Hellfest 2025 - Bilan de la dix-huitième édition
Comme chaque année, La Grosse Radio vous a proposé une couverture aussi complète que possible du Hellfest. Quatre journées de live reports, des focus sur les plus gros concerts, et plus d'une quarantaine de groupes couverts en détail sur tout le festival. Cette année encore, le Hellfest a prouvé qu'il restait une référence absolue dans le paysage des festivals metal internationaux. Programmation exigeante, organisation millimétrée, nouveautés chaque année… rien ne semble pouvoir l’égaler. Et pourtant, l’édition 2025 a soulevé une autre question : celle de son identité. Derrière les décibels, le festival ne serait-il pas devenu, pour une partie de son public et des médias, un événement social où l’essentiel est de prouver qu’on y était, plutôt que de le vivre pleinement ? Un tournant où l’image prend parfois le pas sur le son, et où la passion doit encore défendre sa place. ll est grand temps de faire le bilan de cette édition.
Le Hellfest, désormais plus un événement social à la mode qu'un festival de metal ?
Depuis des années, La Grosse Radio prend à cœur de couvrir les festivals/concerts rock et metal en France, et parmi eux, le Hellfest reste toujours un incontournable . C’est l’opportunité de parler d’une musique qui rassemble, de ses genres multiples, des performances, mais surtout de transmettre les émotions brutes que seuls certains concerts procurent. Plus que tout, c’est parler de groupes qu’on aime et que vous pourriez aussi apprécier.
Et pourtant, cette année plus que jamais, ce n’est pas vraiment ce qui ressort quand on ouvre les réseaux sociaux après le Hellfest. Difficile de ne pas ressentir un certain malaise en tombant sur une pelletée de contenus vides : des influenceurs (et même certains gros médias généralistes) qui ne citent que deux ou trois groupes avec des réactions de quelques mots, qui balancent une story de 5 secondes sur un artiste archi-connu, ou qui prennent des selfies ou des plans de nourriture. Car la première description qu’on fait du festival en 2025 en lisant les médias, c’est qu’il semble être plus un événement culturel à la mode, qu’un vrai festival musical rock metal.
Cet avis, on l’a entendu de la bouche de nombreux confrères sur place. Et sur le terrain, ça se voyait : jamais on n’a croisé autant d’influenceurs accrédités (à l'espace presse, pas en concert) avec un smartphone prêt à se filmer en selfie.
Cette orientation médiatique met la musique en arrière-plan, alors même que le Hellfest vend ses places chaque année en quelques dizaines de minutes, sans besoin de tout ce cirque. Et la preuve en est : certaines scènes étaient parfois loin d’être remplies, malgré des affiches parfois très alléchantes avec des pointures musicales. On peut penser par exemple à des sets comme Sunn O))), The Hellacopters, Knocked Loose, ou encore Chat Pile.
Cela a d’ailleurs un impact concret : plusieurs exposants nous ont confié avoir constaté une baisse des ventes sur les produits de niche comme les vinyles, les CD ou les t-shirts de groupes. Une tendance qui reflète, là aussi, un glissement vers une fréquentation plus occasionnelle, moins centrée sur la musique elle-même. Il faut toutefois nuancer ce constat : la hausse générale des prix (certains t-shirt de gros groupes approchent les 40-50 euros) peut également expliquer ce recul.

Le parallèle avec Roland-Garros est évident : beaucoup y vont pour “y être”, et pas pour le sport en lui même. Dans ce contexte, mis à part une plus grande visibilité du festival auprès de la nouvelle génération sur les réseaux sociaux, le festival n’a peut-être pas tant que ça à y gagner, car cela fait certainement plus le jeu des influenceurs (qui font des milliers, voire des centaines de milliers de vues/likes), que le festival lui même. Bien sûr, les réseaux sociaux restent un levier formidable pour faire découvrir la scène metal, et certains créateurs y partagent de vrais coups de cœur musicaux.
