Lee Dorrian, chanteur de With The Dead (ex-Cathedral)

"Je n'ai jamais écrit une chansons joyeuse !"
 

Le moins qu'on puisse dire, c'est que Lee Dorrian a eu une vie musicale bien remplie. Et visiblement, ce sympathique anglais n'a pas pu s'empêcher de rajouter une ligne à son CV déjà plus qu'impressionnant avec With The Dead. Ensemble, nous avons évoqué son nouveau groupe, son travail de curateur du Roadburn 2016, sans oublier sa carrière passée en toile de fond.

Tout d'abord, peux-tu me parler de la genèse de With The Dead ?

Lee Dorrian (chant) : Eh bien, With The Dead n'a pas commencé comme n'importe quel groupe le fait normalement. D'ailleurs, je crois que c'est totalement raccord à mon histoire : je ne n'ai jamais voulu être dans un groupe, au départ. Y compris mon tout premier groupe : Napalm Death. On m'a demandé de rejoindre le groupe, l'initiative n'est jamais venue de moi. Donc là, encore une fois, tout s'est passé d'une manière... Inconventionelle, dirons-nous. En fait, tout vient du fait que Tim Bagshaw et Mark Greening ont tous les deux joué dans Electric Wizard. On revient de loin tous les trois, je les connais depuis une vingtaine d'années, l'époque de Come My Fanatics. Je me suis toujours très bien entendu avec eux, particulièrement avec Tim. Donc nous sommes toujours restés en contact avec les années, malgré le fait qu'il habite aux USA maintenant. Mark a rejoint Electric Wizard, puis il s'est fait virer il y a une paire d'années.

Tim, lui, est dans un groupe américain qui s'appelle Serpentine Path, mais je crois qu'il envisageait de revenir en Angleterre depuis un moment. En tout cas il est venu deux fois l'année dernière, et il en a profité pour aller voir Mark. Et c'est à ce moment là qu'ils ont eu envie de refaire quelque chose ensemble. Après Electric Wizard, ils ont joué dans un groupe qui s'appelle Ramesses, et ce groupe s'est séparé quand Tim a déménagé aux USA. Mais quand il est revenu, je savais qu'il avait quelque chose en tête, peut être juste un projet et pas un groupe à part entière. Ajoute à cela que Mark était sur les nerfs à cause de ce qui s'était passé avec Electric Wizard... [NDLR : Mark s'est fait éjecter du groupe après avoir enregistré le dernier album. Sans avoir été payé.] De mon côté, je n'étais pas du tout impliqué là-dedans à ce stade, je savais juste que Tim allait revenir un moment en Angleterre.

Il m'a appelé pour me dire " Oh, au fait, nous pensons reformer un groupe avec Mark. Serais-tu intéressé pour sortir ça sur ton label si on enregistre quelque chose ?" Ce à quoi j'ai répondu " Oui, bien sûr ! Restons en contact et dites moi dès que vous avez des chansons." Au départ, ils voulaient juste enregistrer un EP. Mais je leur ai dit que ça ne servait à rien. Les gens n'ont rien à faire des EP de nos jours. C'est soit un single 7 pouces soit un album, mais il n'y a pas grand chose entre ces deux formats. Ca n'a aucun sens financièrement de venir d'un autre pays, passer beaucoup de temps en studio et faire juste un EP. Donc je leur ai dit que si ça se faisait, il fallait que ce soit un album. Tim m'a envoyé de premières démos, et ça sonnait vachement bien. Ces chansons étaient intenses, directes tout en ayant un aspect "frais". Il n'y avait pas de trucs bizarre ou de blabla. C'était juste très lourd et rentre-dedans. Comme ça me plaisait, j'ai proposé à Tim l'année dernière de venir en Angleterre, de jammer avec Mark pour bosser sur ces compos, et qu'ils aillent enregistrer ça ensuite. De là, on aurait pu bosser sur la sortie de cet album. Ils ont donc fait ça, et je suis passé les voir au studio pour voir ce que ça donnait. De mon point de vue, la musique écrite était excellente, mais l'enregistrement était à chier. Vraiment, ça faisait enregistrement amateur, et le studio dans lequel ils ont fait ça n'était pas terrible.

