Tobias Sammet, maître à  penser d’Avantasia

"Quand tu composes, tu dois continuellement garder un regard neuf, sinon ça ne marchera plus"
 

A l'aube de la sortie de Ghostlights, le prochain album d'Avantasia et la tournée européenne qui passera pour la première fois dans une salle française, Tobias Sammet s'est entretenu avec nous au sujet de son actualité, de sa carrière déjà bien remplie et de l'avenir, encore incertain, de ce titanesque projet de metal opera. 

Bonjour Tobias ! Merci beaucoup de nous répondre. 2016 s’annonce comme une année très chargée pour toi avec la sortie de Ghostlights et la tournée européenne. Je suppose que tu es plus qu’impatient !

Oui, même si j’aurais du mal à être plus surbooké qu’en 2015! (rires) Mais avec la tournée, la sortie de l’album, toute la promo autour… Je sens déjà l’impatience monter en moi, mais aussi chez tous les invités présents sur l’album, comme je discute souvent avec eux… Nous sommes tous très impatients d’avoir des retours du public.

Peux-tu nous expliquer brièvement le concept autour de Ghostlights ?

Il s’agit de la suite directe de The Mystery of Time, la deuxième partie qui vient clore cette histoire. En fait, The Mystery of Time situait la base et l’environnement de l’histoire : un jeune scientifique membre d’un groupe de scientifiques qui tentent de manipuler la perception que chacun a du temps pour aligner le rythme de vie de tout le monde, au départ dans un but très noble. En parallèle, le jeune scientifique découvre qu’une telle expérience n’a pas que des aspects positifs et qu’une force obscure essaye d’accélérer le rythme de vie des gens et leur perception du temps pour ensuite les rendre fou et les contrôler. Il tente de comprendre pourquoi, et en vient à la conclusion que quelque chose empêche les gens de penser aux valeurs qui importent vraiment dans la vie. Ils suivent des illusions, pour se rendre la vie plus simple et ne pas se questionner sur l’existence ou non d’un monde spirituel au-delà du monde réel.

J’ai écrit cette histoire parce que je vois le monde entier aller de plus en plus vite et se perdre dans des choses inutiles. Nous sommes tous nourris par des chimères et comme je le ressens, plus personne ne prend le temps d’apprécier les précieux moments de silence. On ne fait pas assez attention à la beauté fragile de notre existence et des choses simples qui l’habitent.

Dans la suite de cette histoire, j’essaie donc de peindre douze situations qui représentent des moments clés dans la quête du protagoniste. Il y a de tout, des rencontres, des conversations qui vont lui faire ouvrir les yeux sur la spiritualité et le monde invisible. Lui, le scientifique agnostique par excellence va s’interroger sur ce monde qu’il n’aurait jamais soupçonné.

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« Let The Storm Descend Upon You » est la plus longue chanson d’Avantasia depuis « The Seven Angels » avec douze minutes au compteur et quatre chanteurs différent. Tu es satisfait du résultat final ?

Absolument. En fait, nous n’avons jamais vraiment voulu composer une chanson aussi longue ni une pièce centrale à l’album, cela s’est mis en place de façon totalement naturelle. Simplement, au fur et à mesure du processus, la composition s’est faite de plus en plus longue, sans que je m’en rende compte et à la fin on s’est trouvé devant le fait accompli, elle durait douze minutes. (rires)

Mais ce que j’apprécie avec les longs titres, c’est que l’on peut prendre son temps, construire une certaine tension et jouer avec l’auditeur. Un long titre n’est pas forcément meilleur qu’un court, mais il y a cette idée d’absence de règle, de limite. Si l’auditeur est patient, il peut trouver des liens entre les différentes parties pour trouver une résonnance qui lui sera propre. De ce point de vue, j’aime vraiment beaucoup cette chanson en particulier et je suis fier de ce que l’on a réussi à en faire.

Ce qui frappe à l’écoute de l’album, c’est que tous les titres sont très différents, comme s’ils avaient tous leur propre personnalité. C’est quelque chose que tu recherchais ?

