Narwhal Tusk – In Despair

La scène metal à chant féminin n'est pas la plus réputée en Russie. Contrairement à leurs voisins finlandais, il est difficile de trouver en quelques secondes ne serait-ce que 10 groupes de metal réputés en provenance de cet endroit. Il est même ardu d'en trouver plus de 3 reconnus internationalement, par toutes et tous, le premier venant à l'esprit comportant, Ô miracle, un chant féminin, à savoir Arkona. Cependant, c'est un genre beaucoup moins folklorique et, de ce fait, plus conventionnel que nous aborderons dans ces quelques lignes, et ce genre, c'est le metal symphonique-power-melodique-progressif. Et là dedans, évidemment, le ménage est à faire car même chez les russes, il est difficile de passer à côté de véritables bouches-trous de la scène. Entre l'inintéressant The Aerium, les banals et clichés Dark Princess et Lady Winter ou le manque de cohérence d'un Lanewin, aux premiers abords cela ne donne pas vraiment envie de plonger plus loin. Grossière erreur car les bons existent eux aussi. Surprise en 2009 avec Emerald Mind qui laissait de bons espoirs. Et si la scène russe s'étendait, produisant de nouveaux talents ? Hélas 2010 fut le théâtre d'un calme plat et d'aucune nouveauté croustillante. Lorsqu'en décembre 2010 sur Musica Production, un combo venu de l'inconnu surgit des profondeurs. Narwhal Tusk de son nom, une pochette d'un premier brûlot In Despair très poétique et mélancolique, ça laisse rêveur … Mais sous les apparences, qu'est-ce qu'il se cache ? C'est ce que nous allons découvrir.


C'est tout de même avec des préjugés gros comme une maison que ce CD est inséré dans le lecteur avant l'écoute. Encore un clone de Nightwish, le chant lyrique maîtrisé en moins et la production étouffée en plus ? Une nouvelle formation de pop-metal plate et carré qui n'apportera rien au style si ce n'est qu'un nouveau nom auquel faire référence lorsque l'on veut désigner le néant musical ? Tout ça à la fois ? Dissipons tout cela avec les premières notes.


L'ouverture se fait avec « Waltz (An Autumn Falls) » commençant par son vieux son de gramophone et son introduction de délicats violons accompagnés du clavier et de notes de piano très mélodiques et dansantes. Un départ tout en douceur où même les guitares et le chant de la demoiselle suivent la mélodie avec harmonie et délicatesse. Un titre court mais présageant du bon, tant le sens de l'osmose semble avoir été travaillé, et l'apparition discrète d'une flute suscitera encore plus d'émotions et de finesse.


Après le calme, la tempête, ou plutôt le tube. « Mourning Purple » débarque avec des guitares plus affirmées, un rythme beaucoup plus galopant et soutenu, de quoi mettre du baume au cœur, d'autant plus qu'avec un refrain si catchy et mémorisable, il serait coupable de ne pas montrer son plaisir durant l'écoute. Le chant est différent des tonalités lyriques, Valentina se tentant à un chant clair très maîtrisé et efficace, pour le timbre pensez à Marina Viotti (Soulmaker) dans les moments d'énergie et Sabine Edelsbacher (Edenbridge) dans les tons doux et chauds. Le claviériste vient l'accompagner de son chant clair, voir même parfois voler la vedette à la chanteuse. Les riffs sont présents, l'énergie également, les solos donnent le petit supplément de puissance nécessaire, incontestablement un morceau sur lequel de nombreux combos de metal sympho devraient prendre exemple. Une recette simple mais efficace.


Mais la joie est très loin d'être la seule sensation parcourant cette première offrande. Il serait illogique d'appeler un brûlot In Despair sans un peu de poésie et de mélancolie. Âmes nostalgiques, dégustez donc « Everfall (the Holy Gardiner of Souls) » pour vous garantir le pain quotidien. Une pointe de tristesse sur cette piste plus douce, où prime l'harmonie entre les atmosphères, délivrées par une guitare plus lourde et lente, un clavier diffusant des touches d'ambiance qui se marient à merveille avec le reste du titre, alternance entre le chant lyrique et la voix masculine, du début jusqu'à la fin, c'est un voyage qui nous est offert, mais plus tourné vers la solitude que l'euphorie. On pourra regretter au morceau de parfois très s'étendre et de créer une certaine redondance, corrigée heureusement par la belle prestation vocale.


Dans le registre du tubesque, « My Angel » et son clavier polyvalent, soutenant à la fois la mélodie et créant un fond musical font merveille. Que dire du reste, si ce n'est qu'il s'agit ni plus ni moins d'une réussite, où le refrain produit son effet et introduit sans peine dans l'univers développé sur la piste. La guitare sait se faire discrète ou très présente selon les nécessités, n'hésitant pas à prendre le premier rôle avec un solo bien placé. Si on préfèrera « Mourning Purple » pour sa fraicheur, « My Angel » tient largement la comparaison et sait emporter un vif succès. Mention spéciale à la batterie qui diversifie son jeu et s'immisce parfois sur le devant de la scène.