Mais ils sont encore trop rares, noyés sous une masse de contenus qui relèvent plus de l'ego trip que de la passion musicale. Ce phénomène, s’il se généralise trop, contribuera inévitablement à renouveler les festivaliers au détriment des passionnés musicaux d’origine.
Cette année, on a senti qu’il y avait deux Hellfest : celui des curieux venus vivre une expérience, et celui des passionnés, préférant les scènes intermédiaires aux Mainstages, là où la magie opère encore. Sur les Mainstages, l’ambiance était bon enfant, parfois même un peu trop sage : certains festivaliers semblaient paniqués à l’idée de devoir porter un crowdsurfer ou médusés devant un pogo, comme s’ils n’avaient pas reçu le mode d’emploi du concert metal.
Certes la cohabitation n’est pas une mauvaise chose, et cela permet de faire découvrir de nouveaux genres musicaux à des festivaliers curieux ou non habitués. Mais d’un autre côté, le risque de délaisser les vrais passionnés et de perdre totalement l'ambiance d’un festival rock metal doit aussi faire réfléchir, on l’espère, l’organisation.
Cela dit, s’il nous arrive de pointer ces travers, c’est justement parce qu’on aime profondément ce festival et tous ces groupes, qu’on ne veut pas le voir se dénaturer. Pour le reste l'expérience Hellfest, cette année encore a été un moyen d'assister à des performances uniques, et marquantes, et dont on espère que vous apprécierez lire les reports. Dans ce contexte, il est plus que jamais essentiel de soutenir vos médias indépendants, qui parlent de musique, des groupes, de leurs histoires et de leurs concerts. Car c’est aussi votre festival, vos souvenirs et vos découvertes qui en dépendent.
Une programmation toujours de haute volée, mais qui évolue avec le renouvellement du public
La programmation de cette édition reste d’un niveau remarquable, difficile de ne pas y trouver son compte tant la diversité et l’exigence sont au rendez-vous. Pour preuve, et encore cette année, plus de 50% des groupes présents sur l'édition ne sont jamais passés sur le festival.
Sans surprise, la Mainstage 1 a tenu son rôle de vitrine grand public : rock, hard rock et heavy étaient à l’honneur avec des mastodontes comme Muse, Scorpions, Linkin Park ou Korn, mais aussi Airbourne, The Cult, Eagles of Death Metal ou The Hu. Une affiche taillée pour rassembler, efficace, même si ce ne sont pas toujours ces concerts qui ont le plus marqué les esprits.
Au-delà de ces têtes d’affiche, c’est surtout la dynamique générale de la programmation qui mérite d’être soulignée. La Mainstage 2, notamment, a clairement servi à faire des journées thématiques, illustrant une volonté assumée d’évolution et de renouvellement, avec une place croissante accordée aux courants modernes du metal :
Le vendredi, elle mettait à l’honneur les groupes portés par des chanteuses ou intégrant des musiciennes : Within Temptation, Epica, Spiritbox, Kittie, Charlotte Wessels (sans oublier The Warning sur la MS1) ont donné une belle visibilité à cette diversité montante.
Le samedi, place au heavy classique et au metal progressif, avec des légendes comme Judas Priest, les incontournables Dream Theater, le retour très attendu de Savatage, ainsi qu’une salve de power metal (Beyond The Black, Majestica). Le tout enrichi par une démonstration de virtuosité avec Joe Satriani & Steve Vai (programmés sur la Mainstage 1).
Le jeudi et le dimanche, cap sur le metalcore et les sonorités modernes : Electric Callboy, Imminence, Kim Dracula, Lorna Shore, Motionless in White, A Day to Remember ou encore les décriés Falling in Reverse ont enchaîné les breakdowns et les effets pyrotechniques. Une mise en scène millimétrée, qui dessine sans doute les contours des futures têtes d’affiche du genre.