Donc je leur ai suggéré d'utiliser ces enregistrements comme une démo, puis revenir enregistrer ça dans un vrai studio, avec un peu plus de temps pour penser à ce que à ce qu'ils faisaient plutôt que d'y aller le lendemain du jour où ils avaient joué ensemble pour la première fois. Et entretemps ils n'ont pas arrêté de me demander si je voulais chanter sur l'album. Et je n'avais pas vraiment envie de le faire, sachant que mon label me prend déjà énormément de temps. J'avais déjà quitté Cathedral, et une des raisons principales était que je n'avais plus assez de temps à consacrer à mon label Rise Above. Donc recommencer un groupe deux ans à peine après avoir quitté Cathedral n'était pas du tout ce que j'envisageais. Mais avec le temps qui passait, j'entrais de plus en plus dans les chansons, et j'ai décidé d'essayer.

Parce que ça me semblait un peu idiot de refuser, avec le recul : c'était une belle opportunité de faire quelque chose de nouveau pour moi. Quelque chose de frais et d'imprévu. Et on me présente ça sur un plateau... Donc je me suis dit que je ne pouvais pas refuser, d'autant plus que j'aimais beaucoup les compos. J'ai donc proposé qu'ils reviennent quelque mois plus tard, histoire d'avoir du temps pour réfléchir aux chansons, comment aborder les paroles, le chant, ce genre de choses. Je passais beaucoup de temps à faire ça, puis je ne faisais rien pendant un mois, puis je m'y remettais.

C'était une manière très naturelle de s'imprégner de cette musique. Nous sommes retournés en studio en mars 2015, à Londres. Cette fois, ils ont pris le temps de répéter, et tout s'est bien mieux passé. Les chansons sonnaient mieux, avec aussi plus de dynamique, plus d'agressivité. Moi, je n'avais qu'une seule règle à imposer aux gars si je m'impliquais dans le projet : faire l'album le plus lourd possible, sans aucune forme de compromis, un truc monumental quoi. J'ai donc bien veillé à ce que cela reste notre objectif principal : faire quelque chose qui envoie, concentrer notre énergie là-dessus et pas que ça parte en : "Oh, et si on mettait des passages psychédéliques ? Du folk ?" NON ! Il fallait une ligne d'orientation claire et cohérente. Et grâce à cela, je pense que nous avons réussi à créer un mur de son massif. S'il y a des erreurs sur l'album, elles y restent. S'il y a du feedback, on le laisse.

S'il y a un riff où la guitare est désaccordée, s'il y a une partie de chant qui n'a pas l'air parfaite, mais qu'on aime bien la prise, on garde. Aujourd'hui, beaucoup d'albums sont trop propres, surproduits et polis. En toute l'énergie et l'âme de la musique se perd de ce fait. Je voulais faire quelque chose avec un esprit punk.  Juste dire : "Allez vous faire foutre !", quoi. Et avec le recul, je crois qu'on a réussi. Quand les instruments ont été enregistrés, j'ai passé très peu de temps à l'écriture des paroles. J'ai passé beaucoup de temps à y réfléchir, mais je me suis imposé de ne pas passer plus d'une demi-heure sur chaque chanson. Alors qu'avec Cathedral, je passais six mois à écrire ces putains de chansons ! Je ne voulais pas que ca dure une éternité sans aucun intérêt. Je voulais que tout soit direct et spontané. J'ai donc enregistré toutes mes partie de chant en une fois, que des premières prises. Ca m'a pris deux heures. Tout était préparé dans ma tête, mais physiquement, ce n'était pas le cas. Voilà. C'était une longue réponse !
 

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C'est vrai ! Je me demandais : Est-ce que le nom du groupe a un rapport avec le deuil ?

