De pire empire... ?
par Ju de Melon
"Que reste-t-il de nos amours ? Que reste-t-il de ces beaux jours ?" ... ainsi le chantait Charles Trénet dans le temps. C'est un peu ce que l'on ressent quand on pense à Scar Symmetry, passé d'une époque glorieuse avec ce magique Holographic Universe à une sorte d'ersatz death mélo bien moins convaincant depuis le départ du chanteur Christian Älvestam. Cette chute soudaine semblait amorcée avec un Dark Matter Dimensions à peine correct mais que l'on avait jugé avec précaution, pensant qu'il fallût laisser du temps aux deux nouveaux chanteurs pour s'intégrer... que nenni, nous aurions dû pressentir le coup fumeux et fumant que le combo suédois était en train de préparer avec cette suite, The Unseen Empire (à paraître demain 15 avril chez Nuclear Blast), franchement pas réjouissante. Désolé de briser le suspense ainsi... Mais bon, un groupe qui nous oblige à citer du Charles Trénet en intro et qui nous force à l'utilisation d'un subjonctif imparfait, il faut avouer que ce n'est pas bon signe.
Il n'est donc pas bon d'être nostalgique lorsqu'on continue de suivre avec l'intérêt la carrière d'un groupe qui semble destiné à un essoufflement sans fin... L'espoir reste cependant de mise, simple optimiste dirons certains, avant d'insérer cette galette dans un lecteur CD et d'en découvrir son résultat sonore. Après tout, "The Anomaly" lance le tout sur un rythme prenant et intéressant, avec un refrain accrocheur... la recette ne change donc pas, à l'image du précédent opus qui avait accouché d'un bon "The Iconoclast" en introduction. Et pourtant, on sent déjà que quelque chose cloche, une certaine molesse de composition et des riffs peu créatifs nous laissent un goût amer. Trop simple, trop directe, comme approche...
C'est pourtant sur un sentiment inverse de pseudo complexité moderne que nous poursuivons les débats. On y croirait presque lorsque l'introduction de "Illuminoid Dream Sequence" retentit, on tenterait presque un petit headbang des familles sur un son à la Muse sous exta... Mais non, non. Tout s'arrête net lorsque Lars Palmqvist intervient avec sa voix claire. Peu convaincante, c'est un fait, mais causant une rupture somme toute désagréable, plongeant par la suite cette chanson dans divers rythmes "vas-y que je t'en mets plein la vue" ou "pop metal accrocheuse". Tant est si bien qu'on ne comprend plus où le groupe veut aller... trop de changements structurels qui ne permettent en aucun cas à ce morceau, promu par ailleurs comme single, de respirer et de s'épanouir.
Le chant extrême reste cependant fort sympathique et ce tout au long de l'album. Plus death que black, bien évidemment, mais Roberth "Robban" Karlsson sait bien varier son growl ou son grunt en poussant quelques aigus bien dévastateurs, contrebalaçant ainsi avec son ton rauque souvent caverneux. Bien évidemment Christian Älvestam n'est pas facile à oublier, mais sur ce point le groupe ne perd pas grand chose au change... Vous l'aurez donc compris, le souci se situe donc plus du côté de l'ami Lars, certes quelques fois touchant dans ses approches mais qui ne peut recréer l'esprit "clean voice" d'antan. D'autant plus qu'on le sent encore forcer et chanter à contre courant sur des mélodies bien peu engageantes... "Astromicon" ou "Rise of the Reptilian Regime" faisant assez mal au coeur sur ce point.
La prime de la déception reviendra cependant à cette approche technico-technique ultra polissée ne laissant plus la place à une certaine dose d'envoûtement qui faisait le charme des trois premiers efforts du groupe. Le titre "Seers of the Schaton", meilleur exemple du genre, se perd allègrement dans un extrême limite prog qui n'a d'intérêt que le bruit qu'il émet, et encore faut-il être dans un état de défoulement total pour pouvoir l'apprécier... si tant est qu'on le puisse ! Rien ne sert de trop vouloir en faire pour chercher une évolution à l'opposé de là où on attend un groupe qui s'était créé son propre univers, au risque de tout perdre jusqu'à sa propre personnalité...
Ainsi Scar Symmetry sombre ici souvent dans une cacophonie plus indigeste que surprenante, sans véritable effort de nuance. Les seules touches mélodiques "à l'ancienne", certes bien présentes malgré tout, se retrouve de ce fait noyées dans un vide certain, comme si un manque criant d'envie était venu habiter les compositeurs Jonas Kjellgren et Per Nilsson. C'est étrange, même certaines mélodies bien trouvées et en l'apparence tubesques ont du mal à passer au beau milieu de chansons taillées à la machette ("The Draconian Arrival" pour ne citer qu'elle)... comme si la pilule s'avérait bel et bien trop dure à avaler.
Heureusement, notre sextette suédois parvient à éviter le désastre total en concluant l'album par le meilleur morceau possible - compte tenu des précédents, toute proportion gardée donc. "Alpha and Omega" sonne ainsi plus juste dans une évolution ici (enfin) digérée, il s'y passe quelque chose de fort correct mais nous avons bien des difficultés à nous extasier vu de ce qui nous a été servi auparavant. Evidemment, même le meilleur des desserts aura du mal à être dégusté après un repas plus que moyen...

Nous attendrons d'avoir les paroles pour saluer (ou non) les textes du batteur Henrik Ohlsson, semblent-ils assez intéressants au demeurant, et basés sur un concept tournant autour des Illuminati. Bien difficile d'en dire plus pour l'instant, mais au moins le groupe sait toujours soigner une des composantes de ses créations. Pour le reste, il faudra repasser, et le doute est plus que jamais de mise quant aux capacités du combo scandinave de remonter la pente. Peut-être qu'un break et au moins 3 ans avant le prochain opus suffira à leur procurer un second souffle, ou que l'écoute de jeunes groupes émergeants tels que Neurotech leur permettra de se remettre en question...
Espérons, espérons... Afin qu'on puisse un beau jour chanter "Y d'la joie, bonjour bonjour les hirondelles" après l'écoute d'un nouveau Scar Symmetry. Dans l'état actuel des choses, autant dire que ce n'est pas gagné. Faites donc qu'on puisse un jour dire qu'on se trompât.. (what?)
Note : 5/10
Scar Symmetry sur La Grosse Radio