[Interview] Epica remonte sur scène : « l’énergie circule entre nous et le public, qui la ressent »

Vingt ans après ses débuts, le groupe néerlandais a sorti un nouvel album en avril dernier qu’il défendra demain sur la Main Stage 2 au Hellfest et en janvier 2026 lors d’une tournée européenne. Entre une interview avec le guitariste – growleur Mark Jansen et une session de questions – réponses avec les fans, le sextette confirme qu’une passion sincère pour la scène l’anime toujours.

Le premier album d’Epica a beau remonter à 2003, le sextette battave semble toujours aussi soudé qu’au premier jour. Cela s’est d’ailleurs vu par une pluvieuse soirée d’avril, où le groupe organisait une session de questions – réponses avec ses fans. Les blagues pleuvaient, et les musiciens semblaient sincèrement heureux d’être ensemble.

Quand nous l’avons interrogé, l’après-midi de l’événement, sur ces liens qui perdurent, le guitariste rythmique et growleur Mark Jansen nous expliquait que si le groupe est toujours aussi heureux sur scène, c’est simplement « parce qu’on fait la musique qu’on aime. Et on s’entend bien entre nous. Le public le ressent. Cette énergie, elle circule entre nous et lui ».

La preuve sur scène alors que le groupe est en tournée tout l’été dans des festivals européens, à l’automne en Amérique du Sud, avant de revenir en Europe début 2026 – avec notamment trois dates françaises. Il se produit d’ailleurs demain au Hellfest. Le guitariste assure avoir beaucoup aimé son dernier passage là-bas, de même qu’au Motocultor. Mais il apprécie autant « voir une mer humaine » que les « atmosphères plus intimes », car « si on ne faisait qu’un seul type de concert, je finirais par m’ennuyer ».

Ce qui manifestement ne lui arrive pas en France. Car selon le frontman, Epica a une histoire particulière avec l’Hexagone, ce qui explique que ce soit le seul pays en dehors de la patrie du sextette à avoir eu droit à une « release experience » pour fêter la sortie d’Aspiral. « On a choisi Paris parce que c’est souvent notre plus gros concert lors d’une tournée. Paris nous toujours réussi. Depuis le début, le public français nous a toujours apprécié. Par exemple, on a mis longtemps à avoir du succès en Allemagne, mais la France a été présente dès le départ. L’un de nos tout premiers concerts hors des Pays-Bas et de la Belgique était en France ».

Des débuts sur scène parfois plein de surprises. Il se souvient ainsi des débuts du groupe de petits festivals inexpérimentés, qui « ne pensaient carrément pas à la nourriture, ou alors la nourriture était très mauvaise, ou alors il y avait seulement du riz avec du poulet… mais cela ne nous arrive plus ! ». Heureusement, car la nourriture a pris pour lui une importance croissante en vivant dans le pays hautement gastronomique qu’est l’Italie. Il avoue d’ailleurs en riant que là-bas, le repas de midi est sacré, et qu’il s’est plié à la coutume – même si en ce début d’après-midi, il n’a pas encore eu le temps de manger, et fait donc l’interview quasiment à jeun, puisqu’il explique pratiquer le jeûne intermittent.

Côté nourriture, on apprendra aussi durant la session de questions – réponses avec les fans que le bassiste Rob Van Der Loo a une passion pour la cuisine indienne et encore plus indonésienne : « Tu peux me réveiller au milieu de la nuit pour ça, je dirai oui sans hésiter », assure-t-il. A tel point que « C’est Rob qui cuisine le plus souvent pour nous, révèle la chanteuse Simone Simmons. Pendant les camps d’écriture, quand il n’écrit pas de musique, il est en cuisine. Il s’occupe super bien de nous. Il a même sa propre marque de sauces épicées [Hot Rock Chili, ndlr]. Donc c’est lui le “mec épicé” du groupe », plaisante-t-elle.

Une setlist en adaptation constante

Concernant les chansons du dernier album jouées, le groupe se contente pour l’instant des singles et parfois d’"Aspiral". Même si Mark Jansen assure que le groupe écoute les requêtes des fans sur les chansons à jouer. Et il se trouve qu’un certain nombre demandent l’introduction de l’excellent "The Grand Saga of Existence (A New Age Dawns, Part IX)". « Elle va probablement finir dans la setlist. Certains suggèrent même de la jouer à la place de "Consign to Oblivion" pour conclure. On verra ce qui fonctionne le mieux ».

