Klone et Gorod (+ The Old Dead Tree et Vestige) au Trabendo le 25.10.25

Une soirée pleine d’émotions s’annonce du côté du Trabendo, où le public retrouve ce soir quatre formations qui montrent la diversité et la richesse de la scène metal française. Retour sur une soirée tout en élégance, en puissance, et en tendresse.

Vestige

La jeune formation chargée d’ouvrir la soirée est loin d’être composée de débutants. Son fondateur Théodore Rondeau (chant, guitare) n’est autre que le frontman du groupe Naraka, qu’on a déjà pu voir en première partie de groupes comme Alcest ou Cradle of Filth. Le metal moderne de Vestige lorgne tantôt vers le metalcore, tantôt vers le côté post de la Force et c’est dans une obscurité relative que le quatuor entame son set du soir pile à l’heure. Le batteur Quentin Regnault est isolé dans la pénombre sur le côté gauche de la petite scène surchargée d’instruments pour les différentes formations du soir. Au centre, Théodore alterne chant clair et passages criés sur de nombreux morceaux, et même si les parties claires sont un peu étouffées, du moins de la fosse, la prestation est intense et prenante, et le public semble bien apprécier si l’on en croit les têtes qui s’agitent sur les passages les plus lourds. Les riffs, déconstruits, sonnent très modernes, et le groupe offre un beau travail sur la rythmique, qui claque bien ("Appel de l’âme").

Aux guitares, le frontman et Thomas Petit mêlent gros riffs et passages plus lents et calmes, presque atmosphériques ("Ocean", "Démence de l’âme"). Des accords tout doux et des passages mélodiques à deux guitares apportent des moments de respiration chargés d’émotions ("Corrosion"). Mention spéciale à Pierre-André Krauzer, qui arbore une basse cinq cordes sans tête, et se montre très expressif et dynamique. Il chante sur tous les morceaux avec ardeur et gère à la perfection une situation d’urgence (une corde lâche, pas le temps de la remplacer, il assure les deux derniers morceaux à quatre cordes). Le récent single "Envy", seul morceau du soir non issu de Janis sorti en septembre 2024, est fort en intensité et en émotions. Pas le temps de traîner ni de discuter avec le public, Théodore remercie rapidement les ingénieurs son et lumière avant d’entamer l’ultime morceau "Deviens la Nuit". Ovationnés par le public, les musiciens, l’air ému, s’enlacent avant de saluer.

The Old Dead Tree 

On n’y croyait pas mais le pari de tenir le planning est parfaitement tenu par les équipes techniques, car c’est même avec quelques secondes d’avance sur le running order prévisionnel que débute le set de The Old Dead Tree, soit une grosse dizaine de minutes après la fin de Vestige.

Des branches d’arbres (morts) ornent les micros, d’élégants éclairages sont disposés à l’avant-scène, tout est prêt pour le groupe de dark metal progressif qui marque la scène française depuis plus de deux décennies. Une formation à la fin des années 90, une séparation en 2009, avant ce grand retour inattendu entre 2021 et 2023 et un album de la résurrection, Second Thoughts sorti l'an dernier.

Servi par un son très bien réglé, le groupe va proposer une setlist balayant toute les étapes de son parcours singulier. Manuel Munoz, désormais uniquement au chant, se révèle expressif au possible au centre de la scène, tant au chant clair qu’aux cris occasionnels sur les moments les plus bruts. Les compositions, certes progressives, mais relativement courtes, reposent sur l’équilibre entre des touches de metal plutôt sauvages et des passages plus mélodiques assez sombres. Les guitaristes Nicolas Chevrollier et Nicolas Cornolo sont très dynamiques et headbanguent. Avec Gilles Moinet (basse), ils se regardent, s’avancent les uns vers les autres, interagissent avec le public et le font taper des mains sur "Story of My Life". « C’est toujours un plaisir de jouer à la maison » annonce Manuel.

