Entretien avec Lofofora au Hellfest 2014

"On leur a sorti la tête du cul !"

A l'occasion de leur passage au Hellfest, les Lofofora on prit de leur temps pour répondre aux questions des Chroniques de l'Ouest et de La Grosse Radio. On y (re)découvre un groupe qui a su rester simple avec une énergie incroyable. Des convictions aussi, quand Reuno évoque le combat des intermittents du spectacle.

Une entrevue réalisée en grande partie par Seb des Chroniques de l'Ouest.

Chroniques de l'Ouest : Comment avez-vous vécu ce passage sur la mainstage du Hellfest? Quelles sont vos premières impressions?

Reuno : C'était impressionnant, ça nous foutait un peu les chocottes quand même, parce qu'on a pas si souvent que ça l'habitude de jouer devant autant de monde. Et puis un dimanche à 12h15 généralement je ne suis pas sur scène, donc ça faisait vraiment chelou. C'était aussi impressionnant de voir qu'il y avait plein de monde qui avait sûrement mis son reveil et qu'arrivait la tête dans le cul, pile poil à l'heure pour nous voir. Et ça c'est vraiment touchant.

Vincent : On leur a sorti la tête du cul !

Reuno :  C'est ça ! On a fait le chausse pied.

Vincent :  Le chausse tête !

Lofofora interview Hellfest 2014

CDLO : L'année dernière vous étiez là mais avec le Bal des Enragès, j'imagine que pour cette édition c'est une nouvelle façon de voir le Hellfest

Reuno : Ben là c'est sûr, on a joué sur une des deux mainstage et même si c'est tôt, c'est quand même impressionnant. Tu es quand même dans la place où quelques heures plus tard Ozzy Osbourne va mettre ses pieds ! Et c'est quand même quelque chose qui cause. Et puis tu joues tes propres morceaux. Le bal c'est une bonne expérience, très intense aussi mais cela reste des reprises.

CDLO : Avec ce matin un public qui était assez réceptif.

Reuno : Ben ouais grave !

CDLO : Un public avec un jolie de nuage de poussière au-dessus !

Reuno : Carrément ! C'était fou !

CDLO : Vous en avez profité pour annoncer le titre  de votre prochain album et jouer un morceau "L'innocence". Comment avez-vous abordé la création de cet album ?

Reuno : Ben tu sais nous ça se passe un peu comme un pique-nique entre potes, tu vois ! Qu'est-ce que tu as amené? Tu as amené du taboulé, moi j'ai du jambon, moi j'ai une bouteille de rouge et puis tu arrives à faire un repas.

Daniel : C'est parti timidement, on a commencé à faire 2-3 répèts l'été dernier, ont avait 2-3 idées. On a fait une petite pause,  puis on s'est revu à l'automne et puis là c'est parti au fur et à mesure. On s'est dit à un moment qu'il fallait qu'on fasse quelque chose.

Reuno: C'était sur une période durant laquelle même s’il y a eu une première période de travail, ça nous laissait une image assez floue de ce à quoi pourrait ressembler l'album. Et du coup,  ça c'est finalement fait sur une période assez concentrée. Donc c'est finalement là, en ce moment qu'on commence un peu à  avoir du recul. Et encore du recul c'est un peu exagérer , mais un peu une image de ce à quoi peut ressembler cet album. Enfin on l'a déjà eu quand il a fallu se mettre d'accord sur un tracklist car il y a pas mal de choses différentes. Comme  à l'époque sur des albums comme "Dur comme fer" ou "Le fond et la forme", sur lesquels il y a pas mal de morceaux dans des ambiances différentes.

CDLO : Celui-ci sera donc peut-être différent de "Monstre ordinaire"? Peut-être moins heavy, moins lourd?

Reuno :  Bien qu'il y en a quand même. (Tout le groupe aquiesce sur cette réponse)

Vincent : Il est autant rentre dedans en fait ! Même s'il y a des morceaux mid tempo. Et en même temps on se concerte pas pour se dire, il faut que l'album soit violent ou au contraire qu'il soit plus cool. Ça sort comme ça. Après tout ça fait son chemin et ça donne ce que ça donne à la fin.

