre ne fera pas le plein. Un peu à contre pied de Wings of Steel, le groupe verse plus dans le metal prog des années 90 et peut plaire aux spectateurs qui sont venus pour Dream Theater mais qui n'ont pas fait le deuil du changement de style opéré dans les années 2000. C'est certes moins démonstratif que le premier groupe mais le chanteur Andy Kuntz embarque assez facilement la fosse. Dans le prog, on vient souvent pour le guitariste et il est toujours aussi déconcertant de voir Stephan Lill enchaîner les soli avec une facilité déconcertante sur "Push" le morceau d'ouverture. Vanden Plas a quand même cette facilité à enchaîner morceaux plus directs et plus techniques, ce qui fait que l'ennui n'est jamais au rendez-vous malgré une direction artistique assez légère.
Mention spéciale pour le son qui est et restera globalement très bon en fosse et en gradins et qui permet d'admirer le gros travail d'harmonies vocales partagées entre Stephan Lill et Alessandro, le claviériste fraîchement arrivé dans la formation. Ce dernier fait un travail très intéressant et apporte une vraie personnalité, loin d'être kitsch, comme sur "Vision 13teen - Stone Roses Edge". Andy demandera même une ovation lors du morceau final "Postcard to God". Il faut dire que le chanteur mène son public de main de maître et fait même l'effort de parler un peu français. Tel un chef d'orchestre, il dirige les spectateurs qui répondent très favorablement même lorsqu'il s'agit de taper dans les mains sur "Sanctimonarium". Alors que le groupe entame "Cold December Night", on sent que la météo décide de se mettre à la page et ce sont quelques gouttes de pluie qui tombent du ciel pour rafraîchir un peu l'atmosphère.
Encore une fois le pari n'était pas forcément gagné : une formation de prog assez complexe parfois devant un public clairsemé, mais l'expertise du groupe et le côté catchy des refrains ont emporté le public. Sorte de pont entre le prog de Dream Theater et le côté 80s/90s de Europe, Vanden Plas avait toute sa place (oui oui il fallait la faire) dans la programmation du samedi.
Setlist Vanden Plas :
Push
Holes in the Sky
Sanctimonarium
Far Off Grace
Cold December Night
My Icarian Flight
Vision 13teen - Stone Roses Edge
Postcard to God
Europe - 20h00
Un peu plus de monde se presse lorsque Europe arrive à 20h pile. Même s'ils ne sont pas la tête d'affiche finale puisque c'est Dream Theater qui avait été annoncé aux côtés de Powerwolf et Slipknot, on sent que beaucoup de spectateurs sont venus pour le groupe suédois. Il faut dire que de tous les groupes présents, seul Europe a eu une grosse carrière avec certes un seul hit. C'est dommage car ils font partie de ces formations qui méritent clairement qu'on se penche sur leur discographie complète. Le groupe a quand même bien compris qu'il fallait capitaliser sur les classiques et décide de consacrer une grande partie de son set aux titres composés dans les années 80.
Le groupe prend même le pari de commencer par une b-side très peu jouée : "On Broken Wings" qui, pour la petite histoire figurait sur la face B du single de "The Final Countdown". Et même si ce n'est pas un des classiques du groupe, l'alchimie prend instantanément. Comme Vanden Plas, Europe est une formation solide, au niveau du line up, du professionnalisme et de l'expérience. Joey Tempest est un frontman plein de charisme, n'hésitant pas à jouer avec son micro et à parcourir la foule. Le chanteur de 61 ans, au physique de Tom Cruise, a une forme olympique et un côté très insolent, surtout lorsqu'il s'amuse à répéter des gros mots en français. On se croirait dans "Monty Python Sacré Graal". Si on devait décerner la palme de la communication avec le public, il gagnerait largement pour la journée du samedi.
Histoire de ne pas faire retomber l'énergie, le groupe enchaîne avec son deuxième tube "Rock the Night". Là encore on sent que quelque chose se passe. Certes les gradins ne sont pas aussi remplis que pour Slipknot le dimanche, mais dans la fosse ça bouge toujours grâce à un dialogue constant entre Joey et le public. On espère vraiment que les spectateurs qui étaient venus un peu par curiosité et qui ne connaissaient qu'un ou deux morceaux du groupe ont pu admirer la diversité des compos. Entre "Walk the Earth" et "Last Look at Eden" et leur groove qui rappelle "Kashmir" de Led Zeppelin, la ballade "Carrie" ou les riffs plus lourds du plus récent "War of Kings" et "Ready or Not" avec son hard rock à la Deep Purple, Europe traverse le rock avec une facilité déconcertante. Et le groupe se permet même d'intégrer une reprise de "No Woman No Cry" sur "Superstitious".
Mention spéciale pour Ian Haugland à la batterie, avec ses lunettes un peu steampunk. Avec John Levén à la basse, il emmène les morceaux là où il veut et fait preuve d'une polyvalence impressionnante et d'une frappe assez puissante. On regrette par contre que Mic Michaeli soit souvent relégué au rôle d'introducteur de morceau avec ses claviers, sauf pour l'intro iconique de "The Final Countdown" qui est joué sur bande. Bien sûr dès que cette mélodie est diffusée, le public est en délire et chante du début jusqu'à la fin. Le groupe termine donc son set avec ce tube intemporel et on se dit qu'on aurait bien repris quelques minutes supplémentaires. Voilà encore une formation qui mérite clairement qu'on s'attarde sur elle et qu'il faut absolument aller voir en live.
