Bathory – Hammerheart (1990)

Coeur de viking !

10 ans déjà... Thomas Forsberg alias Quorthon aurait fêté ses 48 ans cette année, sorti au moins deux Nordland supplémentaires et certainement d'autres surprises, si le destin n'avait pas voulu qu'en ce 3 juin 2004 la légende s'éteigne de toute source de vie après une crise cardiaque seul chez lui. Ce n'est d'ailleurs que quatre jours plus tard que son corps sans vie sera découvert, une mort indigne d'un tel homme un peu à l'image d'un Valfar (Windir) décédé en solitaire dans la neige scandinave.

Un viking des temps modernes nous avait ainsi quitté laissant derrière lui bon nombre de chefs d'oeuvre avant-gardistes qui, encore aujourd'hui, constituent une large inspiration dans le monde du metal extrême ou celui plus pagan mélodique. C'est vers cette branche plus proche des Falkenbach ou Primordial d'aujourd'hui que nous allons nous concentrer, inutile après tout de revenir sur le passé heavy/black déjà conté par LeBoucherSlave dans sa longue diatribe postée plus tôt et consacrée à Under the Sign of the Black Mark (1987). Penchons-nous donc plutôt sur un véritable tournant dans la discographie de l'artiste : le grandiose Hammerheart paru en 1990.

Blood Fire Death avait posé les jalons d'une musique à la fois aérienne et puissante, propice à la visualisation de joutes historiques nordiques, l'ultime morceau éponyme de cette brillante galette propulsant Bathory dans un nouveau genre ainsi créé : le viking metal. Lorsque l'on évoque ce courant, Hammerheart vient de suite à l'esprit, étroitement lié à son petit frère Twilight of the Gods qui viendra l'année suivante, une oeuvre à jamais gravée du sceau d'une écriture aussi géniale que spontanée.

Dès la pochette, nous sommes sans équivoque plongés dans un univers profondément nordique dédié aux guerriers d'antan qui en décousaient pour protéger leur village en rendant hommage à Odin. Cela tombe bien, c'est un peu là le concept de l'opus, mis en image par une jaquette finalisée par Quorthon himself et inspirée d'une peinture de Sir Frank Dicksee intitulée "The Funeral of a Viking". A partir de là, le voyage peut commencer, une véritable immersion musicale de laquelle chaque coeur metalleux avide d'aventures ne peut sortir indemne. 

Funeral of a Viking painting

Avant d'embarquer sur le drakkar, faisons un petit aparté sur l'enregistrement de cet opus. Une nouvelle fois mis en boite dans les Heavenshore Studios de Stockholm dès l'été 1989 soit juste après la sortie de Blood Fire Death, Quorthon s'entoure une nouvelle fois de ses obscurs acolytes Vvornth et Koothar à la batterie et à la basse. Jamais leur nom ne fut révélé, entretenant ainsi un mystère qui a encore du mal à être élucidé aujourd'hui : certains diront que l'ami Thomas changeait souvent de partenaires, ne voulant pas faire de Bathory un groupe fixe afin d'en garder le contrôle absolu, d'autres prétendant que ces deux énergumèns n'ont en fait jamais véritablement existé. Quorthon aurait ainsi parfois agi seul, surtout qu'on savait l'homme capable de jouer chaque instrument... peut-être fut ce le cas sur ce Hammerheart ? Le feeling de votre rédacteur pense que cela est le cas, tant le tout forme un ensemble organique avec ses petites imprécisions qui en font tout son charme. Bref, ce n'est que le 16 avril 1990 que la version définitive du CD sortira dans le commerce, une nouvelle produit par le label Blackmark Productions de Borje Forsberg qui n'est nul autre que le père de Quorthon, chose qu'à l'époque beaucoup ignoraient.

Un voyage donc. Dès les premières secondes, des vagues s'échouent paisiblement sur la rive, une guitare s'approche en clean d'acier... l'appel à l'aventure qui progresse lentement pour prendre doucement aux tripes. Puis le chant de Quorthon se fait doux, pas forcément juste mais émotionnel... "Shores in Flames" s'installe et se déguste comme un incontournable, un tube viking en puissance épique entre ambiance et gros riffs bercés de cris improbables comme seul Quorthon savait nous en offrir sur des bases thrash/pré-black auxquelles l'homme nous avait déjà habitué auparavant, mais avec une certaine classe supplémentaire. Lorsque cette introduction fleuve (11 minutes, titre le plus long de Hammerheart) se termine au son du gjallarhorn, on sait d'emblée que ce disque sera mythique dans le monde du metal.

