Visions of Atlantis – Delta

Deux groupes, deux destins … Ils sont souvent liés, Visions of Atlantis et Nightwish. Pourquoi, me demanderez-vous ? Tout simplement car les deux formations sont bien souvent associées, et non sans raison. Il est bien connu que les seconds cités, finlandais et précurseurs du succès du genre, ont attirés des envieux avec leur combinaison du chant masculin avec poigne et rage et du chant féminin lyrique. VoA (couramment nommés comme ça), débutant à peu près à l'époque de l'âge d'or des nordiques, autrichiens, eurent l'idée de faire pareil et au fil des albums, il est étonnant de constater les nombreux plans de ressemblance entre les deux groupes, attirant soit les fans, soit les détracteurs. Trinity, précédent opus des six compagnons, n'avait pas franchement les atouts et l'originalité nécessaire pour être qualifié de franche réussite tant les influences étaient claires et transparaissaient dans les schémas de composition. Changement de chanteuse, l'américaine Melissa Ferlaak ayant amarrée son navire du côté d'Echoterra, voyant donc le recrutement de la grecque Maxi Nil, officiant également dans le groupe de doom On Thorns I Lay. Et après un silence radio qui dura quelques mois, voici qu'est annoncé sur Napalm Records pour le 25 Février l'album Delta, un nouveau tournant pour le combo qui n'a décidément pas le droit à l'erreur s'il ne veut pas être rangé au cimetière des groupes sans intérêts.

 

Et pourtant, le pari n'est déjà pas gagné au vu du visuel kitsch de la pochette surchargée et des photos promo colorées mais assez spéciales, il faut l'avouer. Le sentiment d'une redite s'installe avant même l'écoute, les préjugés (légitimes il est vrai au vu du passé des six autrichiens) viennent à la vitesse de l'éclair à l'esprit, et voilà que l'envie d'insérer le disque sur sa platine semble déjà s'envoler au loin. Mais il faut bien se ressaisir et se lancer dans l'écoute, alors cette nouvelle galette de Visions of Atlantis est-elle le désastre annoncé ?

 

Mine de rien, il commence bien cet opus avec son « Black River Delta » très speed, aux accents power metal assumés, aux claviers polyvalents et aux variations de rythme régulières. C'est d'ailleurs l'heure de faire la connaissance de la voix de la nouvelle venue, et cette dernière est radicalement opposée à la précédente. Un chant pop très en place qui, s'il ne mise pas sur la technique contrairement à sa consoeur d'auparavant, joue plus sur l'émotion. Et du coup, le groupe gagne totalement au change, Maxi Nil ayant vite fait de convaincre son auditoire. D'autant plus que ce morceau est une bien meilleure mise en bouche que ne l'était le poussif « At the Back of Beyond », de quoi noter une évolution très positive, s'il en est. L'alternance vocale entre chant féminin et masculin est toujours de mise, mais malgré tout, si sur ce morceau elle est parfaitement équilibrée et relativement agréable, elle n'est pas toujours en place, pour notre plus grand malheur.

 

Car lorsque l'un ou l'autre se taille littéralement la part du lion, le résultat n'est pas forcément au rendez-vous et, parfois, on se demande où est la cohérence dans le propos. Si la martiale « Conquest of Others » et la plus douce « Twist of Fate » ont un point commun, c'est bien de ne laisser briller, du moins en apparence, l'un des deux compères par rapport à son homologue masculin ou féminin. Là où l'ensemble laisse dubitatif, c'est sur le fait que Mario Plank a énormément de mal à emporter un vif succès par un chant linéaire et toujours dans les mêmes tons, qui ne redescend pas d'une agressivité irritante, et l'on saluera les solos de « Conquest of Others » qui nous offrent une pause salvatrice. Même les choeurs de la demoiselle seront plus remarquables, tant ils sont beaux et bien exécutés sur le refrain.

