Ulver à  la Cigale (11.02.2010)

     Formé au début des années 90, ULVER est une formation très mystérieuse. Après des démos et un premier album de black métal qui présentait quelques intermèdes de musique traditionnelle, les norvégiens sortent un album folk, avec guitares acoustiques, synthés, choeurs monastiques et tout le toutim. Un dernier album de black plus tard, et l'orientation stylistique deveindra encore plus singulière : l'électronique prend une part de plus en plus importante dans une musique qui, si elle emprunte au folklore norvégien, est expérimentale avant tout. Leur discographie est également très atypique : peu d'albums mais énormément d'EPs. Leurs albums les plus récents se dirigent plus franchement vers l'ambiant ambiants, marquant  encore et toujours leur volonté d'expérimenter et de naviguer vers des territoires musicaux inexplorés. Le groupe déclarait en 1999:

"Ulver is obviously not a black metal band and does not wish to be stigmatized as such. We acknowledge the relation of part I & III of the Trilogie (Bergtatt & Nattens Madrigal) to this culture, but stress that these endeavours were written as stepping stones rather than conclusions. We are proud of our former instincts, but wish to liken our association with said genre to that of the snake with Eve. An incentive to further frolic only. If this discourages you in any way, please have the courtesy to refrain from voicing superficial remarks regarding our music and/or personae. We are as unknown to you as we always were"

     Outre cette direction artistique non conventionnelle, la formation n'avait jamais donné de concert jusqu'en mai 2009, date à laquelle ils acceptèrent l'invitation du festival de littérature norvégien, l'un de leurs membres étant également écrivain et éditeur. L'expérience les a finalement décidé à se montrer un peu plus souvent, puis à effectuer une tournée européenne, ce qui nous donne l'occasion de les découvrir sur scène ce jeudi 11 février à la Cigale.


     Devant la cigale, c'est un peu la soupe à la grimace : le groupe est resté bloqué en Angleterre à cause des intempéries, et c'est avec un petit ouf de soulagement que l'on voit un tour-bus s'approcher. Le cadre de la cigale (et le fait d'être assis) est idéal pour apprécier une musique aussi planante et particulière que celle d'ULVER. D'autant qu'il y a fort à parier que ce n'est pas le jeu de scène des musiciens qui retiendra notre attention. Un moine entre sur scène, encapuchonné de noir, et commence à bidouiller ses machines, un micro à la main. Une lente incantation résonne, tourne, se tord et se répète. Il s'agit de la première partie, VOID OV VOICES, composé en tout et pour tout de l'ancien chanteur de MAYHEM, Attila Csihar, bien connu des amateurs de métal extrême pour sa participation au fameux "De Mysteriis Dom Satanas". Il s'agit ici de musique purement ambiante, assemblage de sons, de bruitages, de voix mixées en boucles. Si l'effet est assez prenant au début, les deux "morceaux" exécutés, en partie improvisés, durent trop longtemps (le 2e en particulier) pour convaincre complètement. Au moins cette petite performance aura-t elle mis les spectateurs dans l'ambiance.

     Et même si la Cigale n'est pas sold-out, il y a du monde, sans doute autant de connaisseurs que de curieux (dont votre serviteur), venus de rendre compte sur place de ce qui se cachait derrière ce nom étrange qu'ils entendent régulièrement dans les discussions d'initiés. Le dispositif scénique est, on pouvait s'en douter, assez spécial, puisqu'hormis un batteur, on a 3 personnes aux machines, un guitariste/bassiste/claviériste, et un chanteur percussionniste qui nous fera du tambourin, du gong et d'autres trucs. Les musiciens effectuent une entrée très sobre (on sent qu'ils ne sont pas habitués), et lancent les opérations.


     Un écran de belle taille en fond diffuse des courts-métrages extrêmement bien ficelés et en parfaite cohérence avec la musique, renfore le côté millimétré de la prestation de ce soir, et, surtout, le sentiment d'évasion des spectateurs. Une scène dans la pénombre et des lights bien choisis ; les norvégiens démarrent sans précipitation et nous entraînent doucement dans leur univers. Les vrais connaisseurs seraient plus à l'aise pour s'enthousiasmer (dont ma copine, qui m'a refait l'histoire d'ULVER sur le chemin du retour), pourtant pas besoin de connaître pour se laisser emporter par les douces mélodies distillées par le combo.

     Pas besoin non plus d'être un génie pour se rendre compte que si ces mecs-là n'ont pas l'habitude d'évoluer sur scène, ce sont néanmoins des brutes de musiciens de tout premier ordre. Suffit d'écouter cet excellent "For the love of god" issu du non moins excellent "Blood Inside" (2005) pour se laisser happer par des mélodies sombres et magnifiques. Les courts-métrages sont très réussis et en parfaite adéquation avec les thèmes et l'ambiance proposés ce soir. Le son est tout simplement parfait, ce qui aide bien sûr à entrer dans un univers sombre et beau, parfois terrifiant mais jamais complètement repoussant, sans se rendre compte du temps qui passe, insouciant du monde extérieur qui continue de tourner.


     Pourtant, on aperçoit quelques (très rares) départs dans l'ombre, de métalleux qui n'apprécient visiblement pas la musique qui leur est proposée ici. La setlist met l'accent sur les deux derniers albums, soit la période la plus ambiante du groupe. On s'en doutait un peu, mais aucun titre des 3 premiers albums ne sera interprété ce soir. Le black métal n'est plus à l'ordre du jour, et le 2e album, folk, est aujourd'hui considéré comme un premier essai immature par ses géniteurs. Tant pis pour ceux qui ne peuvent se passer de saturation, car le spectacle vaut d'être vu, et surtout entendu. La Cigale est connue pour avoir une bonne acoustique, le talent des norvégiens et de leur équipe fait le reste : assurément l'un des sons les plus nickels que j'ai pu entendre en concert, tous styles confondus (assis à côté de la régie, ça aide un peu).

     Et puis, alors que l'émotion nous prend à la gorge à la fin d'un morceau particulièrement mélancolique, et que l'on retombe lourdement sur terre en attendant de repartir, voilà que les lumières se rallument, et que les musiciens saluent. Un peu court, surtout qu'après une première sortie, le groupe revient, remercie un bon moment (l'occasion de constater une fois de plus qu'ils ne sont pas rompus à ce genre d'exercice), et s'en va sous les applaudissements de l'assistance. Pas de rappel. Est-ce à cause des intempéries et de l'arrivée tardive ? D'autres personnes rencontrées dans la file d'attente parlaient d'un show d'au moins 1h30, et là on a dû avoir droit à 1h15 grand maximum. Le seul bémol d'une soirée très riche et différente qui nous aura fait voyager très loin... Les meilleurs moments passent toujours trop vite.

PS : Ces quelques lignes n'ont d'autre ambition que de vous inviter à vous pencher sur le cas ULVER, qui mérite d'être découvert, pour peu que vous soyez assez ouverts d'esprit car ça reste assez spécial et avant-gardiste. Pour un report plus classique, google est à votre disposition 🙂

PS bis : les photos sont glanées sur le net, pas du concert de Paris. L'ambiance n'était pas à prendre des photos.

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