Entretien avec Tuomas Holopainen, Troy Donockely et Johanna Kurkela de Auri

Jamais deux sans trois pour Auri, le groupe parallèle de Tuomas Holopainen et Troy Donockley de Nightwish accompagné de Johanna Kurkela, la femme de Tuomas. Après deux albums aux univers très oniriques, le trio revient pour un troisième effort. La Grosse Radio a eu l'opportunité de s'entretenir avec l'intégralité du groupe. Trois membres et trois personnalités différentes entre l'humour très british de Troy, la douceur et la gentillesse de Johanna et l'introspection légendaire de Tuomas. 

La Grosse Radio : Nightwish a fait une pause au niveau des tournées. Avez-vous décidé à ce moment là de faire le nouvel album d’Auri ou est-ce que c’était déjà prévu bien avant ?

Tuomas Holopainen (claviers) : On s’est dit il y a plusieurs années qu’on devait faire une pause, donc bien avant de composer l’album d’Auri. Mais ce n’est pas vraiment lié.

Troy Donockley (multi-instrumentiste) : On n’a pas été embauchés pour le job. [rires]

Tuomas Holopainen  : Oui, il était vital pour Nightwish de faire une pause. Et comme on avait prévu ça assez en avance, on s’est dit que c’était le bon moment pour nous de nous remettre au travail et de sortir un troisième album.

 

Le deuxième album a été composé pendant la pandémie. Je me souviens avoir interviewé Troy à l'époque, disant qu'il avait dû aller en Finlande en montgolfière et lancer des bombes à eau aux douaniers, c'était assez surréaliste...

Troy Donockley : Bien sûr. Tout ce que j’ai dit à l’époque était vrai [rires].

 

Maintenant, les conditions sont moins drastiques pour voyager et se retrouver donc est-ce que la formule pour composer cet album est la même ou différente de la fois précédente ?

Johanna Kurkela (chant) : La formule est restée la même sur les trois albums que nous avons réalisés jusqu'à présent. Étonnamment, je pense que nous sommes arrivés naturellement à cette façon de travailler très confortable. Tous les trois, ça fonctionne si bien, chacun a son petit coin où l'on se réfugie pour assister à la naissance de nouvelles chansons, puis on se retrouve pour partager nos découvertes.

 

Avez-vous commencé avec de nouvelles idées ou vous êtes partis de démos ou de chansons non utilisées auparavant ?

Johanna Kurkela : Troy, raconte-lui l’anecdote à propos de ta chanson composée à 19 ans.

Troy Donockley  : Ah oui, bon déjà elles ont toutes été créées à partir d’idées nouvelles. Néanmoins pour certaines d’entre elles parfois, on doit un peu creuser. Après tout nous sommes un peu des archéologues. Pour le dernier titre "A Boy Travelling with His Mother", j’avais composé une séquence d'accords à l’âge de 19 ans dont j’étais vraiment fan…

Ah oui donc ça date d’hier [rires].

Troy Donockley  : [rires] Absolument. Absolument. Je suis parti de ça pour créer quelque chose de nouveau et a a donné une belle combinaison avec la musique de Thomas et Johanna. C'est ce qui rend cette expérience spéciale et très intéressante.

Tuomas Holopainen, Troy Donockley, AURI, Johanna Kurkela, Nightwish, Pete Voutilainen

Vos trois albums ont quelque chose très différent. Avez-vous donc tenté quelque chose de nouveau pour celui-ci ? Avez-vous exploré de nouveaux sons, de nouvelles idées, de nouvelles atmosphères ?

Tuomas Holopainen : Tout ça vient naturellement. On ne se force pas à faire les choses. On ne s’est jamais dit : on y va, on teste tel ou tel truc. Ça ne se passe jamais comme ça. C'est un processus très naturel. Je sais, ça paraît un peu naïf, mais c'est la vérité.

Johanna  Kurkela : Oui, exactement. C’est comme un grand bac à sable, et on va là où notre imagination et notre créativité nous portent. On ne planifie pas vraiment nos aventures à l'avance. On arrive juste aux plus belles chansons et aux nouvelles idées.

Troy Donockley  : D’ailleurs, c’est assez évident mais on n’a aucune influence musicale moderne. Rien d'actuel ou de soi-disant groovy et branché. On ne fait pas exprès de ne pas en écouter… Quoique, en fait si, on fait exprès [rires]. Mais nous avons développé ce moyen d'expression que nous partageons tous les trois et que nous utilisons pour exprimer l'inexprimable.

 

Troy, tu as essayé quelque chose de nouveau : j’ai vu une vidéo dans laquelle tu jouais une flûte synthétiseur, l’Aerophone de la marque Roland…

Troy Donockley : En fait, l'Aerophone fait désormais partie intégrante d'Auri. On l'utilise sur les trois albums. Et c'est un son très particulier. On l'adore tous les trois. J’en joue un peu partout dans les chansons. Et parfois on le mélange avec des sons naturels.

Tuomas Holopainen, Troy Donockley, AURI, Johanna Kurkela, Nightwish, Pete Voutilainen

J’aimerais revenir au morceau "A Boy Travelling With his Mother" car c’est un titre très particulier : il fait onze minutes ce qui est assez inhabituel pour le groupe. Pas pour Nightwish certes mais comment avez-vous assemblé toutes ces parties, ces progressions d’accords pour créer une chanson extrêmement complexe et intense ?

