Comment troller un chroniqueur dans les règles de l'art ? Nommez votre groupe Castle, et collez à votre disque un titre bien qui va bien, du genre Under Siege. Pas besoin de vous faire un dessin, donc, pour expliquer qu'en allant sur Google Image, ce n'est pas directement sur la jaquette de cet album que vous tomberez. Pochette assez … particulière, par ailleurs. Mais on est pas là pour discuter esthétique. Notre trio américain n'est pas un nouveau venu sur la scène metal, bien ancré depuis cinq ans maintenant dans un registre heavy teinté de doom qui attira la curiosité des amateurs du genre. Mais pas seulement, car le label Van Records (qui détient également des formations du calibre de The Devil's Blood, Vanderbuyst ou Gold – non pas les français) compte ce combo dans son écurie. Ce troisième disque, donc, aura la tâche de convaincre le public que nous avons à faire là à des musiciens qui méritent une oreille attentive. Du moins, cela semble être un objectif raisonnable.
Les écoutes de cette nouvelle offrande ne laissent aucun doute : le son de Castle a changé. A présent, les titres dévoilent une orientation plus facile d'accès, plus directe tout en conservant les éléments doom qui ornaient les galettes précédentes. Cette évolution démontre l'amour des trois musiciens pour les pionniers du genre, Black Sabbath en priorité, mais l'ensemble est exécuté avec passion et énergie. Indéniablement, le but ici est de se faire plaisir avant tout, sans pour autant dérouter ceux qui suivent la jeune formation depuis ses débuts. On y reconnaît donc aisément le son que le combo instaure depuis trois albums désormais, mais ce qui semble transparaître de ce Under Siege est un évident gain de maturité.

Castle, un édifice solide.
En effet, chaque morceau trouve sa place dans ces trente-trois minutes courtes, mais intenses. La grande force de cette mouture est, tout simplement, de ne posséder que de rares moments de faiblesses, laissant place avant tout à l'efficacité. Le maître mot, c'est d'être accrocheur, et là, difficile de ne pas être emporté par les pièces présentées ici : dès l'opener « Distant Attack », il est évident que la bande souhaite durcir le ton. La formule est un réel succès, tant les divers éléments sont bien agencés. Que ce soit les riffs, suffisamment puissants pour offrir une fondation solide, le refrain catchy au possible, un solo inspiré ou la voix plus rocailleuse qu'auparavant d'Elizabeth Blackwell, tous les ingrédients sont réunis.
Si les transformations sont musicales, elles sont aussi vocales. La voix singulière de la chanteuse / bassiste du groupe est à présent plus incisive, plus grave, et ne plaira certainement pas à tout le monde tant le timbre de la jeune femme est difficile à appréhender. Déroutant au départ, il faudra son lot d'écoutes pour s'habituer à la façon de chanter de la musicienne, sortant de l'ordinaire, et semblant peu axée sur la technique en elle-même. Néanmoins, dans chaque registre où elle évolue, la frontwoman parvient à communiquer de l'émotion, et à s'insérer parfaitement au sein des pistes. Ne serait-ce que dans la mystérieuse « Be My Ghost », où l'ambiance et le chant retrouvent les teintes doom délaissées sur quelques uns des titres de cette offrande. Réussissant ainsi à contribuer à la mise en place de l'atmosphère, les cordes vocales d'Elizabeth deviennent une composante majeure pour Castle, voir même une grande part de l'identité du trio américain.
La crainte d'un disque uniforme, reprenant les mêmes ficelles à chaque morceau est dissipée par les influences diverses et variées apportées soigneusement par le trio lors de l'écriture des pistes. On peut ainsi prendre l'exemple d'un « Labyrinth of Death » qui, grâce à son feeling plus rock, se détache très clairement du reste des titres proposés. De même que « Be My Ghost » déjà mentionnée, « Pyramid Lake » dénote par son ambiance sombre et sa lourdeur. Le massif « Temple of the Lost » aura vite fait de fédérer par sa rythmique massive et sa combinaison des genres tout ce qu'il y a de plus réussie. Inutile de procéder à un track-by-track concernant cette galette, car chaque morceau mérite une écoute.
Avec Under Siege, Castle offre un opus digne de ce nom, fort bien composé et interprété. Chaque musicien est en place, et bien que les influences du trio sont identifiables à vue de nez, ces jeunes américains parviennent pourtant à se démarquer grâce aux nombreuses qualités dont ils font preuve ici. Sans être les plus réputés ou les plus reconnus dans la mouvance heavy / doom, l'entité conçue par Mat Davis et Elizabeth Blackwell continue son chemin, en ne laissant jamais l'inspiration derrière elle. Une bonne surprise, qui mérite réellement l'attention des amateurs du genre. Espérons qu'à l'avenir, on entende un peu plus parler d'eux.
PS : Vu que leur page Facebook n'est pas évidente à trouver non plus (c'est pas drôle sinon), vous pouvez y accéder en cliquant ici.


