Les divers hommages n'ont cessé de se multiplier depuis bientôt quatre ans que le Maître chantant Ronnie James Dio s'en est allé rejoindre un monde meilleur. Entre moult rééditions par son ex-compagne/manageuse Wendy de glorieux concerts des 80's, témoignages de musiciens à travers le globe et autres reprises 'live', il ne manquait plus désormais qu'un album 'tribute' digne de ce nom afin de rendre un dernier hommage gravé dans le "rock" au plus grand chanteur metal (ou tout court ?) de tous les temps. C'est chose faite aujourd'hui avec ce This Is Your Life, dont les fonds récoltés iront de surcroît à la fondation Stand Up And Shout de combat contre le cancer.
Remercions encore du fond du coeur Wendy Dio d'entretenir de la sorte la légende et la mémoire de Ronnie (à quand maintenant un grand concert-hommage à la manière de celui pour Freddie Mercury il y a plus de 20 ans ?!), avec une humanité et un respect pour les fans que l'homme lui-même aurait à coup sûr approuvés (et là s'arrête donc le parallèle avec les musiciens de Queen...).
Un tel exercice aurait pu s'avérer périlleux, mais le fait que la majorité de ces reprises aient été enregistrées après la disparition du musicien et spécialement pour le projet est peut-être là ce qui fait toute la différence. Car on sent chez les artistes de renom qui ont tenu à participer (ici, point de casting au rabais ou de reyclage de seconds couteaux, comme tant d'autres fois dans ce genre d'initiatives...) une volonté de respecter «religieusement» toute la magie des morceaux de Dio, tout en y ajoutant (peut-être inconsciemment ?) un peu de ce que le Lutin leur aura légué en héritage (car bon nombre d'entre eux n'ont pas attendu aujourd'hui pour montrer à quel point l'homme les aura émerveillés et influencés, comme nous tous ici peut-être...).
C'est ainsi qu'Anthrax ouvre le bal avec un mimétisme absolument saisissant sur "Neon Knights" de Black Sabbath (la performance de Belladonna à elle seule est à tomber à la renverse, avec ses intonations du Maître plus vraies que nature !), et une énergie débridée qui est peut-être le plus beau des hommages à faire à la musique de Dio. Bien vite suit celle d'Adrenaline Mob (avec cette fois un Russell Allen tout aussi criant de vérité lui aussi...) sur l'inévitable "The Mob Rules" (il aurait d'ailleurs été encore plus cocasse de la faire reprendre par le groupe du même nom !...). Version que l'on connaît hélas déjà, puisque c'est un peu la vidéo de ce titre débordant de dynamisme qui lancera la carrière du groupe sur Youtube en 2011... Un entrain similaire à celui qui viendra animer les Metallica en fin d'album, sur le bien mal nommé "Ronnie Rising Medley" ("Kill the King" venant en effet conclure, certes de la manière la plus éclatante qui soit, la triplette "A Light in the Black" / "Tarot Woman" / "Stargazer" consacrée au deuxième album emblématique de Rainbow). Pour l'occasion, les 'Four Horsemen' renouent de fait avec l'esprit 'live' survitaminé et épuré des 'Garage Days' comme à l'occasion des précédents hommages à Motörhead et Mercyful Fate sur le Garage Inc. de 1998 ! Puissent-il en prendre de la graine pour la suite...
Entretemps, les Tenacious D, qu'on avait évidemment connus plus 'déconneurs', nous livrent là une reprise fidèle et appliquée de "The Last in Line" dans laquelle Jack Black, on le sent, met tout son coeur (l'homme figurant depuis longtemps au rang des plus grands fans de Dio, en témoigne la chanson éponyme enregistrée en son honneur en 2001, leur figuration dans le clip de "Push" ou encore l'apparition de Ronnie en personne dans le film 'The Pick of Destiny'), ne souhaitant agrémenter leur 'cover' d'aucune fantaisie déplacée, si ce n'est celle de remplacer le solo de guitare par des flûtiaux calibrés au poil près et qui prêtent à tout sauf à rire (même si les plus assidus d'entre vous reconnaîtront sans doute le type de sonorités utilisées dans leur film pour la scène dite du "Sasquatch"...), et se révèlent même des plus poignants au vu des cironstances.
