Forgotten Tales – We Shall See the Light

Si je vous dis Forgotten Tales, qu'est-ce que vous répondez ? Blind Guardian, dites-vous ? Perdu, c'est la mauvaise réponse ! Bon, puisqu'apparemment il faut remettre les choses au clair, procédons y immédiatement, sans plus de cérémonies. Plutôt que de vous envoler vers l'Allemagne, pays de la bière, de l'eau de Cologne et de la porte de Brandebourg, nous décollerons direction le Québec, où c'est plus le règne des caribous et des 30cm de neige en plein hiver que de la charcuterie et des fêtes bavaroises. Notre formation, ayant déjà derrière elle 11 longues années de dur labeur et d'expérience, s'est bâtie dans son pays d'origine une solide réputation qu'ils cherchent, cette année, à défendre avec leur grand retour, après 6 ans de silence. Voici donc un nouveau brûlot, du nom de We Shall See the Light qui a vu le jour en Novembre 2010. Tout un programme, n'est-ce pas ? Alors, après tant d'absence, l'auditeur est en droit de demander de la qualité, un album à la hauteur de ses attentes, qui serait d'un niveau aussi élevé que l'excellent All the Sinners datant déjà de 2004.


Alors que la question cruciale de savoir si l'opus est réussi ou non, pendant que ce doute vous brûle les lèvres, s'insère comme par magie, grâce aux ailes de la curiosité, le CD dans votre lecteur et là commence l'écoute. Votre cœur bat, votre rythme cardiaque augmente, encore et encore, pendant que de grosses gouttes de sueur imprègnent votre front. Et si la déception se pointait ? Et si le tout était mauvais, bâclé, banal ? Mais après tout, qui ne tente rien n'a rien.


Commence le premier morceau, et son ambiance plutôt posée. C'est étrange, cela nous change du Forgotten Tales que nous avons toujours connus. Une évolution ? « We Shall See the Light », morceau éponyme, marque en effet un changement par rapport à tout ce que la formation nous a fait connaître auparavant. Moins tubesque, plus prog et plus complexe, voici la façon dont se résume cette première piste, qui n'a rien à voir avec les « Lady of the Forest » que vous avez pu connaître il y a bien longtemps. Le refrain rentre moins dans la tradition du power metal qui déclenche adrénaline et emballe ses instruments pour se libérer. Tout est dans l'ambiance, qui se fait orientale, par l'introduction vocale de Sonia, comme un rappel pour ne pas oublier la saveur de sa voix si particulière. Certains regretteront le manque de force du titre, d'autres au contraire apprécieront l'évolution et la prise de risque qui fut tentée. Mais il est clair que le morceau est, dans son ensemble, très agréable, bien construit, carré et précis, et non dénué d'émotion. Technique également, par le développement d'un côté plus progressif, que l'on retrouvera également chez les compatriotes Instanzia ou Icewind.


Et ce premier met n'est pas le seul possédant ce goût, d'autres suivront tour à tour dans la même veine, plus ou moins. « Keepers of the Field » et ses modulations dans la structure, ainsi que sa longueur, ramène à cette démarche plus progressive mais cependant moins concluante. Certes, l'écoute est un plaisir mais il ne se dénote aucun refrain spécialement marquant, et l'on en oublie presque ce que l'on a écouté, tant l'accroche est rare. Il est difficile d'être aspiré totalement par l'univers du morceau et il faudra plusieurs écoutes avant de pouvoir siffloter ou s'imprégner d'une ligne de chant quelconque. Le refrain, pourtant censé être le pilier du titre, n'apporte pas grand chose et ne se démarque que trop peu du reste.


Paradoxalement, si vous êtes en quête de tubesque, ce que les canadiens avaient l'habitude de faire sur les deux offrandes précédentes, il faudra plutôt chercher du côté du morceau le plus long, atteignant une durée dépassant les 6 minutes. Chose inhabituelle mais amusante, « Diviner » est réellement ce que l'on peut appeler une piste excellente, le côté power est bien plus présent. Une folle course dans laquelle les instruments se livrent introduit la voix qui suit leur mouvement, et entraînent l'auditoire dans une furie effrénée. Un morceau qui semble être taillé pour la scène tant l'aspect accrocheur fait rage du début à la fin, sans réel temps mort. De plus, la garniture prescrite avec la recette est à gros coups de solos de guitare qui prouvent une grande technicité, un point qui semble donc avec été respecté par les Forgotten Tales dans le cahier des charges de la réussite et de la satisfaction du public. Parfois, certains passages évoqueront « Magic Fountain » du précédent opus. Les nostalgiques se régaleront, c'est certain.


Dans un registre assez similaire, « Angel Eyes », dernier morceau de la galette, nous fait repartir de manière satisfaite, grâce à une belle dose d'énergie et de vivacité déployée grâce aux riffs endiablés des québecois et au refrain rendu magnifique par le chant de la dame aux cheveux de feu. De son timbre si reconnaissable et grâce à sa grande puissance, connaissant sa voix et ainsi évitant d'en faire des tonnes et de passer pour une Céline Dion (tiens, encore une canadienne, le monde est petit), elle prouve son rang de chanteuse charismatique. Ce titre est, on peut le dire, un témoignage que l'aspect metal prog n'a pas complètement pris le dessus, bien qu'exécuté habilement lui aussi. Pas aussi joyeux qu'un Freedom Call, certes, se voulant un peu plus sombre à l'image du dernier Helloween, mais la réussite est là, c'est indéniable.