Troy Donockley : C'est bizarre, parce que je ne m'en souviens plus vraiment. On dit parfois que faire de la musique c’est comme accoucher : non pas que ce soit douleur [rires] mais les femmes qui accouchent souffrent énormément et disent "je ne veux plus jamais faire ça" et deux ans après, se disent "je veux refaire ça" et accouchent une nouvelle fois car elles ont oublié comment c’était. Sur le moment, on est là pour ne rien créer. Mais la composition de "A Boy Travelling With his Mother" a été assez spéciale car on voulait représenter différentes étapes du voyage du petit garçon et donc on s’inspirait de ces différentes parties et c’est venu naturellement.

 

Troy, tu as dû "supporter" deux Finlandais au quotidien lors de la création de l’album (rires). Est-ce que tu as remarqué des différences au niveau de la façon de voir les choses, des réactions etc…

Troy Donockley : Il faut le savoir déjà, il n’y a pas de barrière de la langue car les Finlandais en général parlent super bien anglais et d’ailleurs au niveau vocabulaire Tuomas et Johanna parlent mieux que certains Anglais [rires]. Et l’humour britannique marche bien avec celui des Finlandais donc on n’a aucun problème là-dessus.

 

Même question pour vous, Johanna et Troy.

Johanna Kurkela : Je ne sais pas. J'ai juste l'impression qu'on est une famille soudée, un même esprit dans trois corps différents. C'est très naturel d'être ensemble. Et oui, notre langage commun est l'amour, la musique et la liberté. Donc, il n'y en a pas vraiment. Ça ne change rien.

Tuomas Holopainen : Tout se passe bien sauf quand il s'agit de se faire un sauna [rires]. A part ça, on se connait tellement qu’il n’y a aucune frontière culturelle ou géographique.

 

Si je ne me trompe pas, à part pour Nightwish quelques rares fois, toutes vos chansons sont composées en anglais. Johanna et Tuomas, vous n’avez jamais eu envie de faire une chanson en finnois pour Auri ?

Tuomas Holopainen : On a plus ou moins expérimenté le finnois sur le premier album avec "Savant" mais c’était des mots récités.

Troy Donockley : Cela nous semblait pertinent car ça allait bien avec le rythme de la chanson et les paroles. Mais pour tous les autres titres, on trouve que l’anglais convient parfaitement. Il y a certaines particularités dans la langue anglais et ce n’est pas un hasard si c’est la lingua franca. C'est la langue universelle. Certains rythmes sont inhérents à son fonctionnement. La structure des mots anglais se prête parfaitement au rythme. C'est tout simplement une langue formidable. Le finnois peut être un peu bruyant.

Tuomas Holopainen : Oui c’est le mot qui convient "bruyant". Mais on ne ferme pas la porte au fait de composer un jour une chanson en finnois.

Johanna Kurkela : On ne sait jamais : pour "Savant", ce qui s'est passé, c'est qu’on avait besoin d’une fin particulière. Et si jamais un jour, un morceau nécessite un passage en finnois, on sera ravi de le faire.

Troy Donockley : On pourrait comparer avec mes interventions en gallois sur Nightwish pour "Hiraeth" et "My Walden". Il y a toujours une vraie raison d’utiliser le gallois.

 

Lorsque vous avez enregistré le troisième album, saviez-vous que vous alliez partir en tournée en 2025 et si oui, est-ce que ça a affecté la composition des chansons pour les rendre plus accessibles en live ?

Johanna Kurkela  : On savait qu’on ferait une tournée mais ça n’a pas impacté notre mode de fonctionnement. Cela nous a juste donné un coup de boost pour terminer l'album et nous a donné envie d’être sur scène, parce qu'on attendait avec impatience de partir en tournée. Cela nous a semblé interminable car c’est notre première tournée. Mais quand on écrit, on est présents dans l'écriture, et maintenant, on est complètement immergés dans les répétitions et dans la préparation de notre tournée. Nous ne sommes pas du genre à tout planifier à l’avance. Nous avons simplement abordé les choses une étape à la fois.

Troy : Oui le monde est rempli de gens qui planifient tout à l’avance, on n’a pas besoin de ça, nous [rires].

Tuomas Holopainen, Troy Donockley, AURI, Johanna Kurkela, Nightwish, Pete Voutilainen

Pour terminer, le groupe va passer par Paris et petite particularité, la première partie n’est autre que Eye of Melian, l’autre projet de Johanna. Cela ne va pas être trop compliqué de jouer deux sets de suite ?

Johanna Kurkela: On fait cette formule pour quatre dates. On va tester cette merveilleuse opportunité, ça va être tout nouveau pour moi. Surtout qu’avec Eye of Melian, on a fait notre premier concert en juin donc on n’a pas vraiment fait de vraie tournée. C'est aussi la prochaine étape pour nous en tant que groupe, et on travaille actuellement sur le deuxième album, qui sortira l'année prochaine, et on va faire plus de concerts, mais c'est encore un groupe qui nous ressemble. Ce sont tous des amis chers, donc c'est vraiment comme une grande réunion de famille autour de la musique, ces quatre soirs.

 

Et comment s'était passée cette première date ?

Johanna Kurkela : C'était incroyable. C'était encore quelque chose qu'on attendait avec impatience, et je trouve que la musique se prête parfaitement à l'exploration visuelle et musicale de ces merveilleux royaumes un peu fantastiques.

III Candles & Beginnings le troisième album d'Auri sort le 15 août sur le label Nuclear Blast. Il est disponible ici à la précommande. Vous pouvez retrouver le groupe sur scène à la Cigale de Paris. Billets disponibles ici.

Crédits photos : DR Pete Voutilainen



Partagez cet article sur vos réseaux sociaux :

Ces articles en relation peuvent aussi vous intéresser...

Ces artistes en relation peuvent aussi vous intéresser...