Synthetic Waterfall – Inside the Different (EP)

Jeune formation prometteuse et inspirée s'il en est, les Français de SYNTHETIC WATERFALL doivent maintenant encore gommer leurs petits défauts de base pour laisser exploser toute l'étendue de leur talent. 

Ce combo formé en 2007, basé sur Paris mais d'horizons géographiques comme culturels plus étendus par ailleurs (comptant en outre plus d'une nationalité dans ses rangs, nous y reviendrons...) remet le couvert pour notre plus grand bonheur, après une première démo Rising of the Aeon parue en 2009 et un renouvellement du line-up survenu en 2010. Autour d'un nouveau batteur et d’un second guitariste venu renforcer les rangs, les membres fondateurs Timo et Donovan en profitent pour peaufiner et faire évoluer encore un peu plus leur musique.

En effet, si le premier essai de ce groupe tendait davantage vers un death mélodique somme toute assez 'classique', entre sonorités/approche harmonique typiques 'de Göteborg' et obédience plus 'finlandaise' sur les arrangements et la virtuosité musicale, ce nouvel EP de 5 titres, Inside the Different -c'est comme le Port-Salut, c'est marqué dessus!- nous annonce ainsi plus de profondeur et une approche différente donc, plus orientée en fait vers leur facette 'doom' et atmosphérique.

Il conserve toutefois à l'entame de l'écoute l'impact accrocheur de la démo, et une grande partie des riffs caractéristiques du groupe n'y aurait pas dénoté (notamment l'attaque de "Yesterday is a Closed Door Behind"…).
 

SYNTHETIC WATERFALL band 2011


Synthetic Waterfall propose au final ici une lecture plus intimiste et somme toute assez personnelle du simple mélange de tous ces styles qu'on aurait eu l'impression d'avoir déjà entendu 100 fois par ailleurs. Le groupe se plonge en outre plus encore dans l'intensité émotionnelle de ses compos et développe ses ambiances pour un résultat souvent somptueux. Les deux premiers morceaux sont à cet égard un régal... de la passion comme jamais, mélodies de gratte aériennes, suites d'arpèges mélancoliques et dissonances atmosphériques, tout cela nous rappelle de grandes œuvres inspirées comme les Brave Murder Day et surtout Discouraged Ones de Katatonia ;  avec une tonalité plus sombre encore que ce dernier, évoquera alors au final davantage un Swallow the Sun à certains (en moins 'caverneux' quand même...). Avec pour relever encore un peu le tout quelques pointes bien senties d'expérimentations ... synthétiques et autres effets de guitares – ainsi que sur les quelques claviers, discrets mais raffinés (avec des choix de sons plus recherchés que sur la démo, où certains synthés pouvaient sonner quand même un peu 'kitsch' par moments...).

Le jeu de guitare est clairement le point fort de cet opus, à la fois fin et incisif, envoûtant quand il reste dans des mélodies simples -mais imparables-, très inspiré et fluide en solo/leads et mordant sur le 'riffing', bien-haché-comme-il-faut. Tout ce qu'on aime quoi!

On regrettera en revanche quelques (rares) passages un peu plus 'démonstratifs', davantage imprégnés peut-être d'un héritage prog' qui ne leur sied guère et qui n'apportent en tout cas pas grand chose (on pense à certains finals, qui heureusement ne cherchent pas à s'attarder non plus). A contrario, la plupart des envolées instrumentales sont pour le reste très bien menées, illustrant bien le chaos et le conflit intérieur que semble nous décrire le chanteur dans ses morceaux, le pessimisme et la nostalgie ambiante qui planent sur ce 'Inside the Different', en témoigne par exemple le vibrant pont de "Yesterday's..." (encore elle, tiens! ).

pochette 'Inside the Different'

Dommage que le chant clair de Timo Virmavirta (seul ‘expatrié’ qui amène un peu du savoir-faire Finlandais à cette formation Francilienne), s'il se révèle très 'JonasRenskien' dans l'esprit -ou rappelle même par moments un The Old Dead Tree (r.i.p.)-  soit parfois très marqué par l'empreinte d'un accent  -trop scandinave ou trop français alors?!^^-  pour rendre un anglais réellement convaincant, et –bien plus grave cette fois- qu’au fil de l'écoute il se montre souvent faux (il y a donc encore du travail à fournir pour égaler sur le plan strictement vocal les deux formations précitées…). C'est notamment à déplorer lorsqu'il part dans des modulations ou des notes longues, plus particulièrement quand il quitte son registre naturel medium/grave dans lequel il brille le mieux : sur le deuxième morceau 'Consumption' déjà, mais les choses se gâtent davantage encore sur "Yesterday's a Closed Door Behind" (encore?! décidemment!… il faut dire que les 5 morceaux dépassent tous les 5 minutes et sont bien riches en trouvailles...), où quelques apports de modulations en bémols qui auraient pu se révéler pertinentes et auraient certainement pu apporter une interprétation et des lignes de chant plus riches et 'dramatiques' -à l'instar de ce que peuvent faire un The Sins of thy Beloved si l'on parle d'un traitement similaire au féminin- sont ici amenées de manière hésitante, non assurée, bien souvent entre deux tons... et donc malheureusement fausses et irritantes au final. On sent que le chanteur doit être un peu à la lutte sur le placement vocal lorsqu'il se lance dans une voix plus aigüe, limite 'de tête', certainement pas le choix le plus judicieux qui soit quand sur scène il lui faudra passer d'un registre à l'autre, sans compter que le Monsieur Timo est également le guitariste principal de la formation.

