Crowmorph – Chroma (EP)

Aux premiers abords, c'est avec une certaine méfiance que notre premier regard peut se porter sur Crowmorph. Bien que le combo qualifie sa musique de sludge thrash/death, on sait bien qu'aujourd'hui, beaucoup de groupes se collent des étiquettes pour tenter de se démarquer ou de se faire original, avant de se rendre compte en écoutant de l'énorme supercherie. De même, la formation compte au micro une ravissante dame en la personne de la charmante Amanda. Et là encore, gros phare rouge, parce qu'en ce moment, avoir une chanteuse qui hurle c'est la mode, ou même d'avoir une voix féminine dans un groupe avec du hurlement se décrivant « brutal ». Entre les Eths, The Agonist, Eyes Set to Kill et autres In This Moment, le côté racoleur prime souvent sur l'originalité ou même la qualité. Et lorsque l'on peut lire des comparaisons entre Candice d'Eths et Amanda de Crowmorph sur le net, on peut alors se poser des questions : nos parisiens sont-ils encore un groupe se fondant dans la masse et n'apportant rien ? Et paf, d'un coup de vent, tous les préjugés sont envolés au moment d'appuyer sur la touche « play », lors du lancement de ce premier EP, Chroma.

La musique de Crowmorph n'est pas si simple qu'elle pourrait le paraître en apparence, et on se rend compte de cela dès les premières écoutes. On ne peut pas vraiment dire que le groupe tire la corde de la facilité et joue la carte du « plaire à tout prix », tant la musique est définitivement teintée de rythmes sludge et progressifs. Les changements de tempo ponctuent les compositions des français, celles-ci étant très diversifiées et, ainsi, offrent un beau panel de ce que le quintet est capable d'offrir à l'auditeur. Et ce n'est pas la facilité d'accès qui sera la qualité principale du combo, car au début, il est plutôt difficile d'entrer pleinement dans l'univers des parisiens, misant beaucoup plus sur les ambiances et les atmosphères que sur l'efficacité et le côté direct. A l'instar de leurs compatriotes de Dylath-Leen, la musique n'est pas là pour faire dans le bourrin bruitiste, tout se fait plus en subtilité. On adhère ou pas, mais force est de constater que l'ensemble est vraiment très travaillé, avec des morceaux taillés sur-mesure pour que la belle Amanda puisse s'exprimer de son growl puissant, parfois jouant presque avec ses limites mais sans jamais en faire trop ni surjouer. Encore une fois, la belle ne fera pas l'unanimité, sa technique pourra aisément en rebuter certains, et son chant clair, pas toujours très juste ni adroit, offre un agréable contraste entre un aspect plus sombre et l'autre révélant une certaine innocence, avec un timbre presque femme-enfant. Si la jeune femme améliorait encore sa technique, alors elle réussirait à conquérir encore mieux.

Seulement, le point qui à la fois contrarie et à la fois colle à merveille aux ambiances, c'est la production assez brut, parfois presque crade, qui ne sera pas là pour faciliter la tâche à ceux qui vont écouter cet EP. En effet, le son leur fermera encore des portes, avec ce côté presque brouillon qui, paradoxalement, renforce encore davantage la noirceur du propos. Crowmorph est loin de chercher à ratisser large, que ce soit de l'auditeur de death lambda au coreux, les français s'éloignant de ce style, là où de plus en plus de formations tentent de s'en approcher pour plaire. En ce sens, on pourrait presque qualifier la musique du combo d'être à contre-courant, et cela est un grand avantage, leur conférant une identité réelle, bien marquée, même si quelques influences telles Machine Head ou Arch Enemy peuvent êtres détectées de temps à autre, sans que cela ne choque vraiment, ni ne saute aux oreilles, même si sur l'éponyme « Chroma », elles ont parfois tendance à se faire ressentir. Est-ce un mal ? Que nenni, elles ne perturbent pas un seul instant l'édifice de la personnalité que s'est octroyé la formation.

Au niveau des paroles, ces dernières sont dans la langue de Molière. Peu de chances d'être rebutés car, la plupart du temps, il n'est pas facile de comprendre ce que la jolie Amanda hurle dans son micro. Donc, si vous avez envie d'en savoir plus là-dessus, il va falloir se munir du joli petit livret (enfin, il est très petit) pour lire les textes. Parenthèse fermée, les titres en eux-mêmes se distinguent très bien les uns des autres, mêmes si certaines ficelles sont plusieurs fois réutilisées, à savoir des structures complexes dans leur ensemble, à mi-chemin entre le progressif et le death/thrash, toujours avec ce sentiment de lourdeur, qui annonce la couleur : le groupe aime aussi le sludge. Dans ces horizons-là, « Overdose » et « Particules » sont les pistes championnes, répondant à cette description en tout points, la dernière avec presque une légère touche de stoner de temps à autre. Avis donc aux fans de The Agonist, Eths ou In This Moment, c'est une musique totalement opposée que vous trouverez à l'intérieur de ce Chroma, la présence d'une chanteuse n'interférant pas dans le style musique pratiqué. « Clash », plus directe, plaira certainement à certains, par un potentiel plus tubesque que les autres morceaux (même si, vous l'aurez bien compris, l'emploi de ce terme est à prendre avec des pincettes en parlant de Crowmorph). En terme de qualité, c'est très homogène, on ne décèle rien de mauvais. En revanche, « Particules » est vraiment marquante par sa technique et sa performance vocale. Probablement la meilleure piste de la galette.

Tordons le cou à certains préjugés en guise de conclusion : non, avec ce premier EP, Crowmorph ne se rapproche nullement de la musique pratiquée par des groupes comme Eths ou The Agonist (le fait d'avoir une chanteuse n'explique pas tout). Les parisiens livrent ici une musique relativement complexe et torturée, à l'ambiance sombre, presque glaciale, qui, c'est certain, demandera moult écoutes pour s'imprégner de l'univers si particulier des cinq membres. Mais une fois que vous serez à l'intérieur de celui-ci, croyez-bien qu'il ne vous quittera pas de si tôt. Malgré quelques défauts à corriger, les français livrent donc un premier jet mature et à la personnalité affirmée, qui, certes, ne fera pas l'unanimité, mais a au moins l'avantage de ne pas sacrifier la qualité musicale sur l'autel si prisé de nos jours du succès à tout prix. Rien que pour ça, il faut saluer la démarche de Crowmorph, un groupe sur lequel il va falloir compter à l'avenir. La messe est dite.

Note finale : 4/5

Photo du groupe par Nidhal Marzouk,
http://www.yog-photography.com
© 2011 Nidhal Marzouk  / Yog Photography
Toute reproduction interdite sans autorisation écrite du photographe.

Myspace de Crowmorph

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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