Pas vraiment. C'est difficile à expliquer. Parfois, quand tu habites en ville, comme c'est mon cas à Londres, tu peux te sentir vraiment seul et perdu... Même si ça bouge en permanence, que tout va très vite, un peu comme dans une course de rats. Tu peux vite être submergé par ce monde qui t'entoure. Je n'ai plus de télé depuis un an et demi, et je vivais seul jusqu'à l'année dernière. Je suis devenu le genre de personne qui se perd dans son propre petit monde. Dans ma vie de tous les jours, je m'occupe du label, je vois les personnes qui comptent pour moi, mes amis, ma famille. Mais à part ça, je suis plutôt discret. Parfois, tu as l'impression que tout autour de toi est mort, et que personne d'autre ne le ressent. Et parfois, tu te sens mort, et tout est en vie autour de toi, et personne ne le voit. Ca parle donc de vivre avec tous ces aspects de la mort. C'est une sorte de parallèle à ta propre existence.

C'est très intéressant. Je ne sais pas si tu connais ton compatriote anglais Steven Wilson ?

Oui, bien sûr !

Eh bien, il se trouve que le concept de son dernier album est très similaire à ce que tu viens d'évoquer. Le point de départ a été un fait divers : une femme ayant la trentaine vit seule à Londres. Elle meurt, et on ne l'a découvert que deux ans plus tard !

Mon dieu... Elle devait être décomposée en deux ans. Les voisins n'ont rien dit ? Deux ans ?? Et le loyer ?

Elle devait être propriétaire. Et il a eu exactement le même discours que toi sur la vie en ville... Et maintenant, il vit à la campagne.

[Rires] Je crois que ça fait un moment, non ? De mon côté, j'ai grandi à Coventry, une ville plus petite. A bien des égards, c'est une ville qui est plein de problèmes. Je ne sais pas si tu es au courant, mais elle a été complètement détruite pendant la 2ème guerre mondiale, par les bombardements allemands. A l'origine, c'est une belle petite ville médiévale, comme Warrick, avec des rues pavées, des vieux bâtiments, etc... Tout cela a disparu. La ville a été reconstruite dans les années 50, et peut être bien qu'à cette époque, c'était la ville la plus futuriste du monde, en tout cas la ville la plus récemment construite. Il y avait un centre ville moderne, et plein de logements pour des familles très modestes en périphérie. A l'époque, ces logements donnaient envie, car tout était neuf. C'était une ville centrale pour l'industrie motorisée, Coventry était connue pour être le Detroit du Royaume Uni. Tout le monde s'y portait bien dans les années 50 et 60. Mais au mileu des années 70, tout semblait déjà très vieux, claustrophobe, gris... Cet excitation initiale s'est vite évanouie. Les gens avaient l'impression que la ville avait été bombardée à nouveau. Les usines ont fermé, les gens étaient au chômage, la dépression est arrivée. Il y avait aussi beaucoup de racisme, il y a eu des meurtres liés à ça. L'unité blanc/noir dans ce pays s'est faite après ce qui s'est passé à Coventry. C'était plutôt lugubre d'y grandir. J'aime cette ville, je n'ai jamais entendu quelqu'un en dire quelque chose de négatif, mais je ne peux plus y vivre. Et passer de cela à l'environnement froid de Londres... Je suppose que tu t'imprègnes de l'endroit où tu vis et ça se reflète sur la musique que tu fais. De fait, je n'ai jamais écrit une chanson joyeuse ! [Rires]

Tu es curateur du Roadburn 2016. Est-ce que tu préfères t'orienter vers une affiche de groupes classiques qui ont une réputation, ou pour de nouvelles formations qui méritent qu'on parle d'elles ?

J'ai deux jours, donc il y a de la place pour un peu des deux. Le premier jour est sur une mainstage donc c'est pour les gros groupes. J'ai tout de même une affiche assez diverse à l'esprit. Je ne peux pas t'en dire beaucoup plus. En tout cas, il n'y aura pas que des groupes de doom/stoner, tu peux en être assuré. En fait il y a un seul groupe qu'on peut définir comme doom, et c'est d'ailleurs le plus grand classique du genre qui existe : Pentagram. Sur ce jour, il y a un groupe de hardcore japonais qui n'a jamais joué hors du Japon jusqu'à présent. L'autre est une femme, mais je ne peux pas en dire plus, ce serait trop facile à deviner. Elle n'est pas du tout issue de la scène metal.