Crédit photos : Sara Jisr / @GroovyMochi
Paradoxalement, les sets des grosses têtes d’affiche, bien qu'ils aient été plaisants, n’ont peut-être pas été les concerts qui nous ont le plus captivé sur cette édition. Le plus intéressant a en effet souvent été sur les scène secondaires.
La Warzone a continué d’honorer son ADN punk et hardcore : Turnstile, Knocked Loose, Terror, Stick to Your Guns, Sex Pistols (feat. Frank Carter) ont assuré entre autres une programmation qui sentait la sueur et le pit à plein nez.
De son côté, la Valley reste le royaume du doom, du stoner, du sludge et des expérimentations lourdes. Les festivaliers ont pu voir entre autres sur cette scène Orange Goblin, Pentagram, Conan, Kylesa, Hermano, Slomosa, Chat Pile, Health, confirmant que la scène conserve cette ambiance épaisse et immersive, avec quelques touches de post et de metal expérimental. Ces deux scènes annexes ont pour le coup gardé une identité et une programmation bien assumée.
Cela est moins le cas de l’Altar et de la Temple, pour lesquels on a vraiment senti un recul des genres d’origine, à savoir moins de death et de black metal. Les deux scènes ont en effet pris une direction un peu différente avec des groupes qu’on avait rarement vus là-bas. Il y a notamment eu une journée metal progressif le samedi sous l’Altar (avec Vola ou Leprous qui auraient été mis sans problème sur une MS il y a encore de cela 2 ou 3 ans), ainsi qu'une journée orientée metal indus sous la Temple le dimanche (Priest, Shaarghot, Eisbrecher).
Certaines journées sont tout de même restées cohérentes : la Temple a proposé le vendredi du black atmosphérique/shoegaze (Deafheaven, Grima, Agriculture), ou même du folk le vendredi (Belore, Luc Arbogast, Sowulo). Cela dit, on sent que ces deux scènes commencent elles aussi à s’ouvrir à des genres qu’on n’y aurait jamais vus il y a quelques années.
Dans tous les cas, la qualité des performances a toujours été au rendez-vous. A ce titre, outre nos live reports par journée, nous vous avons concocté un top 10 des concerts qu’il ne fallait pas manquer.
Crédit photos : Sara Jisr/@GroovyMochi
Un festival engagé et libre, où les artistes ont pris la parole.
Outre les polémiques sur la présence de certains artistes dont nous ne préférons pas faire la publicité, le Hellfest 2025 a surtout rappelé que le metal reste un espace de liberté, de prise parole et d’engagement pour l’égalité. Et ce constat n’est malheureusement pas repris assez à notre sens par les autres médias, notamment généralistes. D’autant que le contexte géopolitique reste toujours très problématique.
En plein set, Benjamin Berdous, chanteur de Slomosa, n’a pas hésité à balancer, en français (s’il vous plait), un “message très fleuri” à l’encontre de Netanyahu, avant de répéter le même message à Le Pen et Trump. Une prise de position qui a suscité des réactions partagées dans le public, entre approbation, applaudissements et quelques regards gênés.
De leur côté, les membres de Refused ont brandi un drapeau palestinien sur la Mainstage et fait scander “Free Palestine” à la foule, accompagnant leur discours sur les conditions de vie des enfants à Gaza. Et rappelant au passage que c’est aussi à ça que sert un festival. Le message a d’ailleurs trouvé écho parmi certains festivaliers, qui ont pour certains brandi des drapeaux en soutien pendant le week-end.
D’autres artistes ont également pris position, comme les doomeuses de Faetooth, qui ont exprimé un message ouvertement anti-Netanyahu et critique envers le gouvernement israélien. Le groupe de metal progressif Tsar a quant à lui proposé à la vente un t-shirt dont les bénéfices étaient reversés aux populations de Gaza.
Enfin, Sharon den Adel (Within Temptation) a profité d’une conférence de presse pour rappeler l’importance de résister à la propagande et de défendre la vérité, notamment dans le contexte de la guerre en Ukraine. Un message qu’elle prolonge sur scène, où elle arbore à chaque concert un maquillage aux couleurs de l’Ukraine sur son avant-bras.