Tout aussi respectueuse se veut la reprise de "Rainbow in the Dark" par Corey Taylor, chanteur de Stone Sour et Slipknot (accompagné pour l'occasion d'un line-up de "tueurs", en particulier son batteur l'ex-Soulfly, Roy Mayorga, et Satchel du goupe Steel Panther), qui se contente de 'moderniser' un peu le son de l'originale (tout en conservant la folie des solos de l'époque !), faisant notamment jouer la mélodie du thème par une guitare en lieu et place de claviers un brin datés aujourd'hui, mais ne cédant pas pour autant à la tentation de pousser une «gueulante», ce dont on les remercie chaudement.
Evidemment, les Killswitch Engage pourront faire hurler dans les chaumières avec leur démarche exactement aux antipodes sur "Holy Diver", injectant des braillardises 'metalcore' de leur cru en plein milieu et allant jusqu'à en réécrire le rythme par instants (le côté un peu "brouillon" et limite 'djent' de la saccade sur les couplets étant au final ce qui aura dérangé le plus votre serviteur...). Mais à leur décharge, cette reprise n'a pas été enregistrée pour les besoins du projet, mais près de 8 ans auparavant, à l'initiative tout aussi bienvenue d'une compilation du magazine Kerrang ne renfermant alors que des reprises par de jeunes artistes de leurs illustres aînés... Même si dans le cas de K.E. il est clair que cette 'cover' n'a depuis cessé d'être recyclée et exploitée jusqu'à la corde ! Il serait tout de même malhonnête de ne pas reconnaître la "patate" infligée par le titre, l'impact que prend du coup cet hymne inconditionnel de Dio (qui aurait sûrement été le premier à acquiescer !) avec cette 'patte' et dans cette nouvelle mouture « pour-les-djeunz'», lesquels auront peut-être ainsi à coeur de remonter un jour aux sources inépuisables de leur musique préférée, surtout une fois que celle de leur 'metalcore' transitionnel se sera tarie, comme avant lui le 'grunge' et le 'neo'...
Il reste qu'à ce jeu de se réapproprier les « classiques » (nous vous avions déjà dévoilé la tracklist aux allures de "best of" ici...), c'est encore les plus vieux et les plus 'proches' qui s'en sortent le mieux. En témoigne cette reprise absolument bouleversante du cultissime "The Temple of the King" de Rainbow (dont le premier album serait vraiment à réhabiliter, si ce n'est pas encore fait pour vous!) par les tout aussi légendaires Scorpions... Loins de tomber dans de la simple réécriture façon 'power-ballade' anecdotique à laquelle se sont déjà (brillamment) frotté Axel Rudi Pell et autres Angel Dust avant eux, les Teutons se réapproprient complètement le titre en l'adaptant à leur registre si caractéristique, de sorte que l'on croirait même entendre un rescapé des sessions 'Humanity', avec ces alternances renversantes dignes du morceau-éponyme de cet album en particulier, entre couplets paisibles et nostalgiques et un refrain qui s'emporte et nous emporte dans sa déferlante vers le frisson et les larmes... L'hommage à Dio se ressent alors tout simplement et des plus sobrement à travers l'interprétation si poignante de l'ami Klaus Meine et les parties de guitare tout aussi inspirées en 'clean' qu'en solo (est-ce que j'ai la berlue, ou bien que vraiment depuis quelques années - depuis ses passes d'armes scéniques avec son prédécesseur Uli Jon Roth en particulier... - le guitariste Matthias Jabs acquiert une classe et un 'feeling' qui dépasse amplement son statut de talentueux 'shredder' qu'on lui connaissait jusqu'alors ?!...)