« Guardian Angel » arrive à se placer sur le banc des bons titres, sans l'ombre d'un doute. Sans véritablement sortir des sentiers battus et incorporant bien plus d'éléments lorgnant sur le prog que les autres morceaux tubesques, le refrain n'est cependant pas l'élément clé de la piste, coulant légèrement dans la masse. Mais mine de rien, le tout reste bien accrocheur et emballant, les changements de rythme ne perdent à aucun moment l'auditeur qui suit la progression du morceau grâce à un fil d'Ariane tendu au début, dénommé l'énergie. Sans partir dans tous les sens ou proposer un break à l'accordéon, le morceau place les guitares sur le devant de la scène et celles-ci se taillent la part du lion, laissant cependant trop peu de place à la basse et à la batterie. Mais le plaisir et l'engouement subsistent, que demander de plus ?


Autre titre de qualité, « Howling at the Moon » reste classique, sans bouleverser l'ordre et les codes établis dans le style et s'intégrant parfaitement aux canons du genre. Riffs soutenant une rythmique efficace, chant tenant la route, solo pour apporter du piment à l'ensemble, malgré que le tout soit déjà vu, ça fonctionne quand même. Le refrain lui privilégie la voix de la frontwoman qui sera au centre, accompagnée des autres musiciens, soutenant son chant. Soulignons l'utilisation certes discrète du clavier, qui contribue à apporter un peu d'ambiance dans la mixture.


On déplorera cependant un manque de mordant et une trop grande proximité entre « The Reaper » et « The Calling ». D'autant plus que, manque de chance pour la seconde, son placement après l'excellent morceau qu'est « Diviner » ne lui permet pas de briller et d'atteindre les sommets tant espérés, malgré une composition pourtant bien ficelée. Le démarrage est cependant bien trop long, et les allures plus lentes et mélancoliques seraient venues à point nommé si elles ne succédaient pas à la fougue de la piste qui précède. Mais revenons à nos moutons, et la défense pourra toujours plaider un refrain pas mauvais du tout, ainsi que de nombreuses preuves du talent des musiciens. Cependant, on tombe parfois trop dans la démonstration, ce qui peut lasser, laisser de marbre et donc ne pas produire l'effet tant attendu de l'enthousiasme. Le verdict rendu sera sûrement celui du titre de remplissage.

Le premier s'en tire bien mieux, le placement y étant sûrement pour quelque chose, mais peine lui aussi à sortir du lot et à se faire une place. Il faut dire qu'il paraît pâle et plutôt vide pris dans l'ensemble. « The Reaper » ne pourra pas compter sur un refrain efficace pour tirer le morceau d'affaire, ne se détachant nullement. Cependant, déployant un panel plus corsé à grand coup de force et d'ajouts de touches plus diverses, il évite une certaine linéarité qui aurait été mal venue. Une bonne idée.


Pour vous rassasier, quoi de mieux qu'un « Broken Wings » et ses divers ingrédients. Ajoutez de la tristesse vocale sur un fond plus calme bien que les guitares soient toujours sur la scène, ouvrant même le bal, et formant un accompagnement de choix pour permettre à Sonia Pineault d'ouvrir son cœur et se faire plus intimiste et cristalline, donnant des frissons à l'écoute de sa voix posée et outrageusement agréable. Le refrain est dans son prolongement, et sans s'énerver ni déballer les gros riffs, tout en simplicité il contente et se révèle comme l'un des meilleurs parsemant ce brûlot, par une dose de sensations importante et une facette du chant de notre vocaliste qui emporte l'unanimité. De plus, les amateurs de guitare ne seront pas déçus, celle-ci s'octroyant le luxe de s'emparer de quelques notes seule. Forgotten Tales évite avec habileté et malice le cliché de la ballade geignarde que bon nombre de groupes s'évertuent à placer dans leurs albums. Un piège que les canadiens ont su contourner depuis toujours. Sans l'ombre d'un doute, l'une des 3 pistes phare de ce brûlot.


La production est excellente, ni trop lisse, ni trop massive, et permettant à chacun de s'exprimer sans empiéter sur l'espace de l'autre. Cependant, il aurait peut-être été profitable d'avoir une basse légèrement plus audible, les guitares et le chant prenant une part bien plus importante. Mais l'ensemble est très satisfaisant.


Il n'est nullement besoin dès à présent de présenter la chanteuse Sonia Pineault qui est une composante majeure de la personnalité et de l'identité du sextette québecois. Son timbre est unique et il est difficile de la confondre avec une autre demoiselle officiant dans le même type de formation. Mais s'il fallait donner une idée du registre dans laquelle notre québecoise évolue, on pourrait la placer près d'une Magali Luyten (Beautiful Sin, Virus IV) ou d'une Elisa De Palma (White Skull), c'est à dire la catégorie des chanteuses puissantes, à la voix un poil rocailleuse, et sortant du cliché lyrique si habituel. Attention cependant à quelques petites fausses notes venant s'immiscer par endroits, mais ne gâchant nullement une prestation générale de qualité.


Forgotten Tales innove et nous propose un album moins tubesque et direct qu'un The Promise, mais gardant néanmoins une certaine continuité avec All the Sinners en gardant des morceaux plutôt longs, techniques et moins rentre-dedans. Mais avec le côté prog, les canadiens innovent et prouvent qu'ils sont capables d'évoluer sans laisser le talent et la qualité au placard. Avec ce We Shall See the Light, le sextette réalise une galette variée, efficace et technique, rythmée selon des critères exigeants, mais l'on aurait aimé en tirer plus d'ivresse et garder plus de refrains dans le recoin de notre esprit. Un léger manque d'accroche et d'efficacité vient noircir le tableau final, mais sans jamais l'assombrir. Un album qui, au final, contentera les fans et comblera l'attente, et en espérant un opus suivant qui gommera ses défauts pour s'élever au rang d'incontournable. Et avec le talent de Forgotten Tales, on ne demande qu'à y croire !



Note finale : 7,5/10

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