Carpe Noctem – In Terra Profugus

Carpe Noctem nous vient de Reykjavik en Islande et nous sort comme ça, comme si de rien n’était, un monstrueux album d’un Black Metal déconcertant, perturbant, rempli de complexités tordues hors des sentiers battus.

Ça commence comme un Black Sabbath pachydermique bancal tout droit sorti d’une soirée plus qu’arrosé de cocktails à base de nuages de tranxène pilé sur un précipité d’absinthe espagnole à 89,9°C. Mais cette image s’arrête net car après quelques minutes c’est plutôt vers les pentes de Dodecahedron (pour les structures) ou de Deathspell Omega (pour l’ambiance) que Carpe Noctem nous balance dans le fossé. Dans une pente glueuse d’un Black Metal emprunt d’ambiances malsaines et décalées.

 

Carpe Noctem

Pour ceux qui veulent du classic Black Metal, « trébuchez » votre chemin et retournez devant votre TrueYouTubeBlackMetal. Pour les autres, les timbrés qui pensent pouvoir mettre une grenade dans les fondements de la première prostituée qui passe dans leur bar de prédilection de GTA 5 : Restez ! Votre quête n’est pas terminée puisque vous êtes actuellement à la recherche de substances nauséeuses pouvant être revendues sur le marché en se faisant une marge de 100 avant de vous achetiez la plus belle des villas du jeu.

Vous hésitez, comme sur le break qui n’est qu’à 7 minutes du début de « Odium Somniferum » : des voix, une ambiance, une bande-son peut-être d’un film dans lequel l’espérance de vie ne doit pas excéder les 3 minutes. Ici les 5 titres dépassent  les 8 minutes pour nous tourner en bourriques jusqu’à presque 14 minutes d’étouffement. Déstructuration, son malfamé, limites du faux, touches de piano désaccordées, mais structurées dans l’esprit d’une personne possédée.

Bien sûr que c’est du progressif Black Metal dans le sens où l’inventivité y excelle mais pas celui du prog rock où les musiciens réalisent chacun leur tour des arpèges pour épater la galerie. Ici, pas de frime juste des gars pas très net svenant d’Islande (pléonasme) avec Árni à la basse, qui n’est pas un inconnu pour ceux qui lise les chroniques puisque ce dernier officie chez Árstíðir Lífsins, dont on avait adoré l’album Vápna lækjar eldr, sur lequel il jouait du violon de la batterie et participait aux chœurs.

Les structures complexes des morceaux sont là pour vous retourner, vous faire perdre tout sens de gravité. La violence est présente, mais soudain, au détour d’un passage, le calme sait créer des moments de recul de cohérence, de réflexion comme au début de « Vitrol » mais, inconsciemment on sait que cela ne va pas durer et que les riffs assassins d’Andri et de Tómas vont faire qu’une petite bouchée de nos frêles tympans. Cérémonial, mais moderne, envoutant mais pas Goth c’est toute l’intelligence que l’on retrouve tout au long de In Terra Profugus comme sur « Ars Moriendi ».
La voix d’Alexander ne laisse pas de marbre puisqu’il sait la moduler dans les graves sûrs et n’hésite pas à gueuler sans complexe.

Le côté Doom n’est pas en reste puisque la lourdeur est toujours présente, les riffs ne tombent pas dans une agressivité systémiques aigues, non les cordes des guitares sont envoutantes, tordues, distordues, déglinguées comme l’esprit de ses musiciens. C’est du Bac + 10 du Black Metal et reste assez déboussolant pour un auditeur peu habitué à un tel délire.

Peut-être que pour aider les novices il faut leur dire de se laisser aller, de développer leur désinvolture, de ne pas avoir peur du vide, du néant, de l’au-delà, des terres inconnues, d’un monde obscure mais qui normalement doit s’apprivoiser…

 

Les cors résonnent au début de « Metamorphoses Maleficarum » en référence aux anciens, avant que déboule d’une façon classique l’attirail Black Metal qui fait du bien : son strident, avalanche de riffs, growls, esprit noir comme l’encre, etc… dans lequel on va jouer entre accès de violence sporadique et accalmie ésotérique.

C’est simple à l’écoute de cet album j’ai eu la riche idée d’aller en forêt chercher des champignons. Au bout de quelques minutes tout est devenu agression, violence et déchainement. Les champignons courraient dans les sous-bois se transformant en gnome, les troncs en corps décharnés de divinités disparues depuis des siècles, le ciel s’assombrissait à chaque pas pour m’enfoncer dans la tourbe enfumée, les racines s’allongeaient pour me faire tomber dans les ronces ensanglantées, les branches accrochaient ma tête afin d’y déposer les dernières araignées de l’Automne. Mauvaise expérience à ne pas réitérer.

Black Metal mathématique, géométrique, calligraphié sur du papier millimétrique, avec « Hostis Humani Generis » l’auditeur ne peut que suivre le théorème sans rien y comprendre au départ (et surement par la suite) tant l’œuvre est déstabilisante.

« Cueille la nuit, profite de l’instant présent », c'est-à-dire cours plus vite que le danger qui est juste derrière toi : c’est ce que veut dire Carpe Noctem. Logique tellement parfois la musique est cinématographique, sachant calmer, accélérer, pousser, virer de bord, déstructurer une ambiance tellement malsaine.


Lionel / Born 666

 

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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