Autant de moments qui rappellent qu’au-delà des amplis saturés, le Hellfest reste aussi un lieu où les voix s’élèvent, pour celles et ceux qui refusent de se taire.

Une organisation exemplaire, et qui continue d'apporter son lot de nouveautés.
Parmi les nouveautés marquantes de cette édition 2025, on notera d’abord l’élargissement du parvis d’accueil, qui permet de mieux absorber l’afflux massif de festivaliers aux heures de pointe. Une nouvelle arche monumentale marque désormais l’entrée, tandis que La Gardienne des Ténèbres, la machine mi-femme, mi-araignée a été déplacée hors du site principal, désormais installée dans la Hellcity (le village situé avant la zone principale). Un choix malin, qui fluidifie les déplacements dans la zone centrale, toujours sujette à des bouchons en fin de journée.
Autre changement visuel : les tentes de scène noires, bien plus élégantes que les anciennes toiles blanches. Si le rendu esthétique est indéniable, la chaleur à l’intérieur a sûrement pris quelques degrés supplémentaires par rapport à des tentes blanches.
Mais la nouveauté la plus audacieuse reste sans doute la Purple House, nouveau lieu hybride à l’ambiance Mad Max. Situé en marge des scènes principales, ce spot underground proposait des bornes d’arcade, des animations immersives… et surtout une cage centrale où se sont produits des groupes de stoner-rock, au niveau parfois équivalent aux premiers créneaux de la Valley. Une idée géniale, bien que le lieu soit rapidement devenu irrespirable en cas de forte affluence. Ce fut notamment le cas du set survolté de Stoned Jesus, initialement prévu sur la Valley, mais reprogrammé à la dernière minute ici en raison d’un retard d’arrivée.
Petit bémol : la Hellstage, scène annexe positionnée à l’entrée du site, a semblé plus désertée que les années précédentes. Peut-être éclipsée par le succès de la Purple House, elle n’a pas bénéficié de la même exposition, ce qui est dommage pour les groupes qui s’y sont produits.
Crédit photos : Sara Jisr/@GroovyMochi
Au fil des années et encore cette fois en 2025, une impression revient en boucle dans la bouche des festivaliers : “Il y a encore plus de monde que l’année dernière.” Et elle n’est pas infondée. Certaines zones, notamment le bois et l’arrière des Mainstages, se retrouvent littéralement saturées dès que les têtes d’affiche montent sur scène.
Côté gestion de la canicule, ce point a aussi été pris en compte : cette année des brumisateurs ont été installés, de la crème solaire a aussi été distribuée gratuitement, et la prévention des bénévoles a aussi été adaptée pour prévenir d'éventuels incidents.
Malgré ces quelques ajustements perfectibles, le Hellfest reste un modèle d’organisation. Circulation fluide, gestion des flux globalement maîtrisée, sécurité bienveillante… Peu de festivals parviennent à conjuguer gigantisme et convivialité avec autant de brio.
Et comment ne pas saluer, encore une fois, le rôle clé des bénévoles, toujours aussi souriants, disponibles et investis. Leur gentillesse constante participe à cette atmosphère unique qui fait du Hellfest une bulle hors du temps, où la passion pour la musique prime sur tout le reste.
Comme chaque année, on repart de Clisson avec le sentiment d’avoir vécu une parenthèse, une utopie temporaire où l’on oublie les tracas du quotidien. Si vous n’y avez encore jamais mis les pieds, on ne saurait que vous conseiller d'y aller au moins une fois pour le comprendre. Mais surtout, n’hésitez pas à sortir des Mainstages et à explorer les scènes plus confidentielles. Car c’est souvent là, dans l’ombre des projecteurs, que se trouvent les plus belles claques musicales.
Crédit photos : Sara Jisr/@GroovyMochi
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