La setlist est bien équilibrée entre des classiques issus des deux premiers opus du groupe au début des années 2000 (The Nameless Disease, The Perpetual Motion) et cinq morceaux plus récents, témoins de la renaissance du groupe depuis deux ans. La fosse s’anime un peu sur les titres très metal "Start the Fire" et "Unrelenting". Mais c’est surtout sur les passages mélodiques avec de belles harmonies au chant partagées entre Manuel et Nicolas Chevrollier que The Old Dead Tree marque les esprits ce soir, sur la superbe "How Could You?", par exemple, ou sur la toute récente "Feel Alive Again", très riche en harmonies et pleine d’un groove irrésistible. Ce morceau, présenté par Manuel, est joué pour la première fois en live et figurera sur le prochain EP du groupe, enregistré aux studios d'Abbey Road, rien que ça.

Une petite heure et onze titres et voici déjà la fin de ce set énergique et efficace et qui semble emporter l’adhésion des spectateurs. Le son organique et soigné du groupe, avec peu de pistes enregistrées, a mis en avant les subtilités du jeu des musiciens, et la complémentarité des lignes vocales de Manuel et Nicolas. Une prestation qui met vraiment en valeur les compositions et l’univers du groupe, beaucoup plus en tout cas que lors du dernier passage de TODT au Trabendo en 2023, où la fête du come-back avait été passablement gâchée par de nombreux problèmes de son.

Klone

Le staff du Trabendo bat encore des records d’efficacité avec moins de quinze minutes au compteur pour le changement de scène avant Klone (en co-headline ce soir avec Gorod). Il y a pile un an la formation poitevine envoûtait Petit Bain en version acoustique. Capable de naviguer avec brio entre les subtilités de l’exercice unplugged et la puissance du metal progressif, le groupe aguerri écume les scènes du monde entier et séduit de larges auditoires par sa maîtrise impressionnante des tonalités atmosphériques. Cette soirée au Trabendo ne fera que confirmer que l’électrique sied tout aussi bien au quintette qui maîtrise l’art du crescendo comme nul autre.

Les patrons sont là, et le public, extrêmement nombreux, peut en prendre plein les oreilles avec un son toujours aux petits oignons, d’une incroyable clarté, du calme à la tempête, de la sensibilité à la puissance organique. Klone entame son set avec trois morceaux issus du récent The Unseen : La rythmique irrésistible de la bien-nommée "Magnetic" se fait dansante, et les lignes de basse virevoltantes signées Enzo Alfano sont particulièrement savoureuses sur "The Unseen" et "After the Sun", au refrain poignant. Le bassiste, très énergique, rejoint son acolyte Aldrick à plusieurs reprises pour venir au plus près du public, tandis que le batteur Morgan Berthet impressionne par sa virtuosité sur des tempos subtils ou plus puissants, l’air toujours très tranquille. Le vocaliste Yann Ligner est une nouvelle fois en très grande forme vocale ce soir et emporte l’auditoire par sa force d’interprétation hallucinante. Impérial, il navigue entre chant clair doux et puissant, passant à la distorsion sur des passages rageurs complètement prenants.

Les riffs envoûtants de Guillaume Bernard et Aldrick Guadagnino se durcissent sur la puissante "Meanwhile", et tranchent avec le chant aérien sur le désormais classique "Immersion", issue de l’opus emblématique Here Comes the Sun qui fête ses dix ans cette année. C’est également le cas de "Nebulous", qui replonge l’assemblée dans la lourdeur écrasante des riffs, et tout le monde headbangue, que ce soit sur scène ou dans la fosse. Sur le morceau final, le crescendo épique "Yonder", seul représentant de l’excellent Grand Voyage, Aldrick va headbanguer sur le côté, et les musiciens n’en finissent plus de s’avancer vers le public, qui semble comblé.

Ce n’est pas dans les habitudes du groupe d’interagir beaucoup avec son public pendant le set, mais là, quelque chose se passe … Yann harangue les spectateurs, le groupe fait taper des mains sur "The Drifter", et sur scène les sourires se font appuyés. Des petits mots d’amour sont lancés de la fosse, provoquant l’hilarité générale. On sent une nouvelle fois beaucoup d’amour ce soir au Trabendo.

Huit longs titres, une heure pile de set. Mais quelle heure ! Un set superbe, un moment suspendu d’immersion et de communion dans l’intensité et la beauté des compositions atmosphériques et progressives du groupe. On en aurait voulu plus … Surtout après la sublime montée en puissance de "Yonder" en final toujours aussi monstrueux. On ne s’en lasse pas.