Reuno : Je me rappelle que lorsqu'on a fini "Monstre ordinaire" il y a Phil dans un élan d'enthousiasme qui a dit un truc du genre : "de toute façon, avec Lofo on a une formule qui est inépuisable". Enfin tu vois on a le droit de tout se permettre avec ce groupe là. On s'est déjà permis des choses vraiment hypers  différentes et ça reste du Lofo. Parce que je pense qu'on a notre patte et je pense que cet album en est encore la preuve. Je pense qu'il y avait des choses que l'on n’avaient pas encore faites auparavant. Et il y a pas mal de gens qui pensent que c'est un condensé dans les émotions de tout ce qui a pu être fait chez Lofo depuis le début. Moi je trouve que lorsqu'on écoute l'album les quatre premiers morceaux c'est presque la suite directe de "Montres ordinaires"et après ça arrive sur d'autre ambiances. Mais c'est vrai qu'il commence assez heavy, assez tranchant cet album là.

CDLO : Vous avez aussi la capacité de réunir plusieurs générations.

Reuno : Ca c'est dingue, ça c'est malade !

CDLO : Vous avez une explication à cela?

Reuno : C'est parce qu'on est vraiment super bon (rire général !)

CDLO : Ben les mecs ! (je mime un truc un peu salace qui déclenche des rires)

Reuno : Là, il a fait un signe masturbatoire le monsieur qui tient le magnétophone, je tiens à  le dire car ça se voit pas trop à la radio !

CDLO : C'est vrai que c'est impressionnant, cela fait plusieurs fois que je vous vois en concert et à chaque fois ça réunis tous les âges.

Reuno : En fait on a des ados qui ramènent leurs parents et des parents qui ont fait écouter à leurs enfants. Maintenant ça fait plus de 20 piges qu'on est sur les routes donc du coup ont est déjà sur deux générations. Le public de Lofo en tournée, va de 13 à 60 balais ! Il y a des gens qui avaient 10-15 ans de plus que nous et qui nous écoutaient quand ont a commencé et certains viennent encore. Et il y a des mômes qui ont 14 ans qui viennent nous voir, des étincelles plein les yeux nous dire je vous ai découvert il y a 6 mois et vous êtes mon groupe préféré ! C'est génial !

CDLO : C'est peut- être dû au fait que vous gardez une certaine proximité avec votre public?

Reuno : C'est pas qu'on essaye mais c'est qu'on sait pas faire autrement. C'est juste ça. Tu vois tout à l'heure avec Daniel on a passé juste 20 secondes à parler avec un mec de la sécu qui est à l'entrée et tout le monde qui lui passe devant sûrement sans lui adresser la parole de la journée. Tu sens que ces gars-là font le boulot avec toi ! Ce matin quand on est arrivé, j'ai pris un café, il y avait une meuf sur le stand de bouffe, je lui dis bonjour et elle m'a regardé avec les yeux écarquillés et elle me dit "t'es la première personne qui me dit bonjour" ! Attends, en même temps  j'ai bien vu que c'était pas un distributeur de gobelet ! On est comme ça dans nos vies. Je dis bonjour à la boulangère quand je vais acheter mon pain, je vois pas pourquoi je dirais pas bonjour à la meuf qui est là à remettre du café ou au mec qui fait les salades. Et puis les gens du public c'est pareil ! Moi tout à l'heure CROWBAR, c'est un des groupes que j'avais envie de voir aujourd'hui, j'ai pu voir quelques morceaux mais à un moment sur le côté de scène ça me saoule, du coup j'ai été voir devant avec le public. C'est là que ça se passe, c'est dans cette direction que les mecs balancent l'énergie. Cette proximité qu'on a avec le public c'est parce qu'on reste comme on est. Maintenant quand on est hors de scène, le spectacle il est fini. À un moment il y a deux poids deux mesures. Ça m'est arrivé de me faire interpeller au supermarché "T'es pas le chanteur de Lofo?" mais parfois t'es pas d'humeur. J'ai déjà répondu ben ouais mais là non !  Là je suis avec ma meuf je fais les courses, ou tu es avec ta gamine tu fait un truc, tu as pas forcément envie d'être le chanteur de Lofo 24/24. Tu vois ce que je veut dire? Toi tu as peut-être un boulot et tu n’as peut être pas envie que partout on dise, tient c'est le mec qui bosse chez machin.

CDLO: Pour ce qui est de la proximité, j'ai toujours l'impression que Lofo est jamais très loin. Il y a toujours un concert de Lofo dans le coin. C'est vrai que c'est une présence assez incroyable. IL y a peu de groupes comme ça qui tournent.C'est comme les Tagada Jones, j'ai toujours l'impression que dans deux mois il vont être à côté de chez moi et que je peux aller les voir.

Reuno : C'est ça qui m'a vraiment foutu sur le cul du monde qu'il y avait aujourd'hui. C'est que je pense que pleins de gens nous voient 2, 3 ou 15 fois. Ont a des mecs qui nous ont vus jusqu'à 90 fois quand même. Didier nous a vus combien de fois? je crois que c'est bientôt sa 100ème fois !