Sur la seconde nommée, au contraire de la première, la composition pèche pas un côté mielleux et un manque d'énergie préjudiciable malgré la rapidité des instruments, et pourtant, le tout n'est pas mauvais du tout. D'ailleurs, la sauce ne passera pas dans les plats ratés grâce à, non seulement, la performance louable de Maxi, mais également (et malheureusement, dans un sens) par l'absence quasi-totale du chanteur, un petit pansement auditif en fin de compte.

 

En restant dans les points négatifs, « Reflection » est, avouons-le, réellement inutile et ne mérite pas que l'on s'y attarde. Si vous voulez vous en faire une idée, c'est la ballade au piano que vous aurez déjà entendu des milliards de fois, pour la piste en générale pensez donc à « Eva » de Nightwish, le chant en mieux bien évidemment (ceci dit, faisons les mauvaises langues, ce n'est pas difficile). Les autrichiens sont quand même allés jusqu'à placer un solo au milieu de tout ça. On saluera l'effort, dommage qu'il soit aussi pratique et avisé qu'un éléphant dans un sac à dos.

 

Mais lorsque Visions of Atlantis veut se faire direct et ne pas passer par quatre chemins pour trouver la voie du headbang rapide, du morceau qui mettra une pêche d'enfer sur scène, ça frappe fort, ça fait mal et ça donne un beau power symphonique bien rodé. « New Dawn » est le morceau détonant et puissant dont le combo a toujours manqué jusque là, les guitares bien heavy et tranchantes, le titre suffisamment court (3 minutes) pour avoir le temps d'envoyer la sauce, le tout appuyé sur un clavier efficace et agréable. Le frontman et la frontwoman, eux, seront toujours présents tel un duo se partageant les couplets et chantant à l'unisson sur le refrain, même s'il n'est nul besoin de s'épiloguer pour affirmer quelle prestation est meilleure que l'autre. Assurément une petite bombe qui ferait bien office d'un single.

 

« Sonar » est une belle introduction marine au titre suivant, et l'on s'imagine bien plongés dans les profondeurs de l'océan, à la recherche de l'Atlantide et des vestiges perdus, à bord d'un sous-marin. Puis arrive avec puissance « Gravitate Towards Fatality », un très bon morceau. La grecque varie le propos et diversifie ses vocaux, faisant écho à Mario et son chant brut et plus typé, les deux forment une belle union sur le refrain, même si il aurait été largement préférable de laisser les vocaux féminins voler un peu plus la vedette au mâle viril. Voyons le bon côté des choses, le titre est agréable, mémorisable, catchy, conclut l'album avec panache et offre des sonorités divertissantes grâce à, encore une fois, un claviériste assurant sur tous les fronts et définitivement très compétent. Voilà de quoi éviter de repartir sur sa faim une fois l'écoute terminée.

 

Après, il y a aussi du plus anecdotique avec « Where Daylight Fails » qui ne possède pas grand chose de marquant, même pas le refrain noyé dans la masse et ne tirant pas son épingle du jeu, malgré une bonne présence de guitares cavaleuses et d'une basse ronronnante, le tout avec le soutien de l'agréable rythmique. Mais rien à faire, la mayonnaise ne monte pas, sans doute car le reste est meilleur et qu'il s'agit typiquement du type de piste à prendre de manière séparée et non dans un ensemble, afin d'en savourer tous les avantages et de ne pas prendre le risque de passer à côté et donc de laisser le titre dans l'ombre, inaperçu, car il y a du faire valoir, notamment sur les couplets très travaillés.

 

Et puis, il y a les morceaux aux intro épiques dont on imagine sans aucun doute qu'ils ouvriraient à merveille un concert de Visions of Atlantis. Et finalement, ce sont ces titres qui restent les meilleurs et se gravent dans votre esprit le plus facilement par ce côté épique tant recherché qui peut même en faire jalouser le Nightwish actuel. Un propos illustré sur « Elegy of Existence » qui se dévoile lentement mais sûrement, où les voix se donnent vraiment la main et où la maturité du boulot sur les lignes de chant, pour parvenir à une balance judicieuse, est présente et l'équilibre désormais trouvé. Voici donc les deux tenants du micro sublimant un refrain puissant, pierre angulaire de la piste, résolument dans une veine power metal plus proche d'un Amberian Dawn ou d'un Coronatus dans les guitares que d'un groupe mielleux à la Delain ou Atargatis.