Selon lui, ce qui fonctionne le mieux n’est d’ailleurs pas la même chose selon les pays. « Par exemple, au Mexique, les gens aiment les anciens morceaux, donc on en inclura plus des trois premiers albums là-bas. En Europe, les nouveaux morceaux sont plus populaires ». Même si certains morceaux ne sont parfois pas joués alors qu’il adorerait. Comme « Divide and Conquer » : le groupe a tenté, « Je pensais que ça marcherait super bien, mais le public était plutôt calme. Ça ne rendait pas comme je l’imaginais ».

Au-delà des chansons qui ne fonctionnent pas, il faut aussi savoir gérer les problèmes techniques. « Je me souviens d’un concert au Brésil. Le courant a sauté. Alors on a improvisé une version acoustique de "Solitary Ground", se rappelle le claviériste Coen Janssen durant la release experience. On ne l’avait pas jouée depuis douze ans, donc je ne savais plus vraiment comment faire mais c’était un super moment, très intime. Ce genre d’imprévus crée des souvenirs uniques ». Le groupe évoque aussi trois ou quatre coupures de courant sur le même concert en Finlande, un autre à Amsterdam avec un retard du système son d’une demi-seconde par rapport à ce qui s’entendait sur scène… « Mais le spectacle doit continuer. Tu gardes ta poker face, tu te concentres et tu balances le son à fond pour ne plus entendre l’écho », explique Rob Van Der Loo.

En tous cas, le sextette fait l’effort sur ses tournées d’avoir des éléments de décor pour aider le public à plonger dans l’ambiance particulière de ses chansons… Même s’il ne peut malheureusement pas aller aussi loin qu’il le veut. « On doit beaucoup batailler avec le management pour obtenir le budget. On a un million d’idées, et on ne peut en réaliser que trois. Sinon, on ferait faillite », philosophe ainsi Coen Janssen durant les questions – réponses. La release experience est d’ailleurs l’occasion de présenter un impressionnant cobra géant présent sur la tournée anniversaire des vingt ans de Design Your Universe. « On lui a donné à manger plus tôt, donc ça devrait aller », rassure la chanteuse Simone Simmons.

Nouvelles méthodes pour nouveau son

Même sans serpent venimeux, le groupe assuma avoir voulu « prendre des risques » avec Aspiral. Mark Jansen parle même « d’éléments expérimentaux » - même si cela reste expérimental à l’échelle d’Epica, dans le sens où le groupe sort effectivement de ses habitudes.

Il explique d’ailleurs que c’est durant l’enregistrement de The Alchemy Project, EP de duos avec d’autres artistes metal sorti en 2022, que le groupe a ouvert ses chakras. « On avait travaillé avec d’autres musiciens, ce qui était vraiment inspirant. On a réutilisé beaucoup de ce qu’on a appris pendant ce projet pour l’album actuel. Par exemple, on n’aurai jamais mis « The Final Lullaby » [duo avec Shining sorti sur l’EP, nldr], sur un album auparavant. Et cette fois, on s’est dit : Pourquoi pas ? »

C’est notamment l’autre guitariste, Isaac Delahaye, qui « voulait faire quelque chose de très expérimental. Moi, je voulais garder une touche classique, le bon vieux son Epica, avec du punch. On a trouvé un bon équilibre ». Ce qui ne semble a priori pas évident puisque « chacun de nous a ses propres inspirations. On écrit tous nos chansons avec nos propres influences, et c’est une bonne chose. On est six compositeurs dans le groupe. Donc on a une quantité illimitée d’idées. Il faut juste choisir les meilleures ». Parmi les chansons les plus différentes selon lui, « "Cross the Divide", probablement. Et aussi "The Eye of the Storm". Si tout l’album était comme ça, certains fans auraient trouvé ça trop ».

