Solefald – Norrøn Livskunst

*Une nouvelle chronique de Lionel/Born 666, très inspiré en cette fin d'année*

Bon, dans le Black Metal il y a les bizarres, les avant-gardistes, les post Black metalleux comme Arcturus, Skitliv, Vulture Industries et là, avec Solefald on est servi.

On en oublie même nos repères et on se demande ce qu’est véritablement la définition du Black Metal en 2010...

 
Au premier abord, si vous vous fiez à l’illustration, vous pensez acheter un énième album de Viking Metal à la Amon Amarth ou du True Black Metal à la Helheim. Sauf que...
 
On commence par « Song Til Stormen » une douceur nordique où le chant parlé vous emmène dans la nature comme savent très bien le faire les Norvégiens. Un vent glacial venu du Nord passe sous votre porte. On vous murmure, on vous raconte une histoire. Pour le moment, rien d’étonnant. Une voix claire vous berce, vous prend par la main ; c’est celle de Lars Nedland, alias Lazare, une des plus belles voix claires de Norvège. Il a officié notamment dans le combo progressif Age of Silence, dans Asmegin et Carpathian Forest et fait toujours partie de Borknagar. Solefald est son projet principal avec Cornelius.

C’est assez traditionnel. Quant au son, c’est du grand Art. On pourrait même dire que « Song Til Stormen » est en total adéquation avec la pochette du disque.

Pour le moment vos repères ne sont pas bousculés. Vous êtes toujours debout, la corne à la main, le bras tendu vers le Valhalla. Odin vous regarde. La vue est bonne, votre vision n’est pas encore troublée et l’ouïe à l’air de fonctionner.
 
« Hugerdi » vous assomme littéralement avec ses guitares d’une précision chirurgicale et incisives tel un canif dans la membrane de votre tympan. La dernière note teintée de cloche résonne encore longtemps à la fin de la chanson…

Cette agressivité portée par la batterie et par les guitares de Vangelis Labrakis s’écoule sur une voix masculine portée par un vent féminin fort agréable. Et là, c’est époustouflant. On approche du sublime. C’est autre chose et je tiens à nouveau à le préciser.

Laissez vos préjugés dans votre cave à torture et plongez dans ce bain musical pour ne plus en revenir. Et dire que l’album a pratiquement été écrit en vieux norvégien pour coller au concept d'une nation scandinave du début du 20e siècle qui découvrirait ses racines culturelles après de nombreuses décennies.

 
Sur « Tittentattenteksti » on retrouve Agnete Kjølsrud qui avait chanté sur « Gateways » du dernier album de Dimmu Borgir. Ce qu’elle arrive à sortir de sa poitrine est indescriptible, voire incompréhensible. Les voix masculines rampent derrière vous et tout ça avec des sampling organiques qui suintent une impression de malsain.
A 2:26 de la chanson, on entend Agnete crier un genre de « Be-Bop-A-Lula » à la sauce Sigue Sigue Sputnik ?!? Cette folle dame vous interpelle, vous provoque de sa voix aigue. Elle vous aguiche, vous retourne comme un rien. Et, pendant ce temps, les riffs très lourds des guitares vous assomment. Les voix sont haineuses et c’est à un échange verbal auquel on assiste.

 
« Stidsljod (Blackabilly) » commence par des « One Two Three,… », « Four, Five, Six,… ». C’est une structure Black Metal traditionnelle, dans un esprit très moderne. Mais où allons nous avec ces refrains impressionnants ? C’est d’une très grande envolée. Le break est calme, et on retrouve à nouveau des voix qui s’entremêlent. C’est théâtral, on pourrait imaginer être dans un film de Fellini sous Prozac poursuivi par des personnages allumés tout droit sortis d’un film de Kusturica.
 
Le batteur parvient à réaliser des prouesses avec une facilité déconcertante. C’est peut-être ça l’avenir de cette musique comme dirait Brian Setzer : du Blackabilly ! Quelle violence !

 
L’eucalyptus, pour moi ; ce sont des rangés ombragées d’arbres odorant qui bordent les départementales en Corse... pour Solefald c’est plutôt un saxophone qui nous souffle une fumée prohibée dans les narines et qui vous fait planer de suite. Les voix venues du ciel sur « Eukalypstustreet » vous ensorcellent. Une note de piano tourne autour de celle du saxo. La Whiskey Voice caverneuse vous transporte dans un club jazzy enfumé. Cette voix a vécu, elle a souffert. Bien sûr, ici rien à voir avec les canons du genre. Vers la moitié (le titre dure 9 minutes) des chœurs arrivent pour vous emmener vers une destination lointaine en crescendo.

 
Franchement je ne pensais pas qu’on pouvait en arriver à cet extrême. Je dis à ceux qui sont réticents aux stéréotypes du Black Metal d’ouvrir une oreille sur cet opus afin de pénétrer dans des méandres obscurs et indéfinissables d’un Black Metal peu ordinaire.

Ouf ! « Raudedauden » et « Waves Over Valhalla » nous relancent sur les pentes enneigées de riffs improbables mais ô combien percutants. Une voix agressive d’un côté, une mielleuse de l’autre.
 
 « Vitets Vidd I Verdi » continue avec Agnete Kjølsrud qui revient plus énervée que jamais. Elle crie comme une possédée. C’est son année et à n’en pas douter on va rapidement reparler de la jolie blonde. Le saxophone fait lui aussi son retour dans des tonalités plus graves. Cela donne une touche groovy à l’ensemble mais le synthé flirte un peu trop vers du Depeche Mode.

Solefald

Solefald aime les oppositions de voix claires et graves comme sur « Til Heimen Yver Havet » et des riffs bien lourds.
 
« Norrøn Livskunst » commence comme une berceuse mais au bout de 20 secondes : oubliez ! Une chape de plomb en fusion vient de tomber sur la boite à musique ! Puis, à nouveau, un face à face entre calme et agressivité.
 
C’est subtil, insidieux, ça s’infiltre là où on s’y attend le moins. Les harmonies vocales sont hypnotisantes. C’est sournois car la voix caverneuse revient au moment le plus inattendu.

 
Oubliez tout ce que vous avez écouté jusqu’à présent. Oubliez tout ce que vous aviez compris ou pas sur le Black Metal. Osez le changement. Déroutant au premier abord mais ô combien jouissif par la suite...

C’est un Black où les riffs et les mélodies sont immédiatement mémorables.

On se demande quel esprit perturbé a bien pu créer une œuvre pareille ?

C’est donc original, dangereux et Solefald avec Norrøn Livskunst n’hésite pas à se mettre en danger pour essayer de tracer des sillons dans une neige qui risque de laisser des traces profondes et de ne pas fondre de sitôt.

 
Note: 8,5/10
 

Lionel / Born 666

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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