Et que dire de ce "Catch the Rainbow" sur lequel Glenn Hughes - avec Meine peut-être le chanteur de sa génération que le temps aura su le plus préserver maintenant que Ronnie n'est plus... - brille tout autant que le 'backing-band' qui l'accompagne, constitué d'anciens du groupe Dio, parmi lesquels les fidèles Simon Wright à la batterie et Scott Warren aux claviers... Mais on sent surtout que le guitariste Craig Goldy - qui lui a parfois fait faux bond au cours de sa carrière - tient ici à rendre un dernier hommage dévoué à celui qui fut son mentor et son plus grand associé six-cordiste au sein de Dio le groupe... On ne pouvait ainsi pas rêver plus bel hommage, même si on aurait pu s'attendre à ce que l'ex-Deep Purple/Black Country Communion prenne la chanson un peu plus en force au lieu de rester en apparence dans un souffle léger et en voix de tête, mais c'eut été mal connaître le vieux Sage, qui sait s'y prendre pour nous offrir sur la longueur un crescendo d'émotions 'soul' à couper le souffle, justement...
Mais pour ne pas non plus céder à ce parti-pris 'anti-jeuniste' primaire, reconnaissons un véritable talent à la reprise par les Américains de Halestorm du classique "Straight Through the Heart" présent sur Holy Diver, qui porte ici bien son nom tant elle transcende en effet de manière perçante la dimension purement 'hard-rock' (AC/DC n'étant parfois pas loin...) de ce titre. L'adoption rigoureuse des lignes de chant originales, destinées à s'imprimer dans le crâne pour ne plus jamais en sortir, par la jeune Lzzy Hale (dans une mouture très 'hard couillu' comme il faut ! « She's Got Balls » !!! ...) nous fait tout autant prendre conscience de l'oscillante complexité de celles-ci que de leur caractère en tout point imparable, un double tour de force qui caractérisait si bien l'écriture de notre Ronnie... Cette relecture un poil 'rajeunie' et actualisée, donc, nous donne encore une fois l'occasion de constater que la musique de Dio traversera sans encombres le temps et les générations, jusqu'à toucher tous les âges et toutes les sensibilités, et que pour ce faire il n'y a besoin, comme le chantait Jack Black, que de « passer la torche »... Et à ce jeu-là, la bouillonnante Lzzy ne se brûlera assurément pas les ailes. 'Long Live Rock n' Roll !!'...
On n'en dira pas autant, en revanche, de son unique consoeur sur cet album, la 'Metal Queen' Doro... Avec cet "Egypt (The Chains Are On)" connu depuis des lustres (déjà présent sur le 'tribute' Holy Dio de 2000, et que la Belle n'a eu de cesse de reprendre sur scène), mais qu'il aurait été pour le coup de bon ton de réenregistrer (pffiiiiooooou, ces claviers et ce son "guimauve" d'un autre temps.... aïe), tant il alourdit maladroitement ce This Is Your Life (comprendre : pas dans le sens que ce titre parmi les plus 'heavy' et pesants de Dio le réclamerait...), on note une petite baisse de régime. Biff Byford de Saxon s'en sort un peu mieux en s'acoquinant avec les musiciens de Motörhead sur un "Starstruck" endiablé, même s'il est dommage que des raisons de santé aient cantonné un Lemmy au simple rang de 'backing vocals' indigne du sien, privant ainsi le titre d'une part de sa folie 'rock n' roll' en ébullition et de son caractère « historique » qui auraient pu en faire un incontournable. Reste le petit plaisir cocasse de s'imaginer à l'écoute (scénario fictif !) le leader de Motörhead présent dans la salle en tant que simple spectateur, tout de bourbon imbibé (quoique moins maintenant, on imagine...) et ne donnant de la voix que sur le seul refrain tout en levant le poing ! Warf...