 

L'épique « Memento » est sans contestation possible (non, n'essayez même pas) le meilleur morceau qui constitue Delta, car tous les ingrédients sont réunis pour concocter la mixture parfaite. Prenez une composition qui frôle les 7 minutes, donnez lui un commencement dans la douceur, avec une belle voix féminine très angélique et presque lyrique dans les notes les plus hautes, puis amenez la force d'une batterie et de sonorités martiales, avant de faire intervenir votre chanteur, mais pas trop longtemps, non plus, il ne s'agit pas de casser les oreilles de l'auditeur. Alternez à de multiples reprises la part du qui chante quoi, introduisez de superbes choeurs, en latin de préférence, moins kitsch que chez Sirenia et donc plutôt épurés, et mixez le tout avec une bonne petite pincée de refrain majestueux. Et voilà comment créer un titre à partager et à réécouter un bon nombre de fois, tant il prouve que malgré tout, nos autrichiens sont capables certes du pire, mais également du meilleur, et on ne peut qu'applaudir l'exploit.

 

Signature sur un gros label oblige et, tout comme sur Trinity (ce qui n'était pas encore vraiment le cas avec le deuxième album Cast Away), Delta bénéficie d'un son irréprochable où même le mixage a été effectué avec un certain brio. De ce fait, aucun instrument n'est en retrait par rapport à un autre et chaque sonorité, maritime, militaire ou autre introduite par les six membres du combo, est audible et permet de se délecter de chaque insertion de ces dernières, s'insérant dans l'univers du sextette.

 

Comme cela a été démontré précédemment, les vocaux se fondent sur un duo entre le chant plutôt pop, parfois lyrique de Maxi Nil et le chant heavy de Mario Plank. Véritable pomme de la discorde, trouver une part égale entre les deux vocalistes est impossible et chacun grappillera un plus gros bout du gâteau à son homologue. Seulement, si d'une manière générale les deux types de voix sont bien réparties, il aurait été plus souhaitable que la chanteuse soit davantage présente sur le devant de la scène, et quitte à s'éloigner du 50/50 sur les lignes de chant, ce choix aurait été de meilleur aloi tant le timbre de Mario présente des défauts : manque de personnalité, peu de modulations dans le ton employé, usant souvent de ce registre agressif particulièrement crispant pour les tympans et doté d'un timbre impersonnel tant son chant semble avoir déjà été entendu des milliers de fois, et en meilleur qui plus est. La jeune Maxi n'est pas toujours éloignée d'une Sharon den Adel, et ses vocaux, eux, sont nettement plus variés et jouent plus dans l'émotion. Non seulement elle a la tâche difficile de remplacer Melissa Ferlaak, mais elle doit également prouver qu'elle est une bonne alternative au chant masculin. Fort heureusement, elle remplit ses deux missions avec brio et sa prouesse sans faille est louable.

 

Qui aurait cru en fin de compte que Delta serait aussi bon ? Il faut bien avouer que si vous n'attendiez absolument rien du combo autrichien, la surprise sera de taille face à un opus qui possède plus d'un tour dans son sac, et si quelques points sont encore à corriger, voilà une galette qui doit être écoutée pour tout fan du genre, mais également par les autres qui n'avaient jamais été emballés par le travail du groupe autrichien. En attendant, c'est une belle remontée et la preuve qu'un potentiel existe bel et bien chez Visions of Atlantis et, qui sait, si la formation continue dans cette voie, alors peut-être deviendra-t-elle l'un des incontournables du genre, un groupe majeur et connu par tous. Et c'est tout le mal qu'on leur souhaite après avoir remonter la pente aussi brillamment.

 

 

Note finale : 8/10

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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