Setlist Europe :
On Broken Wings
Rock the Night
Walk the Earth
Scream of Anger
Sign of the Times
Hold Your Head Up
Carrie
War of Kings
Open Your Heart
Last Look at Eden
Ready or Not
Superstitious
Cherokee
The Final Countdown
Dream Theater - 22h00
Même remarque que pour les autres groupes : il est 22h lorsque Dream Theater diffuse le "Prélude" de Bernard Herrmann (la musique du film Psychose). On sent que beaucoup de festivaliers étaient venus pour Europe car tout au long du concert, l'amphithéâtre va se vider peu à peu. Il faut dire que le choix de Dream Theater en tête d'affiche pour le samedi soir était très curieux. En 2024, il y avait eu le combo Megadeth et Deep Purple qui avait le mérite de brasser un public très large. Alors certes, le groupe a gagné un grammy, Mike Portnoy, le membre fondateur et chouchou des fans, est revenu, et leur tournée de 2024 a été un succès. Mais programmer une formation qui peine à remplir un zénith était un peu osé pour une deuxième édition.
Pourtant Dream Theater a mis les moyens. Comme lors de la tournée du 40ème anniversaire, la production est assez soignée avec une vidéo d'intro constituée d'un medley orchestral de leur discographie, un lightshow assez élaboré et des lasers. A noter que c'est le seul groupe à ne pas utiliser la pyrotechnique proposée par le Heavy Week-End. Festival oblige, la setlist est très orientée metal et démarre avec "Night Terror", le premier single du nouvel album Parasomnia. Les têtes se tournent directement vers John Petrucci le guitariste élevé au rang de dieu par les fans. Ce dernier n'est pas avare en sourire et on sent que la fosse réagit bien à ses soli. C'est toujours assez particulier de voir le public mimer les parties de John Petrucci et on sent que certains ne se contentent pas de faire du air guitar mais reproduisent à la note près les soli. Mike Portnoy est toujours aussi généreux, tant sur ses parties techniques qu'en sourires.
Pour son 40ème anniversaire, le groupe ne pouvait pas se permettre de zapper ses deux albums iconiques Scenes from a Memory et Images and Words avec notamment "Strange Déjà Vu" et "Fatal Tragedy" qui emmène le public même si le claviériste Jordan Rudess commet une erreur et préfère arrêter de jouer pour mieux reprendre à la mesure suivante. Il faut dire que les compositions du groupe sont excessivement complexes et demandent une concentration extrême, à l'image du bassiste John Myung qui reste dans son monde et délivre des lignes de basse stratosphériques. Il est toujours amusant de voir les spectateurs néophytes découvrir le niveau technique de chaque musicien. Il y a d'ailleurs un vrai travail fait par le groupe pour montrer à tous cette technicité, notamment par Jordan Rudess et son clavier qui se penche à 45 degrés et son écran qui montre les touches jouées en temps réelles. Ce dernier s'approchera même du public avec son clavier portable customisé.
Mais Dream Theater, quoiqu'en disent certains détracteurs, ce n'est pas que de la musique. Le groupe s'attaque aussi à des sujets très profonds comme le stress post traumatique sur "The Enemy Inside", la santé mentale sur "Panic Attack" ou le viol dans "Peruvian Skies". Ce dernier titre est bien accueilli grâce notamment à l'inclusion d'extraits de "Wish You Were Here" de Pink Floyd et de "Wherever I May Roam" de Metallica. Il faut dire que le groupe n'a jamais renié ces deux influences et cela se sent notamment sur "Midnight Messiah", tiré du dernier album, avec ce riff très thrash metal.
Le seul bémol de la soirée reste la prestation un peu en dessous de James Labrie comparée à la tournée précédente. On connait le style du chanteur et les difficultés qu'il a toujours eu depuis son intoxication alimentaire, sachant que les lignes de chant ne lui ont jamais facilité la tâche. Alors même si sur cette tournée, les mélodies ont largement été modifiées, on sent quand même que c'est difficile. Et le capital sympathie en prend également un coup lorsque, comme à son habitude, le chanteur part en coulisses lors des passages instrumentaux, sûrement pour reposer sa voix et boire une décoction. Il incarne à lui seul les contrastes du groupe qui est toujours soit "trop", soit "pas assez". Trop technique, pas assez metal pour certains, trop metal pour d'autres et cela se ressent même dans le public. Certains ont découvert le groupe et ont adoré, d'autres se sont lassés des parties instrumentales à rallonge et sont partis.
Néanmoins, en terminant par deux classiques "As I Am" et surtout "Pull Me Under", leur seul gros tube, on sent que le groupe a quand même fait le job et ont réussi à conquérir de nouveaux fans. Par ailleurs vous pouvez les retrouver au Hellfest, au festival Guitare en Scène et au Positiv Festival d'Orange.
Setlist Dream Theater :
Night Terror
Act I: Scene Two: II. Strange Déjà Vu
Act I: Scene Three: II. Fatal Tragedy (avec petite intro de “Through My Words”)
Under a Glass Moon
Panic Attack
The Enemy Inside
Midnight Messiah
A Rite of Passage
Peruvian Skies (avec des extraits de Wish you Were Here et Wherever I May Roam)
As I Am
Pull Me Under
Une soirée donc bien agréable sans prestation vraiment mémorable mais dans des conditions plaisantes dues aux efforts du festival mais aussi, malheureusement, au public peu présent. Le lendemain se produisait notamment Slipknot et Mass Hysteria et à juger sur les photos, les fans étaient au rendez-vous pour une ambiance exceptionnelle.
Rendez-vous l'année prochaine, même endroit, les 5, 6 et 7 juin !
Crédit photos : Luca Liguori Photo. Toute reproduction interdite sans l'autorisation du photographe.