Dans le monde si cliché du power metal, difficile d'exister à part entière. Il faut absolument avoir une identité bien singulière et proposer quelque chose de neuf. Sabaton a transformé l'essai en utilisant le côté épique de ce style pour conter des histoires tirées de faits réels. Un peu dans la lignée d'Iron Maiden et ses textes épiques sur la Charge de la Brigade Légère, de la bataille de Passchendaele ou de la Royal Air Force, Sabaton, c'est un pied dans l'Histoire du point de vue de ses protagonistes. Après deux albums consacrés à la Grande Guerre, le groupe revient avec un opus intitulé Legends, se concentrant sur les grandes figures historiques, allant du pharaon Senusret III à Napoléon.

Changement de paradigme pour ce nouvel opus qui quitte la Première Guerre Mondiale pour traverser l'Histoire. L'un des leaders du groupe Pär Sundström (bassiste) nous avait révélé, lors de son interview, que la musique avait été composée en premier et que Sabaton avait cherché à relier les mélodies à des personnages célèbres. Il en résulte un album assez varié avec des atmosphères très différentes et qui, il faut l'avouer, collent bien aux "légendes". Les percussions du titre "A Tiger Among Dragons" évoquent les ambiances asiatiques du chef militaire Lü Bu et impossible de ne pas penser aux pachydermes d'Hannibal avec le rythme de "Lightning at the Gates". Le groupe a sélectionné onze chefs charismatiques pour coller à sa musique puissante. Que ce soit "Hordes of Khan" et son rythme galopant ou le très prog "A Cycle of Songs", le voyage est total et on se surprend à vibrer à l’évocation des vies légendaires de ces figures historiques. Sabaton a toujours eu le chic pour traiter les faits de façon très diverse et les paroles de "I, Emperor" ne manqueront pas de jeter un œil neuf sur le personnage de Napoléon, traité très souvent, dans nos manuels d'Histoire française, comme un héros de la nation.
Après un excellent The War to End All Wars et son sublime pendant symphonique The Symphony to End All Wars, il fallait que Sabaton se retrousse les manches et propose quelque chose de frais et neuf. Le pari est en partie réussi car globalement, c'est un album plus sombre et plus lent. Certes on retrouve toujours les cavalcades du power metal à coup de doubles pédales mais beaucoup de titres sont plus lourds, plus imposants. Le groupe prend le temps de développer certains thèmes comme sur "The Cycle of Songs" qui lorgne du côté des morceaux plus prog d'Iron Maiden. Ce côté plus pesant permet au bassiste Pär Sundström de briller en posant des riffs de basse très lents comme sur "Crossing the Rubicon", qui rappelle que le power metal vient de la New Wave of British Heavy Metal (popularisée par Iron Maiden cité plus haut), laquelle vient elle-même vient du heavy metal de Black Sabbath. Et ces influences 70s se retrouvent aussi dans la basse groovy qui rappelle Led Zeppelin notamment dans le morceau "Impaler" avec son influence orientale très "Kashmir".
Alors forcément tout n'est pas complètement novateur dans cet album. Les fans de Sabaton pourront analyser telle ou telle nouveauté mais auront forcément un sentiment de déjà vu. Le groupe fait ce qu'il fait depuis toujours mais le fait bien. On reste parfois sur sa faim avec des riffs sans surprises : "Lightning at the Gates" rappelle furieusement "Uprising" ou "The Coat of Arms" (de l'album éponyme de 2010), "Impaler" fait penser à "Rise of Evil" (sur Attero Dominatus de 2006) tout comme "The Cycle of Songs" et "Till Seger", le morceau folk un peu WTF, lorgne du côté de "Gott Mit Uns" (sur Carolux Rex de 2012). Ce morceau fait vraiment figure d'ovni, de part ses paroles en suédois mais aussi de son côté joyeux à la Finntroll. Il n'est pas désagréable avec ses gros clichés mais on l'aurait plus vu comme un bonus track que comme un morceau pour finir l'album.
Les autres morceaux sont vraiment ancrés dans un power metal très années 80/90 et quelques titres semblent assez dispensables comme "The Duelist" ou "Maid of Steel". Il faut dire que Sabaton n'a pas su s'affranchir de certains aspects kitschs du power metal. Et c'est dommage car avec The Symphony to End All Wars, le groupe faisait appel à un vrai orchestre et il aurait été très pertinent de composer réellement avec une formation de ce type. Mais on retrouve malheureusement les sons de clavier (plus présents parfois qu'auparavant) un peu datés. Alors certes cela peut faire partie du charme mais quand on a goûté à Sabaton avec un vrai orchestre, on en redemande. Surtout que la prochaine tournée va donner la part belle au Legendary Orchestra.
Cependant, le côté épique est largement renforcé par des chœurs absolument sublimes. Il n'y a qu'à entendre les premières notes de "Templars" pour se prendre une vague vocable dans la figure et sur cet aspect, le groupe fait très très bien les choses. Il faut dire que les Suédois ont mis les moyens pour nous en mettre plein la tronche avec une production vraiment sublime qui n'a forcément rien à voir avec les albums du début et qui met vraiment l'accent sur la base rythmique du groupe. La basse de Pär imprime un côté très martial et Hannes Van Dahl fait un travail très intéressant et varié à la batterie : que ce soit dans les passages plus speed à la double pédale ou plus lourds. On aurait aimé plus de variété avec le retour de Thobbe Englund à la guitare et la collaboration de l'intégralité du groupe lors de la composition mais niveau guitare et niveau chant, Sabaton se repose sur ses bases.
Malgré des compositions qui restent dans le même style, Sabaton nous livre un album très agréable. Plus sombre, plus lent et moins fun que certains albums, Legends saura rassasier les fans et attirer l'oreille des néophytes. Finalement, Sabaton c'est comme la ratatouille du jardin de mémé (cette comparaison va rester dans l'Histoire ! ) : ça ne révolutionne rien, mais c'est fait avec de bons produits et de l'expérience et on en redemande chaque dimanche. Et puis, il y a toujours ce plaisir coupable de s'imaginer en live, chanter en chœur avec le groupe. D'ailleurs, nul doute que beaucoup d'entre vous iront voir la prochaine tournée qui s'annonce mémorable.
L'album Legends sort le 17 octobre sur le label Better Noise et est disponible ici.
Tracklist
- Templars
- Hordes of Khan
- A Tiger Among Dragons
- Crossing the Rubicon
- I, Emperor
- Maid of Steel
- Impaler
- Lightning at the Gates
- The Duelist
- The Cycle of Songs
- Till Seger