Vincent : En fait il avait gardé tous les tickets d'entrée de Lofo, il en avait 95, mais il a jeté une boîte à chaussure quand il a déménagé dans laquelle il y en avait plus de 30.

Reuno : Et merde ! Là il est bon pour 30 concerts de plus, sinon ont le croira pas. Donc tu vois même les mecs qui viennent  faire 100 concerts de Lofo ont les appels par leurs prénoms. C'est un peu comme des tontons de passage, avec qui on va boire l'apéro. Nous ça nous va le côté bonne franquette, on n’ a jamais voulu se la péter avec des feux d'artifice, c'est pas le genre de la maison.

Vincent : Ben faudrait peut-être !

Reuno : C'est vrai remarque ! (à vincent) Déjà avec tes lunettes noires en interview on est bien partis là.

Lofofora interview La Grosse Radio Hellfest 2014

CDLO : Un petit mot sinon sur l'actualité et le combat des intermittents pour conserver leur statut.

Reuno : Faut arrêter de croire que ces mecs là profitent du système. Le Medef prétend que ça coûte un milliard alors qu'en réalité ça coûte 130 millions. Tout de suite un milliard dans la tête des gens ça fait un coup d'éclat alors que c'est complètement faux ! Pourquoi un tel mensonge? Qu'est-ce qu'ils ont de leur côté à se reprocher? Augmentation de 30% de la fiche de paie de Pierre Gattaz patron du medef, ça c'est pas des conneries. J'aimerais bien savoir qui a vu son salaire augmenté de 30% cette année, sûrement pas les intermittents.

Il faut arrêter de dire que ce sont des faignants alors que la plupart des mecs quand ils déclarent 8h en bosse 16 ! Quand ils montent une scène ou qu'ils démontent une scène, les mecs ne sont jamais payés sur toutes les heures qu'ils font. IL faut arrêter de croire ce que dit la télévision.C'est vraiment toutes les chaines de télé et les boîtes de prod qui niquent le système d'intermittence en déclarant jusqu'à leurs secrétaires, leurs femmes de ménage comme intermittents du spectacle. Même les gens qui travaillent sur les éditions des journaux télévisés sont déclarés intermittent du spectacle. Alors si le journal télévisé c'est du spectacle, cela veut dire que ce n'est plus du journalisme, donc il y a un gros truc là.

Si ça fait chier le monde de se dire que ça coûte 130 et quelques millions par an le système d'intermittence, ça coûterait peut-être 130 millions de moins si on était des chômeurs comme les autres mais à partir de ce moment-là il y aurait beaucoup moins de spectacles, il se passerait beaucoup moins de choses d'un point de vue culturel dans toutes les villes en France. Ça veut dire un manque à gagner pour toute l'économie qui se greffe autour de la culture et aujourd'hui la culture en France ça rapporte plus que l'industrie automobile qui est complètement à la traine. Et qui enrichit toujours les mêmes vieilles familles depuis des décennies.

Il faut arrêter de croire ce que dit la télévision parce que ce sont eux qui niquent ce système et ils diront jamais la vérité ! L'autre coup même Jack Lang sur Canal + ils l'ont interrompu au moment où il allait aborder le sujet des permittents de la télévision en France. Donc c'est pour dire que le sujet est vraiment plus compliqué que ce qu'on veut nous faire croire. Un intermittent doit cotiser plus pendant moins longtemps pour être beaucoup moins indemnisé en temps et en argent que n'importe quel chômeur. Donc c'est sûrement pas ces gens là qui profitent du système. Les Français ont payé pour la Société Général, pour le Crédit Lyonnais, pour Bernard Tapis, pour toutes ces saloperies là. La fraude fiscale c'est 60 milliards par an en France, on est très très loin des 130 millions pour les intermittents. Voilà ce que j'avais à dire.

Vincent : Tu as failli t'en prendre une là (rire)

CDLO : En effet il a l'air très très énervé (ndlr : A juste titre !)

Reuno : Désolé, c'est que parfois je m'enflamme vite.

CDLO: Mais je comprends

CDLO : J'aimerais revenir sur une histoire qui a donné lieu à un article publié par mes confrères de La Grosse Radio. Un jeune homme qui avait mis vos albums en libre téléchargement sur son site internet. Qu'en est-il de cette histoire?

Reuno : C'est l'éternel débat qui revient tout le temps. C'est vrai j'ai vu que La Grosse Radio avait partagé le truc. Et du coup j'ai même été partagé par le Twitter de la SACEM, ce qui est complètement incroyable ! Rien que sur notre Facebook il y a je crois 60000 personnes qui ont vu ce truc là. Donc oui j'avais poussé un coup de gueule !