Quorthon en 1990 avant la sortie de Hammerheart

Quorthon en 1990 quelques semaines avant la sortie de Hammerheart
 

Cette dualité entre puissance exarcerbée et ambiances finement travaillées marquera d'ailleurs ce Hammerheart au fer rouge, tout le génie de l'artiste se fait ainsi rendant le concept encore plus fort et surtout 100% authentique. Rarement autant de conviction a pu être ainsi rendue en musique, chaque note semble portée par une certaine énergie intérieure ce qui rend notamment le chant de Quorthon torturé et habité comme jamais, et ce avec les imperfections quasi indispensables qui vont avec. Alors certes cela peut choquer ou faire tiquer l'oreille, mais si on va au-delà et que l'on se concentre sur l'imagerie ainsi créée on ne peut qu'adhérer et se laisser aller, le tout dans une certaine cohérence observée titre par titre. Comment résister par exemple à ce "Father to Son" en mode storytelling improbable, bercée de certaines maladresses sur son pré-refrain mais empli de passion, à l'image de tout ce que peut transmettre un père à son fils. Sur "Baptised in Fire and Ice", ce qui est peut-être le meilleur riff de l'album se voit sublimé par une structure osée et un Forsberg qui martèle ses paroles sans sourciller, osant même quelques passages quasi extrêmes à s'en arracher le coeur (mais sans aller dans un black metal des plus caricatural). Sur "Valhalla", on sent même la cohérence conceptuelle tant elle fait directement suite à "Shores in Flames" jusque dans ses paroles, là où une touche un peu plus fuzzy/saturée apparait pour marquer le côté mystique du paradis nordique. Quant à "Home of Once Brave", peut-être le "moins bon titre" (toute proportion gardée) du disque, elle s'ambiantise par moments façon black atmosphérique (style qui n'apparaitra véritablement que plus tard) jusqu'aux complaintes chantées de notre héros à l'âme nostalgique.

Outre cette banque de chansons plus ou moins reliées entre elles dans leur approche et leur thème, Quorthon se permet également de jouer avec nos nerfs ou notre âme. La conclusion "One Rode to Asa Bay" (notez le jeu de mot subtil avec "Road", "Rode" étant la forme prétérit du verbe "Ride" - merci le prof d'anglais) est tout sauf accrocheuse. En un sens, elle sert de point d'orgue final quasi épistolaire sur la dernière aventure d'un viking prêt à tout... Une longue complainte étrange sans véritable refrain où l'atmosphère pagan viking suinte de partout, de quoi servir de point de départ aux Falkenbach ou Moonsorrow qui suivront ses pas (intro de gimbarde à l'appui). L'effet de longueur (plus de dix minutes) peut se faire ressentir mais l'artiste nous convainc en jouant avec de multiples effets aussi simples que magistraux, laissant quelques touches early grunge apparaitre sur la fin (on sait que plus tard Quorthon sortira deux albums solo dans ce genre) avant ce "It's only just begun" soulignant que chaque long voyage qui se termine n'est au final que le début d'une autre épopée. Outre cette dernière chanson qui servit de seul vidéo clip officiel à Bathory, comment ne pas évoquer ce "Song to Hall Up High" des plus touchants ? Une ballade que l'on retrouve inexplicablement sur la même piste que "Home of Once Brave" sur une réédition, même si cela est en quelque sorte logique puisque son fade out annonce le morceau qui suit. Une ballade donc, une vraie, en toute intimité et magnifiée par des choeurs aux harmonies intelligentes et maîtrisées par un Quorthon plus appliqué que jamais. Sur ce titre, on peut être sûr que l'homme fait tout, si ce n'est les mouettes placées en sample. Un hommage au dieu Odin des plus exceptionnels pour un titre très court mais  intemporel.

Voilà un tour d'horizon sommaire du contenu brut de ce CD au fil de morceaux ayant chacun sa propre puissance. On peut aussi observer ici et là que Bathory fait honneur à ses influences de l'époque. Nul ne peut nier que Metallica figurait parmi les coups de coeur de Quorthon, on y frôle presque même le plagiat sur "Baptised in Fire and Ice" (intro à la "Ride the Lighting" detected) et surtout sur "Home of Once Brave" qui doit clairement sa conclusion à "For Whom the Bell Tolls" ; il faut dire que la prod des Metallica d'antan étaient un peu une référence pour chaque metalleux qui essayait de se forger un gros son. Evoquons également Manowar sur le côté épique qui donne ainsi naissance au "battle viking metal", l'homme était un grand fan des premiers opus du combo américain. Quant à Ace Frehley, guitariste préféré de Quorthon, il a su insuffler son style de guitare très acéré suinte à chaque solo ou presque. De toute façon, c'est indirectement par le très évocateur "God of Thunder" de KISS que tout a commencé, jusque dans les paroles au-delà même de ces rythmiques lourdes, pesantes et inquiétantes.

Hammerheart est donc sans contestation possible une pierre angulaire de Bathory et du metal scandinave, pas forcément facile d'accès ou d'écoute ni dénuée d'imperfections mais les faits sont là. On pourrait en parler des heures et s'éterniser sur les routes nordiques, mais trop de mots seraient inutiles face à la grandeur musicale de ce qui reste à ce jour (du moins pour votre serviteur) l'album le plus abouti de Quorthon. D'ailleurs, je n'ai déjà que trop parlé, alors pour ceux qui ne connaissent pas encore jetez-vous sur cet écrin de beauté virile, pour les autres vous savez déjà de quoi je parle de toute façon...

Source et info suppélementaires sur le site officiel de Bathory 
 

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NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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