S'il y a une chose que je sais pertinemment, c'est que je ne suis pas le chroniqueur idéal pour me lancer dans l'analyse d'un disque de metalcore. Mon appréciation pour ce genre étant quasi-nulle, les probabilités sont très élevées pour que je n'adhère pas à la démarche musicale d'une formation officiant dans cette veine. Mais tout cela tombe bien, car non seulement je ne vais pas vous parler de ça, mais en plus j'ai réussi à combler quelques lignes gratuitement pour mon introduction. Malin, non? Bref, tout ce speech inutile pour présenter Return From the Grave, quatuor transalpin sévissant dans le business depuis 3 courtes années et touchant plutôt à un style plus familier pour votre serviteur : le stoner / doom. Car oui, mesdames et messieurs, les sorties sont nombreuses dans cette mouvance et les groupes ayant un minimum d'intérêt également. Gates of Nowhere, seconde livraison des vénitiens, est là pour nous prouver ou non que nos quatre joyeux lurons sont des musiciens accomplis, capables de nous transporter grâce à leurs instruments.
Si vous êtes en quête d'une identité claire et marquée, il est nécessaire de briser vos espoirs d'entrée de jeu en affirmant sans craintes que cette mouture est loin de briller par sa capacité à provoquer une véritable révolution dans l'univers musical auquel elle appartient. Il est évident que les musiciens connaissent leurs classiques sur le bout des doigts et que l'ombre d'un Black Sabbath ne cessera de planer au-dessus de cette galette, mais quand bien même la personnalité du combo se doit de s'affirmer davantage, la qualité d'exécution est tout à fait satisfaisante. Scolaire mais appliqué, le groupe parvient à offrir des compositions efficaces, où l'on devine un travail particulièrement important sur les guitares. Délivrant ainsi des riffs lourds et pesants, les titres gagnent en intensité à défaut de faire preuve d'originalité, et le résultat des efforts de la formation finit par se faire remarquer. Résolument courte pour le genre, l'offrande ne laisse que peu de places aux longueurs et privilégie un impact direct grâce à des refrains entêtants, et une atmosphère globale envoûtante. Ainsi, les défauts cités ci-dessus pénaliseront certainement Return From the Grave sur la durée mais les aspects positifs sont suffisamment importants pour que Gates of Nowhere fasse preuve d'un réel intérêt.
Des têtes de détérrés?
D'autant plus que la prestation vocale de Jacopo Semenzato est loin d'être déplaisante. Le frontman maîtrise son organe et parvient à délivrer une performance convaincante, capable de varier son interprétation pour mieux se fondre dans les ambiances instaurées par le quatuor. Tantôt agressif (« Words in Words », « Uncovered Fate »), tantôt plus sobre (« The Rage of Rays », « River in the Sky »), son timbre aux accents heavy se marie ainsi convenablement à l'ensemble musical. Sans aller jusqu'à octroyer toute la réussite d'une piste comme « Center of the Will » à sa voix, force est de constater que le chanteur parvient à trouver sa place avec habileté au milieu de ces riffs pesants et répétitifs. Cependant, les talents combinés de chaque protagoniste sont à saluer, construisant ainsi ces morceaux de très belle facture. L'entraînante « The Rage of Rays », aux influences rock assumées, est un exemple intéressant du savoir-faire des italiens, capables de croiser leur doom à d'autres styles, sans avoir le cul entre deux chaises. Cette cohérence est ainsi bénéfique au disque, qui évite l'écueil de la linéarité tout en étant à même de diversifier son propos. Aucun titre faible n'est à mentionner, et paradoxalement, aucun moment extrêmement marquant non plus. Tout s'écoute sans broncher, et les bons morceaux ne manquent pas (la plus longue « River in the Sky », la très pertinente conclusion « Inside Human's Soul ») …
… Mais il manque encore un goût de reviens-y plus prononcé, en dépit de toutes ces belles qualités. Disposant d'un frontman talentueux, de pièces bien composées et interprétées, de riffs solides et bien dosés, Gates of Nowhere est un album qui vaut la peine d'être écouté et mérite de l'attention. Cependant, on ne peut qu'encourager Return From the Grave à se démarquer des formations officiant déjà dans ce registre. Les bonnes idées sont présentes, la qualité d'exécution aussi, ne reste à présent qu'à affirmer une identité plus marquée. En attendant, il est tout à fait possible d'apprécier ce second méfait, qui place le combo italien dans le rayon des espoirs de la scène. A surveiller de près.