Quitte à parler de relatives déceptions parmi nos 'chouchoux', reconnaissons que la prestation très «scolaire» de Rob Halford sur "Man on the Silver Mountain" nous en réveillera une sans lui chatouiller l'autre, tant le tout sent fortement les prises multiples en studio enquillées jusqu'à plus soif et sans grand plaisir avant de laisser l'ingé-son faire sa tambouille au milieu de tout ça... L'ensemble finit par sonner comme une 'b-side' ou le 'bonus-track' japonais d'un vieux Judas Priest... Dommage lorsque l'on voit l'application des musiciens l'accompagnant - encore une fois d'anciens du groupe de Ronnie regroupés dans le tiercé récréatif et gagnant Pilson/Aldrich/Appice - , se faisant plaisir jusqu'à nous offrir un surprenant démarrage - limite « country/metal » - qui nous empêche de reconnaître le morceau pendant une petite fraction de secondes !
Difficile par contre de s'extasier outre mesure face cette fois à un "I" (extrait du Deshumanizer de Black Sabbath, et judicieusement ressorti par Heaven and Hell les dernières années), plus convenu même ainsi dépoussiéré (et ce même si l'ex-Rainbow/Dio Jimmy Bain y tient la basse et que Rowan Robertson, le petit oublié parmi les guitaristes de Dio, y brille de mille feux.... Tiens, il n'a pas été fait appel à Tracy G., par contre?!...). Il faut dire que la prestation particulièrement téléphonée elle aussi d'Oni Logan (Lynch Mob et actuel Dio Disciples, le 'tribute band' officiel...) dénote un peu avec celle des excellents vocalistes, non interchangeables eux, présents par ailleurs sur cet album.
En guise de clôture, Wendy Dio, initiatrice de ce projet, a eu la brillante idée de laisser le mot de la fin à Ronnie lui-même... Sur ce "This Is Your Life" (morceau qui donne son nom à cet album-hommage mais qui fut enregistré par Dio sur son album Angry Machines de 1996) - et que nous ne résistons pas au 'plaisir coupable' de vous faire réécouter une fois encore ci-dessous - , le chanteur nous parle ainsi de la vie et de notre propre mortalité, nous invitant à profiter de chaque opportunité et de chaque instant de notre furtive vie terrestre, au regard de l'issue tragique de la mort qui vient prématurément nous enlever à nos proches tout autant qu'à nos rêves et désirs inassouvis. Dédié plus ou moins directement à ses fans (qui en ont depuis fait son épitaphe sur Youtube et les réseaux sociaux...), ce simple 'piano-voix' en duo avec son fidèle claviériste Scott Warren révèle et réveille dans son inteprétation la fibre 'Mercurienne' (pensez Freddie...) du bonhomme, et achève cet album en même temps qu'il vient nous achever aussi, « émotionnellement » parlant... Achever aussi de nous convaincre que Monsieur Ronnie James Dio n'était pas seulement un musicien/chanteur d'exception, mais bel et bien un être rare, qui n'a pas bouleversé la scène que par sa seule musique, mais également par sa manière d'être, sa sollicitude, sa persévérance et la force de ses convictions. Une personnalité unique, à jamais regrettée...
En attendant donc un hypothétique deuxième volume (dans lequel on espère retrouver un peu plus d'hommages aux performances immortalisées avec Black Sabbath, car un "Children of the Sea", "Heaven and Hell" ou même un "Falling Off the Edge of the World" et autres "Over and Over" n'eurent pas été de refus, en ces circonstances !), nous ne pouvons que vous recommander chaudement l'acquisition 'légale' (n'ayant pour l'heure pas encore eu entre les mains le livret, on ne peut que supputer qu'il sera agrémenté de chouettes photos d'époque...) de ce convaincant témoignage ô combien actuel de la valeur et de la pérennité de l'oeuvre de Dio, non seulement pour la "bonne cause" comme on dit (si la sacro-sainte « égalité » et la notion de partage ne s'obtiennent pas partout ailleurs, elles se retrouvent inconditionnellement dans la tranchante lame de la maladie-couperet qui ne fait pas de sélection, pour ainsi dire...), mais également car vous aurez ainsi en votre possession un chouette recueil d'hymnes intemporels repris pour la plupart avec beaucoup de bon goût et de dévotion, et que vous aurez certainement à coeur de ressortir régulièrement en guise de commémoration 'métalleuse'.
LeBoucherSlave
8,5/10
(cliquer ici pour les paroles...)