Gorod 

Les cinq musiciens bordelais, présents sur scène pour les derniers réglages, ne perdent pas de temps à sortir avant de refaire une entrée : ils entament leur set dos au public, dans la foulée après les balances qui ont pris quelques minutes de retard. Si le public, très compact, a su bien se tenir sur les moments mélancoliques et atmosphériques des trois premiers groupes, il sait désormais que l’heure d’en découdre a sonné, et les premiers pogos se lancent dès l’entame explosive du concert de Gorod. Entre death metal lourd et puissant, et death technique, tout s’accélère au Trabendo. Le groupe présente d’emblée trois morceaux ultra efficaces issus de Æthra, sorti en 2018 : "Wolfsmond", très chaud, qui met en mouvement la foule avec ses belles lignes complexes. Ça joue sérieusement sur "Bekhten’s Curse" et "Aethra", et son déferlement de gros accords death après un début instrumental. Aux guitares, Matthieu Pascal et Nicolas Alberny font déferler les riffs incisifs, qui font s’agiter les têtes de toute la salle. Sous l’impulsion de l'excellent Benoît Claus à la basse (phosphorescente), ça groove sérieusement. À coups de changements de rythmes et de double soli, Gorod force l’admiration.

Les morceaux lourds et techniques du dernier opus The Orb (2023) rendent tout aussi bien. Sur "Savitri", une grosse entame laisse place à un passage presque prog avant le retour de la grosse rythmique et des cris d’outre-tombe du vocaliste Julien Deyres, et c’est la bagarre dans le pit, puis soudain débarque un pont mélancolique Opeth-ien et une fin épique. "We Are the Sun Gods" marque par son énorme rythmique. Le pogo s’élargit et se rapproche dangereusement de la scène. Sur des passages instrumentaux, les deux guitaristes et le batteur Karol Diers rivalisent de virtuosité, avant un solo de ce dernier, ovationné par le public. Le morceau-titre "The Orb" commence en chant clair avant l’irruption du cri de Julien. Encore un titre qui groove, marqué par un beau solo de l’infatigable Nicolas Alberny.

Des titres plus anciens viennent ponctuer la setlist. Tout en puissance et en rythmiques complexes, "The Path" (tiré de Process of a New Decline en 2009) est le théâtre de pogos à gogo. Les musiciens font preuve d’un dynamisme communicatif, ils se déplacent sans cesse, interagissent avec le public, et plaisantent entre eux. Le vocaliste se donne à fond, il crie, s’avance, harangue le public, mime les paroles, se frappe le torse, tout en lançant de grands sourires à ses camarades sur scène. Il réalise son rêve d’être animateur de soirées : « Est-ce que vous en voulez encore ? Est-ce que vous êtes prêts les amis ? » plaisante-t-il.

Il explique qu’ils sont en train de composer leur huitième album, plutôt progressif, et annonce donc un retour vers le passé prog de Gorod pour la fin du set. Benoît Claus passe d’ailleurs à la basse cinq cordes pour ces deux ultimes morceaux. Un passage mélodique presque doux surgit après une entame qui tape bien sur "Carved in the Wind" (issue de l'album de 2012 A Perfect Absolution). Julien remercie les trois autres groupes du soir avant d’annoncer, déjà, la fin de cette belle soirée qu’il compare à « un bal musette un peu enjoué ». Car oui, c’est déjà la fin avec le progressif "Transcendence" (2011), sur lequel Gorod régale encore par des passages redoutables activant les derniers pogos endiablés. Les deux guitares font des merveilles, passant des gros riffs aux arpèges complexes avant un dernier beau solo de Nicolas. Le Trabendo ovationne le groupe, et ce moment de communion fiévreuse s’achève au bout d'une heure, un peu tôt diront certains - mais ne boudons pas notre plaisir : Gorod a offert une conclusion redoutable, dantesque, à cette superbe soirée placée sous le signe du talent à la française, et de l’amour bien entendu.

Photos : Lil'Goth Live Picture. Toute reproduction interdite sans l'autorisation de la photographe. 



Partagez cet article sur vos réseaux sociaux :

Ces articles en relation peuvent aussi vous intéresser...

Ces artistes en relation peuvent aussi vous intéresser...