Dans le rôle de la power-ballade, vous retrouverez « Remedy » dans toute sa splendeur. Un joli violon viendra vous tenir compagnie dans votre traversée du titre, avec des guitares dans les refrains, le tout porté par le chant de Valentina, qui revêtit sa parure d'émotion, donnant réellement des frissons quand le moment est propice. Soulignons également l'énorme travail instrumental qui a été réalisé, l'intégration parfaite de chaque instrument n'étant certainement pas le fruit du hasard, ni un coup de chance. Là encore on peut reprocher la longueur (atteignant quand même les 6 minutes) mais le plaisir n'en est pas moins présent.


Du côté de la piste éponyme, celle-ci a été divisée en deux parties. Et en plus, il s'agit des deux morceaux les plus longs de l'offrande.

« In Despair, Part. 1 » débute d'une bien belle manière, tout est dans l'atmosphère, et le décor se construit progressivement avec l'arrivée de chaque pièce, les guitares et la batterie suivant le clavier et le chant. On pourra cependant reprocher un sérieux manque de vitalité, car si le chant féminin est magnifique et l'ambiance prenante, des guitares un peu plus sur le premier plan aurait sans doute aider à relever la mayonnaise qui, si elle ne retombe pas, ne décolle pas véritablement non plus. Une douceur qui laisse parfois un goût amer, parfois un goût sucré. Mais l'important est l'émotion qui se dégage, et sur ce plan, Narwhal Tusk réussit le pari. Un bilan globalement positif, donc.

« In Despair, Part. 2 » suit le même chemin, dans la mélancolie qui caractérise l'univers des russes, mais là, c'est le chant masculin de Dmitry Taranov qui mène la danse. Et le chanteur/claviériste s'en sort aussi bien que son homologue féminine, dommage que musicalement, l'intérêt soit moindre comparé à la première partie. Il est même intéressant de constater l'absence totale de chant féminin dans ce morceau. La pluie vient achever le titre.


Ouverture au piano, faites un accueil chaleureux à « Nova » qui s'évertue à démontrer les talents au micro de Valentina Yastremskaya, placée au cœur du titre. On reste dans les canons du genre, sans déborder par l'originalité mais la sauce prend et la partie rythmique est suffisamment animée pour maintenir de l'intérêt, permettant ainsi à la chanteuse d'accomplir sa partie en captivant l'auditeur. On regrettera en revanche qu'elle n'utilise pas un peu plus son chant clair, pourtant très beau. Mais le bilan dressé du morceau est concluant, le refrain équilibré et harmonieux restant en tête.


Malheureusement le piège de la ballade cliché n'est pas évité et « Walking Over Waters of the Ocean » se révèle comme le point faible du brûlot. Morceau qui n'a guère d'autre intérêt que de mettre en valeur la chanteuse, qui comme d'habitude fait des merveilles. Un slow qui, malgré son superbe violon, ne manquera pas de vous faire rattraper votre manque de sommeil.


Dans les excellents titres, « New Dawn, New Day » a des arguments à faire valoir. Refrain enchanteur, guitare présente et insufflant vigueur et dynamisme, chant à l'affut, solos sympathiques, les ingrédients sont réunis pour créer de l'enthousiasme. Les moments plus calmes s'ancrent parfaitement, et encore une fois, la voix masculine fait des ravages (à prendre dans le meilleur sens du terme, bien sûr). Un de ces plaisirs qui redonne de la pêche.


La production, sans être tout à fait exceptionnelle, est décente et permet largement des conditions d'écoute optimales. Le manque d'ampleur sur le fond pourrait cependant être corrigé, et le son être un peu plus clair et légèrement moins étouffé. Mais le résultat est très loin d'être désastreux.


Vocalement, l'utilisation des deux chants est un argument particulièrement notable. De plus, que ce soit du côté du claviériste Dmitry Taranov ou de la chanteuse Valentina Yastremskaya, il n'y a rien à redire du côté de la maîtrise. Les chants clairs de chacun sont maîtrisés, agréables et les timbres se mélangeant avec brio, et le chant lyrique, lui, est de la même manière empli d'émotions et se démarquant très largement des vulgaires clone de Tarja Turunen que l'on nous propose à tous les coins de rue. En revanche, la jeune femme pourrait utiliser son chant clair un peu plus souvent, et une dualité plus importante entre les différents types de vocaux pourrait être sans aucun doute une piste très judicieuse à exploiter.


Narwhal Tusk a les cartes en main pour réaliser un brûlot qui pourrait être remarqué par sa grande qualité dans la sphère du metal symphonique. Le potentiel présent sur ce In Despair est un vrai manifeste de la peut-être naissance d'un futur grand du genre. En attendant, cette première galette, malgré quelques défauts, est tout à fait satisfaisante et permet donc à nos jeunes russes d'exposer leur talent aux yeux du monde. Il ne reste plus qu'à accoucher d'un second album où les petits défauts seront gommés pour pouvoir convaincre pleinement. Les fans du genre devraient en attendant se précipiter sur ce premier brûlot. Vivement la suite !



Note finale : 8/10

Myspace de Narwhal Tusk

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