Pas vraiment. En fait, l’album est vraiment très long, 70 minutes c’est beaucoup trop long selon moi pour un album de metal. Tous mes albums préférés font entre 35 et 50 minutes, pour tout te dire, cela m’embêtait un peu de faire un album aussi long. C’est pour cela que les chansons sont très diversifiées, l’écoute reste fluide et on s’ennuie rarement. Sans cette diversité, je n’aurais pas pu faire un album aussi long, je n’aurais pas été content du résultat. Mais je ne dirais pas que j’avais dès le départ un plan pour cela, c’est plutôt un reflet de mes goûts musicaux personnels. Tu sais, j’ai 17 albums studios au compteur maintenant, et je pense qu’après une telle carrière, tu ne peux plus penser comme un jeune musicien. Tu dois continuellement garder un regard neuf, sinon cela ne marchera plus. Pour ma part, faire une musique très diversifiée est un très bon moyen de garder ce regard neuf.

Quand je compose je me dis qu’il n’y a aucune limite. Pourtant il y en a, puisque je n’aime pas composer du punk, ni du jazz… Je ne vais pas me mettre d’un coup à faire ce genre de musique, c’est pourquoi tout ce que je fais finira par ressembler à Avantasia
 

Parlons des invités. Y a-t-il une performance qui t’as vraiment séduite ?

Non, parce qu’en fait tous les personnages présents dans Avantasia possèdent leurs propres qualités et leur propre personnalité. On me demande souvent de choisir une chanson qui représenterait le mieux Avantasia dans toute la discographie, mais c’est très difficile, tout simplement parce que c’est la diversité qui fait ce que ce projet est aujourd’hui. Tous ces différents chanteurs qui se partagent le micro sur tous les titres font toute la singularité d’Avantasia. Maintenant, si quelqu’un se met à écouter le nouvel album et me dit « Donne-moi une chanson qui représente cet album », je lui dirais probablement « Let The Storm Descend Upon You ». Déjà parce que quatre chanteurs sont dessus, mais aussi car ce titre est long, épique et extravagant. C’est celui qui selon moi représente le mieux la nature de ce projet. Mais elle n’est pas mieux qu’une autre !

A chaque album tu changes et accueille de nouveaux chanteurs mais tu gardes ta confiance dans les mêmes guitaristes : Oliver Hartmann, Sascha Paeth, Bruce Kulick… Tu n’as invité personne d’autre sur Ghostlights ?

En fait, sur Ghostlights, je voulais un autre guitariste, très talentueux et que je connais bien : Alexi Laiho de Children of Bodom. Mais cela n’a pu aboutir parce qu’il était très occupé à fignoler son propre album. Mais mis à part cela, je me trouve très chanceux d’avoir les trois guitaristes que tu cites, ils sont totalement différents mais aussi très complémentaires. Ensemble, ils peuvent littéralement tout jouer, ils ont vraiment une palette très large. Pour cette raison, je ne vois pas l’intérêt d’amener quelqu’un d’autre tout simplement.

En mars prochain, tu vas jouer pour la première fois à Paris, au Trianon. C’est la première fois qu’Avantasia jouera un concert complet en France !

J’ai toujours voulu amener le package complet d’Avantasia en France. Mais c’est vrai que sans précédent auquel se référer, les promoteurs comme moi ne savions pas vraiment à quoi nous attendre, et si cela allait fonctionner. Ce n’était donc pas facile à mettre en place. Mais j’ai confiance, nous avons fait le Hellfest il y a quelques années et c’était une super expérience. Nous apportons quelque chose qui ne se voit nulle part ailleurs, Avantasia est vraiment un groupe unique en live et c’est génial de tourner avec dans de nouveaux pays. Les gens qui nous ont vus au Hellfest n’ont aperçu que la pointe de l’iceberg, une heure et demi c’est seulement la moitié de ce que l’expérience complète de trois heures d’un concert d’Avantasia va être. A Paris il y aura Michael Kiske, Bob Catley, Jorn Lande, Ronnie Atkins… Avec tous ces chanteurs, on peut jouer des titres de toute notre carrière et remonter jusqu’au Metal Opera, donc j’ai confiance, le concert à Paris va vraiment être une super soirée.

Penses-tu qu’il soit possible dans le futur d’amener Avantasia dans d’autres villes françaises comme Lyon où tu joues à chaque tournée avec Edguy ?