J'ai une idée en tête.

A oui, laquelle ?

Une américaine ?

Non. Ceci dit, elle vit aux USA.

Ok, je pensais à Chelsea Wolfe.

Non, elle est bien plus âgée.
 

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Tu as joué dans Napalm Death, un groupe essentiel dans l'histoire de la musique extrême, contribuant aussi à la genèse du grindcore. Justin Broadrick a formé Godflesh, Bill Steer a formé Carcass, Mick Harris a formé Scorn, et toi-même, tu as formé Cathedral. Tous ces groupes ont chacun crée ou en tout cas contribué à créer de nouvelles scènes. Comment expliquerais-tu une telle créativité venant de musiciens qui ont tous fait leurs débuts dans Napalm Death ?

Je ne sais pas. Je suppose que nous étions tous au bon endroit au bon moment. Nous étions tous extrêmement enthousiastes par rapport à la musique quand nous étions jeunes. Quand tu as ce type d'engouement, tu es toujours en quête d'entendre de nouvelles choses. Par ce seul fait, si tu te mets à jouer de la musique, elle va être différente que ce que jouent la plupart des groupes. Si tu creuses plus loin que les autres groupes du coin, tu vas avoir une vision plus large de la musique, ou en tout cas avoir des influences plus variées. On peut supposer que Napalm Death a été un de ces "groupes du coin".

Il faut savoir que j'ai rejoint Napalm Death en 87, mais ils existaient depuis 82 ou 83. Nick Bollen a fondé le groupe, et il était à fond dans la scène anarcho-punk de l'époque. Justin préférait des groupes comme Throbbing Gristle, des groupes industriels comme SBK, White House... Quand tu as 14, 15 ans, que tu écoutes ce genre de groupes avant-gardistes et que tous le monde écoute du punk très direct à ton école, tu vas sans doute te mettre à faire de la musique inhabituelle à un moment ou à un autre. De plus, en Angleterre, nous avions le luxe d'avoir un excellent animateur radio : John Peel. Quand tu as grandi en écoutant son émission tous les soirs, et que tu as été exposé à cette musique putain de barrée, venant du monde entier... Je veux dire, parfois, je n'arrivais pas à croire que ce que j'étais en train d'écouter pouvait exister. Ca t'ouvre l'esprit et tes conceptions musicales à une énorme source d'idées, de potentiel. Peut être que tu ne réalises pas que tu auras un jour la capacité de faire la même chose, mais en ayant ton éducation musicale faite par quelqu'un comme lui... Tu as tout ce dont tu pourrais espérer en termes de culture musicale, car il te les met sous le nez !

Ceci dit, peu de personnes écoutaient les trucs vraiment obscurs et bizarres que John Peel passait. Beaucoup écoutaient le « John Peel Show », une émission avec beaucoup d’audience. A l’époque, on enregistrait ça sur cassette, puis on l’emmenait à l’école le jour d’après pour l’écouter avec des amis. Tu copiais les chansons que tu aimais, puis tu pouvais te renseigner sur les groupes que tu avais apprécié dans l’émission.  Ca te permettait de creuser de plus en plus profondément. Tout cela nous a poussé à aller plus loin dans notre recherche musicale, à écrire à des gens vivant dans d’autres pays pour échanger des albums, etc… Et quand tu as ce type de personnes créatives qui joignent leurs forces pour former un groupe… C’est presque inévitable qu’elles vont se retrouver à faire toutes ces autres choses plus tard, notamment parce qu’ils ont eu l’opportunité de signer avec un label. Et à ce moment, John Peel se met à écouter ce que tu fais, à aimer, puis à passer tes disques, que d’autres jeunes écoutent, et le cycle continue ainsi de suite ! Encore une fois, tout le monde dans ce groupe avait des goûts musicaux plutôt subversifs. Nous n’écoutions pas que du metal ou du punk, nous nous intéressions à beaucoup de styles de musique différents. Et c’est comme ça que Justin s’est mis à faire le type de musique qu’il voulait faire. Et ça c’est passé de la même manière pour moi, j’écoutais beaucoup de musique lente, mais aussi beaucoup de musique rapide, et je pensais que les deux formes pouvaient être valides, et extrêmes. Ceci étant dit, pour la musique rapide, je pense que tu peux difficilement faire plus extrême autrement qu’en jouant encore plus vite. Pour la musique lente, c’est beaucoup plus ouvert, tu as plus d’espace pour l’emphase et aller dans plusieurs directions. Encore une longue réponse, désolé ! [rires]

