My Dying Bride – Feel the Misery

Riffs monolithiques, voix grave romantique ou colérique, tempos pachydermiques , violon, atmosphères introspectives, thèmes dramatiques, pas de doute, il s'agit bien d'un album de My Dying Bride. Mais Feel The Misery est cependant la meilleure sortie de ces géants anglais du doom gothique depuis dix ans. Une vraie résurrection.

On avait fait sa connaissance lors d'une cérémonie donnée au début des années quatre-vingt-dix, sa robe (As The Flower Withers en 1992) était alors faite d'un doom/death metal aux finitions gothiques. On avait célébré depuis ses noces de coton (Turn Loose The Swans en 1993) et les premières années de mariage furent ponctuées de bien belles surprises (The Angel And The Dark River en 1995, Like God Of The Sun en 1996).

Puis une première infidélité eu lieu (34.788%... Complete en 1998), un écart pardonné car il faut savoir parfois aller voir ailleurs pour donner un nouvel élan (créatif) à une relation. Tout était ensuite reparti sur des bases rassurantes (The Light At The End Of The World en 1999, The Dreadful Hours en 2001), il y eut même un heureux événement qui consolida l'union (Songs of Darkness, Words of Light en 2004, la quintessence), mais la routine a fini par s'installer. A Line of Deathless Kings (2006) et For Lies I Sire (2009) sentaient l'obligation aux devoirs conjugaux, les ébats sans grande imagination pour juste prolonger le contrat de mariage.

Monotonie rompue un temps avec Evinta (2011), intéressante (mais imparfaite) parenthèse atmosphérique pimentant un peu une libido créative laissée en berne depuis quelques années. Quant à A Map of All Our Failures sorti en 2012 et le EP The Manuscript l'année suivante, ils rassuraient une fois de plus sur la solidité de notre histoire d'amour avec la belle amoureuse anglaise, mais la tentation d'aller voir ailleurs se faisait néanmoins de nouveau sentir, car ces réalisations sans être mauvaises, se montraient un peu prévisibles.

Et en 2015 elle est de nouveau devenue resplendissante, note mariée agonisante. Pour cela il lui a fallu ressentir la misère.

Feel The Misery disponible sur le label historique Peaceville Records depuis le 18 septembre, est son plus beau linceul depuis le dernier chef-d'oeuvre sorti en 2004. Il y a déjà ces quelques surprises, à commencer par ce morceau introductif « And My Father Left Forever », un titre mid- tempo plutôt heavy qui musicalement sonne comme du vieux Trouble, au chant clair lyrique presque... enjoué (enfin pour du My Dying Bride dirons-nous), malgré des parties doom écrasantes parfois et la gravité du propos traité. Il fonctionne très bien et se présente déjà comme un classique du groupe. Citons aussi « A Thorn Of Wisdom » débutant avec le piano accompagné de la batterie et de la basse bien ronde de Lena Abé mixée en avant, le tout traversé par une petite mélodie lancinante et des nappes de clavier et où la voix d'Aaron Stainthorpe est noyée d'écho. La guitare ne faisant son apparition, tout en gardant une certaine retenue, qu'à la fin du titre. Ce très bon morceau rappelle l'expérimentation développée sur l'injustement mésestimé 34.788%... Complete. Autre agréable plaisir : « I Almost Love You » est un titre atmosphérique dans la lignée de « Sear Me MCMXCIII »  ou « For My Fallen Angel ». Cette piste est construite sur une mélopée au piano et comprend des parties planantes jouées au clavier et des interventions au violon. Le chant d'Aaron y est tout simplement poignant et ce morceau est d'une beauté absolue.



Mais avec My Dying Bride, le propos est avant tout doom et dans ce douzième album studio, il se veut labyrinthique et aventureux comme sur « To Shiver In Empty Halls » et son début furieux avec voix death et riff costaud, sur lequel on sent notre mariée agoniser, mais avec élégance. Le petit break au piano au milieu du titre est plutôt bien amené avant ce riff terriblement morbide et cette fin un peu médiévale et mystérieuse. On se croirait revenu aux heures glorieuses de Turn Loose The Swans et ce morceau est tout à fait convaincant.

« Within A Sleeping Forest » avec sa dizaine de minutes au compteur est aussi un titre complexe, mais pas ennuyeux, avec de nombreuses cassures et arrangements : riff doom, partie d'orgue, voix death alternant avec chant clair, break avant une accélération. On se laisse porter par le morceau malgré sa longueur cependant.

« A Cold New Curse » débute de façon directe et dégage une certaine urgence nous ramenant à Like Gods Of The Sun. La mélancolie doucement obsédante, les ambiances aériennes, voire caressantes faisant place parfois à l'agressivité. L'oppression dégagée par les parties doom et death qui elle renvoie au superbe Songs of Darkness, Words of Light. Ce titre est aussi un régal.

« I Celebrate Your Skin » commence sur un rythme de batterie ultra lent (saluons au passage le travail de Dan "Storm" Mullins qui arrive à tenir la cadence sur un tempo aussi peu élevé) et donne dans un doom death plus classique. Cela n'en reste pas pour autant un bon morceau.

Mais le tube de ce nouvel album des anglais est sans aucun doute le titre qui lui donne son nom : « Feel The Misery », véritable hymne qui se veut presque revendicatif, on peut même imaginer le public reprendre le refrain accrocheur en choeur lors des prochains concerts. Violon, riff lourd, break au piano et à l'orgue, la recette est classique pour du My Dying Bride mais très efficace.


On l'a appris depuis, le groupe a perdu Hamish Hamilton Glencross (mais depuis remplacé par le revenant Calvin Robertshaw), guitariste en poste depuis 2000, au moment de la sortie de Feel The Misery. On ne sait s'il a voulu donner un dernier baiser voluptueux à la mariée mourante en guise d'adieux. Si c'est le cas, elle semble alors être sortie éveillée d'un sommeil profond causé par un poison nommé routine. On peut le remercier, ainsi que ses ex-camarades, pour cette nouvelle (pleine) lune de miel, passée au cimetière comme d'habitude très chère épouse.

1.« And My Father Left Forever »
2.« To Shiver In Empty Halls »
3.« A Cold New Curse »
4.« Feel The Misery »
5.« A Thorn Of Wisdom »
6.« I Celebrate Your Skin »
7.« I Almost Love You »
8.« Within A Sleeping Forest »

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NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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