Un des éléments qui a permis au groupe de trouver un nouveau souffle, c’est le changement dans sa façon d’enregistrer : alors qu’il avait pris l’habitude d’enregistrer chaque instrument séparément, comme cela se fait souvent, cette fois, il a voulu quelque chose de plus « organique », avec tous les instruments enregistrés en live en même temps. « On a fait trois sessions de cinq jours en groupe, contre une seule par le passé. En studio, on a enregistré guitare, basse et batterie en live pour un son plus organique. Ça donne de meilleures performances live aussi », estime Mark Jansen.

Rob Van Der Loo explique que cela a été à la fois « un défi et une opportunité ». Car pour lui l’ancienne méthode devenait « très clinique, presque comme du travail de laboratoire. Et franchement, j’en avais marre. Ce que j’aime vraiment, c’est être dans l’énergie du moment, ensemble. Cette fois, on s’est retrouvés à deux, trois, avec un ou deux bons vins français… On écoutait des vieux albums des années 80 et 90, en se demandant pourquoi ils sonnaient aussi bien. Parce qu’ils enregistraient en groupe, en une seule prise. Et même s’il y avait parfois des erreurs, ça ne nous dérangeait pas du tout, car l’essentiel était là : l’émotion. On a voulu recréer ça. Cela nous a rappelé pourquoi on fait de la musique : c’était fun. Ça ne ressemblait pas à une autopsie technique en studio ».

Le batteur Ariën van Weesenbeek explique qu’il a été pour lui difficile « d’arrêter de trop réfléchir à ce que j’allais jouer à la batterie — genre les roulements ou les pédales doubles. J’ai essayé de laisser les chansons me guider. Et je suis très content du résultat ». Quelques nuits blanches ont retardé les prises de voix de Simone Simmons, et Mark Jansen reconnait de son côté cela a été un défi de « lâcher prise » et de travailler avec un nouveau producteur, Joost van den Broek, même s’il s’est révélé sur la même longueur d’ondes. Les deux chanteurs ont d’ailleurs pu plus travailler leurs lignes vocales ensemble en amont, ce qui leur arrive rarement. Simone Simmons explique d’ailleurs que contrairement à ce qu’on croit, « Les chansons les plus simples à chanter pour moi sont celles en voix classique. C’est moins fatigant, surtout quand on est un peu fatigué. En revanche, le “belting” — c’est-à-dire chanter fort en voix de poitrine dans les aigus — c’est plus difficile. Par exemple, "Obsidian Heart", avec ses passages très hauts, va me demander une bonne nuit de sommeil… Ce qui n’arrive jamais en tournée ! »

Si le groupe aborde généralement des sujets très sérieux dans sa musique, qu’ils soient philosophiques, ésotériques, spirituels, Mark Jansen explique de moins en moins s’inspirer de l’actualité. « Trop de négativité me pèse. L’humanité traverse des cycles sombres, mais aussi de lumière. Je pense qu’on doit remettre l’ego à sa place pour avancer. Même si c’est un long processus, qui demande une prise de conscience collective. Parfois il faut toucher le fond pour remonter. J’espère qu’on est au creux de la vague ».

Parmi les sources d’inspiration du groupe, des films, comme souvent (« Accross the Divide » est par exemple inspiré d’Interstellar), le château de la ville natale de Simone Simmons, le sculpteur polonais Stanisław Szukalski, dont une œuvre donne son nom à l’album… et aussi une vibe disco et synthwave. « Nous sommes nés dans les années 80, après tout ».

Dans cet échange avec le public, il a aussi été question des futures générations. Si Simone Simmons explique que son fils est « plus fan d’Amaranthe que d’Epica » (bonne nouvelle pour lui, les deux groupes tournent ensemble en 2026) – mais il veut dans tous les cas devenir musicien, Mark Jansen révèle que "Darkness Dies in Light (A New Age Dawns, Part VII)" le touche spécifiquement car « car elle est en partie inspirée par la naissance de ma fille. Donc elle a une signification particulière pour moi ». Surtout, la fille de Rob Van Der Loo, encore bébé, apparait dans l’album. La relève est assurée, même si le groupe n'en a absolument pas besoin à l'heure actuelle.

Photos : Lil'Goth Live Picture. Reproduction interdite sans autorisation de la photographe.



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