Pas de problème, c’est intéressant ! Question rapide, même si je pense déjà avoir la réponse : est-ce que With The Dead va avoir un cycle de tournée classique, ou va juste faire quelques apparitions en festival ?


La deuxième option, clairement. Car je n’ai plus le temps d’être dans un groupe qui tourne autant. Donc on va faire quelques festivals, et si tout va bien, un deuxième album. Je ne veux pas que ce soit ce genre de groupe qui fait juste un album studio et rien d’autre.

 

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Je ne sais pas si tu t’en es rendu compte, mais dans quelques jours, Carnival Bizarre de Cathedral va souffler ses vingt bougies.

Quoi ?! Comment tu l’as-tu su ?! Putain… Vingt ans ! Je me souviens, c’était en octobre, et il y a eu une fête organisée dans un donjon pour l’occasion… Merde, ça passe vite !

Je t’avoue que j’ai eu du mal à y croire que j’ai écouté cet album pour la première fois. Il pourrait sortir aujourd’hui sans que ça ne choque personne, à la fois au niveau de la musique comme au niveau de la production.

C’est une bonne chose.

Quels sont tes souvenirs de l'époque de cet album ?


Je crois que pour chacun de nos albums, nous n’avons jamais essayé de rentrer dans le moule de ce qui se faisait à la même époque. Nous voulions que notre musique soit hors du temps, et justement pas dans l’époque présente. On voulait que ça soit un prolongement de toutes les choses qui nous inspiraient. On n’a jamais voulu calquer les standards de production qui se faisaient ou suivre ce que quelqu’un d’autre faisait déjà. On a juste fait ce qu’on voulait. Par contre, il y a certains de nos albums qui ont effectivement pris un coup de vieux, mais parce que la production n’était pas toujours exactement comme nous l’aurions voulu. Et je pense qu’une production simple et brute permet de garder un album en vie dans l’histoire.  La plupart des albums que je préfère n’ont pas forcément un son très précis ou déterminé. Ils sonnent juste naturels. Carnival Bizarre a été le premier album que nous avons fait avec le nouveau line-up. Il y avait eu beaucoup de merde pour The Ethereal Mirror, on a tourné aux Etats Unis et ça a mal fini. Il n’y avait plus que moi et Gaz dans le groupe après ça, et on a du demander à plein de gens de nous aider pour terminer nos engagements de tournée. Il n’y a pas eu de line up stable jusqu’à ce qu’on fasse Carnival Bizarre. Et cette formation a duré… Sept ou huit ans je crois. Leo Smee s’est fait virer, puis est revenu. C’était une belle époque. Contre toute attente, nous avions perdu notre contrat avec Columbia Records. La plupart des groupes aurait abandonné, mais c’était hors de question qu’on laisse tomber. Ca n’a fait en fait qu’affermir notre détermination à continuer. Gaz et moi avons continué d’écrire de la musique… Pour ce qui allait devenir un album que je considère comme un de nos meilleurs. Tout ce dont je me souviens de cette époque est que c’était cool. Il y a eu de belles tournées, l’album a été très bien reçu… Ca nous a régénéré en quelque sorte, car on sortait d’une situation où nous n’étions plus que deux. Les autres avaient continué avec d’autres projets, et ça nous a frustré de ne rien faire pendant une paire d’années.

Etant à la tête d’un label, je me doute que tu dois écouter beaucoup de musique. Qu’est-ce qui tourne sur ta platine en ce moment ?