Quelques soucis de justesse (moins gênants pour le coup) sont également à noter sur une ou deux leads de gratte d'ailleurs (sur ce même et brillantissime morceau par ailleurs, ce qui fait d'autant plus de peine à entendre...) mais cela reste tout de même plus anecdotique au regard de l'énorme travail apporté par ailleurs à ces guitares sur l'ensemble de cet essai, et est certainement plutôt à mettre sur le compte du temps réduit qu'a dû exiger l'enregistrement, auto-production oblige! (et reconnaissons qu'un 'vibrato' mal placé, ça peut arriver, et on ne va pas en faire tout un plat non plus! –fût-ce même un glöggi finlandais… je sors. ^^)

Le chant 'growlé', quant à lui, reste de facture classique et tout à fait correct, profond, avec des approches intéressantes comme quand il s'emporte un peu et vient doubler la voix claire sur "Consumption".  Une voie/voix clairement (sans aucun jeu de mots bien sûr...) à développer.

Logo SYNTHETIC WATERFALL

Les petites maladresses sont en définitive vite chassées sans pour autant être oubliées, car on reste malheureusement sur cette mauvaise impression à mi-parcours et on passe inconsciemment le restant de l'EP à serrer les dents à chaque envolée en vocaux clairs -j'exagère à peine, et surtout c'est à tort mais c'est vrai qu'il y a comme un sentiment de gêne après coup- et à chaque fois que l'on pressent une nouvelle attaque de grattes 'lead'... Peine perdue, et on a donc bien tort, car les derniers titres rectifient bien le tir (réaffirmant si besoin en était le talent immense des musiciens), mais là où le bât blesse c'est qu'elles le font par l'intermédiaire des morceaux les plus 'doom' (et les plus longs) de ce Inside the Different. Et placer ces 2 morceaux qui sont par ailleurs autant d'instants de méditation introspective et contemplative (grand moment d'intimité émotionnelle, soit dit en passant!...) en fin de disque empêche quelque peu ce dernier de 'redécoller' vraiment et nous redonner la banane après ce petit "passage à vide"...
Exit donc les folles guitares et place donc à un sentiment de monotonie et de résignation paradoxalement "appaisant", et même "reposant"... L'introspection mêlée à des guitares tout de même bien torturées et enchevêtrées sur "Ghost Existence" rappellerait un peu certains Opeth, "Evil Enough" lorgnerait davantage sur ce que peut dégager à sa manière le Katatonia de Discouraged Ones encore une fois, ou plus encore tout opus de Swallow the Sun. On reste malgré tout un peu sur sa faim à l'issue de ces 2 ultimes offrandes... Gageons que leur prochaine sortie saura éviter cette maladresse, en proposant certainement un track-listing plus équilibré entre morceaux accrocheurs et morceaux plus intimistes...

Pour le reste, et pour ne pas rester sur cette impression négative somme toute furtive, il faut bien dire que les mélodies tout au long de cet EP sont très bien senties et marquent directement les esprits, s’impriment d'entrée de jeu dans le crâne. Et le son dans son ensemble, même s'il sent l'autoprod' (ce grain caractéristique des grattes, qui reste très plaisant à l'écoute, pas d'inquiétude!), n'en recèle alors que plus de charme, d'authenticité, une identité bien à eux au final. Et ce qu'il perd alors en puissance (de manière toute relative d'ailleurs! Un grand pas a vraiment été fait par rapport à la démo...), il le gagne en richesse, en clarté et en finesse (car rien n'échappe à une production aussi brute, ni les petites imperfections, ni -surtout!- les immenses qualités d’exécution et, au-delà même, d’écriture).
 

SYNTHETIC WATERFALL brûle les planches...


A l'heure où la majorité des groupes ne raisonne qu'en terme de gros son obtenu, il est en effet vraiment rafraîchissant -salutaire, même- de ressentir chez des formations en devenir comme Synthetic Waterfall une vraie maturité dans l'écriture (l'expérience se fait déjà sentir pour un groupe aussi jeune... on sent que les musiciens ne sont donc pas tombés de la dernière pluie non plus!) : au bout du compte il est bon de dénicher une de ces trop rares entités aujourd'hui qui arrivent encore parler à nos sens, à nos émotions, et à enfanter de ces airs, ces mélodies, ces ‘chansons’, à développer des atmosphères poignantes... toutes ces petites choses qu'on ne retrouve malheureusement plus tous les jours, et pourtant on en redemande allègrement au terme de l'écoute de ce Inside the Different! Pour les retrouver encore et encore, en attendant avec intérêt la prochaine sortie de nos Finno-Frenchies (qui devrait enfin prendre la forme du premier véritable album 'full-lenght' du groupe), les prochaines gouttes d'eau de cette 'cascade artificielle' si limpide (non, n’imaginez pas une pub pour un certain gel douche, SVP !! ^^), on ne peut pour l’heure que se contenter de rappuyer sur la touche 'PLAY' de son lecteur...  Ce que je retourne faire de ce pas!
 

LeBoucherSlave

Note : 6,5/10

PS: Dans un souci d'objectivité, ma note sera au final de 6,5/10 car les quelques défauts sont malheureusement trop flagrants à l'écoute et gâchent beaucoup le plaisir de l'auditeur. Et l'impression sur la fin du EP n'en est que plus mitigée. Mais d'un point de vue personnel, et je pense que beaucoup d'auditeurs et d'adeptes s'y retrouveront, j'arrondis cette note à 7 pour saluer le talent d'écriture rare chez un tel groupe, et l'atmosphère si profonde de ce disque. Je place beaucoup d’espoir dans leur prochaine sortie, croisant les doigts pour une prod' encore plus peaufinée et pour que les dernières lacunes disparaissent afin de laisser place à un émerveillement sans entrave. Allez, les gars ! ^^

NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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