Le truc c'est que c'était un échange de mails que j'ai eu avec le gars, je l'ai un peu torché, j'ai été un peu virulent avec lui mais ce n’était pas prévu pour être publié sur notre Facebook à la base. Mais seulement le mec après il a commencé à nous chier dans les bottes sur son truc. Donc histoire que les choses soient claires tout de suite, j'ai voulu couper court en publiant toute la conversation. Et donc voilà, c'est un jeune homme qui sous un titre plus ou moins anarchiste et révolutionnaire mettait nos albums, notre discographie en téléchargement libre. Et même pas via un deposit files, c'est vraiment lui qui hébergait nos albums. J'ai trouvé cela un petit peu exagéré qu'au nom de l'anarchie et du partage mette en libre accès quelque chose qui ne t'appartient pas.

C'est pas une question de thunes, moi j'en ai rien à branler ! Le mec il aurait fait son best of de Lofo, il l'aurait filé comme ça, j'aurais jamais rien dit ! Tu vois un mec qui aurait envie de venir faire des photos, c'est la première fois qui fait des photos mais bienvenu mec! Si l'orga est sympa on lui fera avoir un pass photo, backstage ont boira des coups ensemble. Si tes photos tu as envie de les vendre après mais vend les, il y a pas de soucis. Les mecs qui veulent faire des pirates de Lofo et qui les vendent mais il y a pas de soucis avec ça. Mais faire style : oui, libre partage et tout ! Sans déconner. En plus la plupart c'est des pauvres geeks qui ont pas de vie, qu'habite encore chez leurs parents à 35 balais, excuse-moi mais bon voilà ! A un moment tu as envie de dire vas-y fait ta vie ! Fait ton groupe, vois l'énergie que cela prend! C'est trop facile sinon ! Il y a des gens qui disent : ouais la culture il faut que ce soit gratuit ! Mais va te faire pousser un djembé ! Lâche moi la grappe sans déconner !

Phil : Moi je voudrais rajouter un truc par rapport à ça. C'est que ça vient de gens qui sont des pseudos punks et dans les années 80 tu aurais fait un truc comme ça , c'est-à-dire mettre toute la discographie d'un groupe, la donner, le mec il aurait été pendu sur la place publique ! C'est des mecs qui portent des crêtes mais là ils sont carrements à coté de la plaque. A l'époque si un mec avait brandi tous les albums des Bérurier Noir en disant : « ouais ils sont gratuits », ben le mec il se faisait pendre.

Lofofora interview La Grosse Radio Hellfest 2014

Ju de La Grosse Radio : Pour recontextualiser l'actualité, annoncez donc le nom de l'album aux lecteurs et auditeurs.

Reuno : Donc l'album va s'appeler "L'épreuve du contraire", c'est un jeu de mots avec "les preuves du contraire". Il y a 14 titres, il dure 55 mn je crois et ça sort le 15 septembre prochain chez A(t)home. Avec une magnifique pochette faite par Phil. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas sorti ses crayons pour faire une pochette. Je le connais depuis longtemps ce gars-là et je vais te dire, je crois que c'est le plus beau dessin qu'il n’ait jamais fait et c'est la prochaine pochette de Lofo. Il a fait plusieurs dessins et ça déchire et ça fait plaisir !!

Ju LGR : Un petit mot de la fin pour les fans français de Lofo et les étrangers aussi je crois.

Reuno : Ouais il y en à quelques-uns mais ça doit être des Français émigrés.

Ju LGR : Et au Japon ? parceque parfois les groupes français marchent là bas.

Reuno : Ben on n’a jamais mis les pieds là-bas. Mais des fois sur nos feuilles SACEM on voit qu'on a vendu deux albums en Chine ou des trucs comme ça ! Je pense que ce sont des expatriès, obligé ! Un coup, on a eu un témoignage de quelqu'un en Europe de l'est, une nana qui est complètement à fond de nous juste parce que elle a un pote qui est venu en vacances, un Français qui lui a fait écouter et maintenant ils sont quelque-uns à nous écouter là bas et ça fait super plaisir. C'était en Bulgarie ou un truc comme ça.

Sinon rendez- vous sur la route, à partir du 13 septembre et jusqu'à la fin de l'année pour un bon paquet de dates. Avec la patate et des nouveaux morceaux.
 

Entretien à retrouver également sur le site des Chroniques de l'Ouest
 

Photos : © 2014 Seb Photos
Toute reproduction interdite sans autorisation écrite du photographe.
 

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