[il soupire] Beaucoup de choses, mais pas beaucoup de musique moderne, pour être honnête. Je suis un sérieux collectionneur d’albums de toute sorte, ce qui est… A la fois un problème et un avantage. L’avantage, c’est que tu découvres des choses que sur lesquelles tu ne serais jamais tombé autrement. Quand tu écoutes un certain type de musique, tu te contentes souvent de n’acheter que ce type de musique. Mais si tu te retrouves à collectionner des albums sans distinction comme moi, tu te mets à acheter plein de trucs à un euro. Oh tiens, ça a l’air intéressant ce truc. Ca pourrait être un LP de free jazz, de la folk française, et tu peux trouver des choses que tu vas beaucoup apprécier. Je me rappelle, quand j’étais jeune, j’écoutais The Sweet. Puis après, je me suis mis à écouter du rock n’ roll : Eddie Cochran, Buddy Holly, Duane Eddy, ce genre de choses… Et Elvis, bien sûr ! Ensuite, je me suis mis au punk, et j’y suis resté pendant un long moment, de neuf ans à la fin de mon adolescence, je dirais. J’écoutais du punk, du hardcore, tout ce qui gravitait autour et qui était extrême. D’ailleurs, ça m’agace d’utiliser le mot « extrême » de nos jours, car je pense que plus rien n’extrême de nos jours. Au sens propre du terme, si tu vois ce que je veux dire. Il me fallait écouter tout ce qui se faisait de plus rapide et d’intense à l’époque, je n’avais que faire de la musique douce. Ceci dit, je suppose que j’avais des goûts plutôt éclectiques pour mon âge. Puis, j’ai découvert Black Sabbath. Et à partir de ce moment là, j’ai voulu savoir ce qu’il se passait musicalement au moment où ils se sont fait connaître, les groupes qui tournaient avec eux par exemple. Et ça m’a ouvert à tout un pan de musique obscure de la fin des années 60, début 70. Je suis devenu obsédé par cette période, à tel point que ça en devient presque absurde. Je veux dire, ma collection de disques de cette époque est ENORME, c’est insensé ! [rires] Pour la plupart, ce sont des pressages originaux de groupes complètement inconnus qui ont pris énormément de valeur avec le temps. A ce stade, ça devient de la folie, mais d’un autre côté, j’adore ça ! Et de nos jours, j’écoute majoritairement ça. Je considère d’ailleurs ça comme une bonne source d’inspiration. Je ne dis pas que je veux reproduire ce qui est joué ou la production typique de l’époque, je ne veux surtout pas faire de la copie carbone. Je déteste les groupes qui se mettent dans le sillage d’autres. Exemple : des groupes qui font du plagiat évident de Black Sabbath. Quel est le putain d’intérêt ?!? Ca ne va en aucun cas être aussi bon que Black Sabbath, donc à quoi bon essayer ? C’est génial d’être inspiré par d’autres, si c’est ce que tu aimes, pourquoi pas ? Mais il faut aussi mettre un part de toi dans ta musique, de cette manière, ça aura toujours une part d’originalité, car il n’y a qu’une personne qui est comme toi. Sois toi-même, sans essayer d’être quelqu’un d’autre, et ça sonnera toujours comme quelque chose de nouveau. Encore une fois, je digresse par rapport à ta question, désolé. Franchement, rien de ce qui  est sorti cette année ne m’a marqué. Ce qui a le plus retenu mon attention sont des disques de la période dont je te parle, mais j’en écoute des différents chaque jour, donc c’est difficile de m’en souvenir. Pour ce qui est sorti cette année, c’est très simple : j’ai surtout écouté les albums que je sors sur Rise Above. Je veux dire, on a signé mes groupes modernes préférés, c’est logique !
 

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Justement, je regardais le catalogue de Rise Above, et il ne reflète pas forcément la versatilité de tes goûts. Je veux dire, 90 % du roster est constitué de groupes de doom/stoner, il n’y a pas beaucoup de punk, par exemple…

Eh bien, il y a tout de même quelques albums de folk, un ou deux groupes plus ou moins prog rock. Les sorties punk/hardcore, c’était surtout au début.

Est-ce que tu as prévu d’étendre un peu plus l’ouverture de votre catalogue, musicalement parlant ?

