Monarch! règne en maître
Le drone / doom, l'un des genres les plus inaccessibles qu'il soit pour de nombreux curieux, et surtout, l'un des pires à décrire pour un chroniqueur. Dans les formations officiant sur ce créneau, l'une d'elles marque nombre de ses sorties du sceau de la qualité supérieure. Le Monarch! nouveau est arrivé, mes amis, via Profound Lore Records cette fois-ci, une signature bien méritée compte-tenu du talent des musiciens. Sabbracadaver, première œuvre sur le fameux label américain, est un grand cru ne manquant ni de charme, ni de caractère. Ce type de disque qui laisse des sensations durables.
Habitude qui ne change pas avec Monarch!, on reste quantitativement dans une certaine parcimonie avec uniquement trois morceaux composants la livraison. Ce serait tout de même bien mal connaître les Français que d'imaginer de courtes pièces, rapidement digérées et oubliées. Chaque morceau culmine à plus de dix minutes au compteur et se relèvent être un véritable défi d'assimilation tant elles demandent aux premiers abords de conséquents efforts. Et, surtout, les musiciens parviennent ici à surprendre leur auditoire, encore et toujours, loin de se reposer sur de quelconques lauriers mais mettant à profit leur expérience pour se lancer dans de nouvelles recherches sonores. Offrande bien singulière, le son distinct et unique de Sabbracadaver n'est ni rassurant, ni apaisant. Les sentiments qui ressortent de l'écoute sont bien plus sombres.
« Pentagrammes » est un premier contact rude, mais donnant une certaine idée du type de musique joué par le groupe. Seulement une évocation, car rien ne tourne au redondant dans cet opus. Une première piste torturée, aux allures de cérémonie, qui monte en puissance alors qu’Émilie hurle à s'en damner, dévoilant toute son intensité jusqu'à la dernière minute. « She tastes like fear... », murmure la jeune femme alors qu'un magma bouillant s'empare de l'espace sonore. Sonorités électroniques, riffs lents et lourds, l'atmosphère est oppressante mais terriblement addictive. « Louves » et « Mortes » possèdent des caractéristiques similaires, mais jamais ne tombent dans une pâle copie, chaque pièce étant unique, dévoilant ses atouts.
Monarch! possédant plus d'un tour dans sa besace, les trouvailles ne manquent pas afin d'octroyer de l'intensité à ce doom possédé. La fin de « Louves » est déchirante, les chœurs féminins ornants Sabbracadaver laissent entrevoir la lumière, sitôt écrasée par un ensemble musical imposant, une section rythmique particulièrement impitoyable lorsqu'il s'agit de se donner corps et âme dans une ambiance pesante. La palette vocale d’Émilie est aussi large que la créativité du combo. Et surtout, le temps, allié précieux de la formation, sera ici un grand fléau pour l'auditeur. Car les Français développent leur son, minutieusement, s'étirant encore et encore sans jamais faiblir ou lâcher leur proie, dévoilant au passage une volonté nette d'être direct et de prendre aux tripes dès les premiers instants. Une envie contrastant avec la durée des morceaux, mais où la recette est parfaitement trouvée et une fois le dosage idéal en sa possession, le groupe se plaît à le réutiliser, en l'ajustant selon les titres. Effet dévastateur garanti.
Un disque qui en vaut la chandelle.
Une réussite de plus au compteur de Monarch!, si la réception s'y prête évidemment. Sabbracadaver est difficile d'accès, se gagnant au courage et à la persévérance, ce qui n'a rien d'étonnant finalement, tant ce paramètre semble inhérent au genre. La formation officie tout de même dans une voie qui lui est propre, détenant une personnalité bien affirmée, un son identifiable entre milles mais toujours différent d'une œuvre à l'autre, faisant toute la force des Français. Voilà qui mérite bien une écoute plus qu'attentive. Le jeu en vaut la chandelle, n'ayez aucun doute là-dessus.