Anathema au Trianon (13.04.2015)

Quelques mois après un excellent concert au Bataclan en soutien à Distant Satellites, les Liverpuldiens d'Anathema sont de retour à Paris pour un concert très particulier. En effet, si l'évolution artistique des Anglais lorgne actuellement vers un rock progressif lumineux, il n'en a pas toujours été ainsi. Les fans de la première heure désespéraient même de ne plus jamais pouvoir entendre en live les compositions des débuts. Or, c'est un beau cadeau qu'offre Anathema à ses fans puisque le groupe a choisi d'interpréter des titres issus de l’intégralité de son répertoire, y compris les compositions de leur période doom. Cerise sur le gâteau, les deux anciens membres que sont Duncan Patterson (auteur de nombres de classiques d'Anathema au cours des années 90) et Darren White (premier vocaliste du combo) font office d'invités de marque pour cette tournée qui fera date dans l'histoire de la formation anglaise. Pourtant, malgré cette promesse alléchante, le Trianon ne semble pas complet ce soir, peut-être en raison de l’hétérogénéité des compositions du groupe et du coté plus violent et sombre des anciens titres qui a pu déstabiliser les amateurs des derniers opus. Qu'importe, nous étions présents pour cet événement particulier dans la sphère métallique.


Set 1 : 2015-1999 l’ère progressive

Les Anglais ont choisi de revisiter leur carrière en interprétant leurs compositions dans un ordre antechronologique, débutant le concert par deux titres de Distant Satellites. Si « Anathema » n'est pas le titre le plus musclé et le plus à même pour rentrer dans le concert, son choix comme ouverture est pertinent étant donné le concept déployé ce soir. Véritable allégorie de l'histoire du groupe, Vincent Cavanagh y interprète un chant habité et poignant, bien aidé en cela par un son cristallin. Avec « Distant Satellites », les influences électro développées par les Anglais sur le dernier opus viennent rappeler que le groupe est en constante évolution en ce qui concerne sa direction artistique sans jamais mettre l’émotion de côté.

Anathema, Live report, Heritage, Resonnance Tour

Suite à un problème technique, c'est au tour de Danny Cavanagh de se retrouver sous le feu des projecteurs et d’interpréter seul à la guitare un « Are you there ? » qui bouleverse un peu la setlist. Et le public est en effet bien présent, conscient qu'il vit là un moment privilégié. D’ailleurs la communication entre le groupe et l'audience est facilitée par les efforts de Vincent pour s'exprimer en français, qu'il maîtrise toujours aussi bien. Weather system est, quant à lui, représenté par les classiques « Untouchables pt1 et pt 2 ». Ce dernier sera d'ailleurs l'occasion pour Lee Douglas de se mettre en avant avec un chant toujours juste et très bien interprété. Étant donné le concept de la tournée, elle n'a que peu de titres à chanter, même si sa prestation magnifique sur « A Natural Disaster » rattrape un peu cette injustice. Il en est de même pour Jamie Cavanagh, le troisième frangin, qui, s’il est effacé scéniquement, est bien présent dans le mix avec un son de basse peut être un peu trop marqué par moments (« Pressure » et « One last Goodbye »).

Lee Douglas, Anathema, Trianon,

Le voyage dans le temps s’accélère après un « Simple Mistake » illustrant l'album du retour, We're here because we're here, qui faisait suite à plusieurs années de galère pour Anathema. Le début du XXI ème siècle est représenté par « Pressure » issu d'un opus souvent décrié par son côté rock alternatif, A fine day to exit. Vincent y empoigne une guitare acoustique tandis que John Douglas délaisse les percussions (le poste de batteur revenant à Daniel Cardoso pour ce premier set) pour jouer de subtiles nappes de clavier. Mais c'est réellement « One Last Goodbye », hommage des frères Cavanagh à leur mère décédée, qui file des frissons à l'assistance et qui conclue un très beau premier set. Certes, bon nombre de titres de cette période sont régulièrement interprétés mais le choix de laisser de côté certains classiques tels que « Thin Air » ou « Panic » constitue une prise de risque à saluer.

Anathema, Trianon, Duncan Patterson, Darren White,

Set 2 1998-1995 L’ère Duncan Patterson

Après une petite pause d'une dizaine de minutes, les Anglais investissent de nouveau les planches, sans Jamie ni Lee, mais avec Duncan Patterson à la basse. Si ce dernier a contribué à écrire bon nombre de titres d’Alternative 4, album mis à l'honneur au cours de ce second set, il ne semble pourtant pas faire preuve d'un enthousiasme débordant en dépit des « We love you Duncan » hurlés par un spectateur. Qu'importe, ce début de second set est l'occasion d'entendre « Lost control » toujours aussi magnifique et sur laquelle Vincent dévoile une émotion à fleur de peau. Son frère n'est pas en reste puisque ses soli se font aériens, notamment sur la seconde partie d' « Eternity », titre presque Floydien tiré de l’album du même nom. « Fragile Dreams » constitue également l'un des temps forts de ce second set, bien qu'il soit interprété à pratiquement chaque concert depuis quelques années. On regrette cependant que le son des claviers écrase un peu les autres instruments par moments, en particulier le piano de Danny.