Pour moi, nous l’avons déjà fait. Quand nous avons sorti des albums de folk, les gens ont dit que nous étions cinglés, ils ne comprenaient pas. La réponse est simple : j’aime cette musique ! Et si je prends un groupe comme Astra, ce n’est pas du tout du doom, ça penche plutôt vers le prog, et Diagonal, c’est du jazz rock. On vient de signer Galley Beggar, c’est de l’acid folk !

Est-ce qu’il y a un groupe qui t’a botté le cul sur scène récemment ?

[silence] A part les groupes du label, non. Après, je pense qu’il y a plein de groupes qui me plairaient sur scène, mais comme je ne vais plus tellement voir de concerts de nos jours... Ca me saoûle un peu pour être honnête. Je devrais m’y remettre, mais je n’en ressens plus le besoin. Les gens pensent que je sors tous les soirs pour chercher de nouveaux talents mais ça ne se passe pas comme ça. La plupart des groupes signés sur le label ne sont pas du tout d’ici et n’y tournent pas souvent. Je veux dire, je ne vais pas prévoir d’aller à Londres pour voir un groupe que je prévois de signer, car je sais qu’ils n’y seront pas. Si des groupes doivent être sur le label, ils viennent à nous ou nous venons à eux d’une manière ou d’une autre, que ce soit par des recommandations d’amis, ou alors je connais déjà quelqu’un qui joue dans le groupe, ce genre de choses. Ca se fait comme ça la plupart du temps aujourd’hui.

Il y a quelques temps, il y a eu cette tournée impressionnante avec Carcass, Napalm Death, Obituary et Voivod. Ce genre de tournées des rappelle un peu les tournées des années 90 de Cathedral, où vous tourniez avec des groupes qui n’avaient rien à voir avec ce que vous faisiez.

Le fait est qu’à l’époque, personne ne sonnait vraiment comme nous, donc de fait, quand nous étions en tournée, le spectre musicale était large. Cathedral jouait très lentement, alors que tout le monde jouait très vite. C’est d’ailleurs ce qui nous a permis de nous distinguer. J’avais quitté Napalm Death, dont tout le monde disait que c’était le groupe le plus rapide du monde, pour former Cathedral, et tout le monde s’est mit à dire « Beuh, maintenant il joue dans le groupe le plus lent du monde ! ». Ce n’était pas pour prouver que ce type de musique est meilleur que l’autre, je l’ai juste fait parce que j’en avais envie, et les gens qui me connaissent le savent. On a effectivement tourné avec des groupes très différents, allant de Carcass à Napalm Death, The Young Gods, the Cranes

En guise de conclusion, je me doute que tu dois bien t’entendre avec les gars de Bolt Thrower, et leur batteur Martin Kearns est décédé il y a peu…

Ah lui... Franchement, je ne m’entendais pas très bien avec lui, même s’il était de Coventry comme moi ! Pour une raison que j’ignore, il y avait quelque chose qu’il n’appréciait pas chez moi ! [rires] Mais je m’entends effectivement très bien avec les autres. D’ailleurs, j’ai contribué à la formation du groupe. Je connais Baz depuis mes 14 ans, c’est un des mes plus vieux amis de Coventry. Et je l’ai présenté à Andrew Whale, qui est de Birmingham. C’est comme ça que le groupe a commencé. Puis, je les ai présenté à Gavin, l’autre guitariste. C’est vraiment marrant, parce qu’après leur première répète, on s’est tous retrouvé au pub. Je lui demande comme ça s’est passé, et il me répond « excellent, on a même trouvé un nom ! » Il nous dit que le groupe s’appellera « Bolt Thrower », et tout le monde dans le bar est tombé de sa chaise, de rire… Genre « Putain, Bolt Thrower, c’est ridicule !! » Aujourd’hui, tout le monde connaît le nom et y est habitué, mais à l’époque, ça sonnait VRAIMENT moche.

C’était déjà inspiré du jeu de plateau ?

Je crois bien oui. C’est Gavin qui a eu l’idée, il me semble.

Interview par Tfaaon
 

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