Danny Cavannagh, Anathema, Live report, Trianon

Le touchant « Angelica » voit Lee Douglas revenir furtivement sur scène avant de s’éclipser  nouveau. Cependant, au fur et à mesure du concert, on sent qu'une partie du public est moins impliquée malgré l'aspect historique de l’événement pour les amateurs du groupe. A l'approche des morceaux de The Silent Enigma (qui fête ses 20 ans) certains décident même de quitter la salle, sans doute peu enclins à apprécier le style musical plus doom pratiqué par le groupe à cette époque. Cela est d'autant plus dommage que les titres de The Silent Enigma n'ont pas été joués depuis une éternité. C'est le cas de « A Dying Wish », certainement l'un des morceaux les plus progressifs de cet album, sur lequel Vincent a malheureusement beaucoup de mal à chanter avec sa voix death comme par le passé. Il faut dire que 20 ans sans utiliser ce type de chant, cela fait long et que la technique demande de l’entretien. Quoi qu’il en soit, on se rend aisément compte que la qualité des compositions était déjà impressionnante à l’époque et que les musiciens ont toujours su écrire des morceaux à la fois envoutants et beaux, quel que soit le style pratiqué.

Anathema, Danny Cavannagh, Trianon,

Set 3 : 1995-1992 L’ère Darren White

Pour le troisième set, mettant à l'honneur les débuts du groupe, Darren White, le premier vocaliste de la formation vient se joindre aux frères Cavanagh et à John Douglas. Daniel Cardoso est d'ailleurs resté sur scène pour assurer les claviers, ce qui nous permet d’assister à la prestation d'un line up inédit. Et comme le rappelle Darren, c'est la première fois qu’il se produit à Paris avec Anathema, ayant quitté le groupe avant la première date dans la capitale française (qui remonte à 1996). Ce nouveau set fait la liaison entre la nouvelle période du groupe et l'ancienne puisque l’interprétation de « Kingdom » est un mélange entre la version de Falling Deeper (album de réécriture des anciens morceaux dans le style actuel du groupe) et la version de 1993. Darren White déclame les paroles qu’il a lui-même écrites il y a plus de vingt ans, entre voix parlée et chant torturé. Le groupe enchaîne ensuite avec « Mine is Yours », faisant ainsi l'impasse sur « Crestfallen » (interprété dans sa version Falling Deeper sur d'autres dates) en raison du couvre-feu imposé par la salle.

Darren White, Anathema, Trianon

Malgré un troisième set raccourci, les spectateurs semblent apprécier ce retour dans le temps ce qui plaît à l'ancien chanteur. Malgré la violence et la noirceur des premières compositions du combo, le coté mélodique est toujours là. Le seul point négatif réside peut-être dans la difficulté qu'a John Douglas à rejouer des plans en double-pédale comme par le passé. La longueur des titres n’empêche pas le groupe de se donner à fond, en particulier Vincent et Danny qui ont l'air d'avoir à nouveau 20 ans. Le public prend également conscience de la dimension romantique de la musique des Anglais sur ses premiers opus, somme toute héritée du courant littéraire du même nom. Après « They (will always) Die » Anathema s’éclipse pour mieux revenir et conclure ces trois heures par « Sleepless ».

C'est un événement majeur dans l'histoire d'Anathema auquel nous avons assisté. La setlist variée a permis de mettre à l'honneur des titres rares du répertoire des Anglais, sans occulter les classiques les plus récents (« Fragile dreams », « Untouchable », « Closer »). La présence de Darren White et Duncan Patterson a, qui plus est, offert une vraie plus value à cette représentation. Dommage cependant qu'une partie du public n'ait pas saisi la mesure de l’événement. Ce retour en arrière, en dépit de quelques approximations d’interprétation, nous a également permis de comprendre que quelle que soit l’époque, Anathema a toujours su écrire des morceaux intemporels avec une qualité d’écriture rare dans la musique. Après un détour dans leur propre histoire, on espère que les Liverpuldiens ne tarderont pas à continuer leur chemin vers les contrées musicales qu'eux seuls connaissent.

Setlist :

Set 1

Anathema
Distant satellites
Are you there ?
Untouchable pt1
Untouchable pt2
A simple mistake
A Natural Disaster
Closer
Pressure
One Last Goodbye

Set 2

Shroud of False
Fragile Dreams
Empty
Lost Control
Angelica
Eternity PT 1
Eternity PT 2
Eternity PT 3
Sunset of Age
A Dying Wish

Set 3

Kingdom
Mine is Yours to drown in (ours is the new tribe)
Under a veil (of Black Lace)
Lovelorn Rhapsody
They (will always) Die

Rappel :
Sleepless

Merci à Roger Wessier
Photographies :  Arnaud Dionisio / © 2015 Ananta
Toute reproduction interdite sans autorisation écrite du photographe

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