Cela dépendra surtout du succès que l’on va avoir avec cette tournée-ci. Tu sais, tout ça est surtout une question économique. Je ne suis pas musicien pour gagner de l’argent, mais je ne veux pas non plus en perdre. La production d’une tournée d’Avantasia est très chère. Nous avons avec nous beaucoup de chanteurs reconnus dans le monde rock/metal, un groupe, une grosse production scènique, beaucoup de camions, de bus… C’est loin d’être un groupe lambda et c’est un vrai investissement que de le faire parcourir l’Europe. On en saura plus en faisant le bilan du concert de Paris.

C’est quoi le plus stressant pour toi, une tournée d’Avantasia ou d’Edguy ?

Plutôt une tournée d’Edguy. Avec Avantasia, on peut partager le chant, donc c’est moins de pression pour moi quand je suis en mauvaise forme. Je me souviens d’une fois au Québec où j’ai attrapé une très mauvaise grippe. Pas la simple petite fièvre, j’ai dû aller à l’hopital pour faire examiner mes poumons. On a pensé à annuler le concert, le docteur m’a donné des médicaments qui m’ont presque fait oublier où j’étais. Apparemment, j’ai quand même réussi à monter sur scène et là, le poids qui pesait sur mes épaules a été assumé par mes amis Michael Kiske, Eric Martin, Amanda SommervilleMichael a chanté « Avantasia » tout seul par exemple, et c’est vraiment ce soutien qui a fait que le concert a pu se dérouler sans problème, même si j’étais vraiment malade. Donc une tournée d’Avantasia est un peu moins stressante pour cette raison.

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Juste pour le fun : est-ce qu’un jour Felix aura droit de faire un concert sans que tu te moques de lui ?

Felix ? … Non. (rires) C’est marrant, parce qu’on s’entend vraiment très bien même si il n’est parfois pas très content de ce que je lui fais subir. (rires) Non, sérieusement, tant que je ne franchis pas une certaine limite dictée par les bonnes manières, je pense qu’il me pardonne. On est vraiment de très bons amis.

Plus sérieusement, Avantasia est un projet qui commence à durer, alors qu’il était prévu pour sortir un ou deux albums et s’arrêter là. Combien de temps penses-tu encore continuer ?

Je n’en ai aucune idée, vraiment. Tu sais, l’un des plus beaux aspects d’Avantasia, c’est que je profite de chaque instant parce que je ne sais jamais combien de temps encore l’aventure va durer. C’est comme cela qu’on devrait voir la vie en général, mais on prend trop souvent tout pour acquis. Je parle même pour moi avec Edguy, on a un rythme plutôt régulier : une pause, un temps pour écrire de nouveaux titres, un album, une tournée… Avec Avantasia, je sais que je ne peux rien prendre pour acquis. On ne sait pas s’il y aura une nouvelle tournée dans trois ou cinq ans, parce que c’est une question de disponibilité. Si Pretty Maids, Unisonic et Magnum sont en tournée, on peut déjà oublier. Donc c’est très difficile pour nous de prévoir ce qui va se passer.

Mais de ton côté, celui de la composition, tu es toujours autant motivé par Avantasia que par Edguy ?

Oui, bien sûr. Après une intense période créative, j’ai toujours besoin d’une sorte de pause mais je ne sais jamais à l’avance combien de temps elle va durer. Il y aura peut-être un autre album d’Avantasia dans deux ans, mais il peut aussi n’arriver que dans cinq ans, c’est quelque chose que je suis incapable de prévoir. La seule chose qui est sûre c’est que je n’arrêterai pas.

Tu as pu entendre l’album en duo de Michael Kiske et Amanda Sommerville ? Tu as un avis dessus ?

Je n’ai pas pu en entendre beaucoup malheureusement. Ce sont deux voix vraiment superbes et quand tu as deux voix comme celles de Michael et Amanda, il y a très peu de chance que tu te rates. Mais je n’ai pas encore mis la main sur l’album, il faut que je le fasse sous peu !

Quel est le programme pour toi dans les prochaines semaines ?

Je ne fais que des interviews (rires). Non plus sérieusement, c’est vrai que la promo de l’album va m’occuper une grande partie de début 2016. J’espère pouvoir m’accorder une petite pause pour Noël (NDLR : interview réalisée début décembre) car comme tous les petits garçons, c’est une période de l’année que j’aime beaucoup. On devrait tourner un clip en janvier, je ne sais pas encore pour quel titre. Mais je t’avoue que j’ai hâte de pouvoir relâcher la pression autour de la sortie de l’album. Je ne suis pas vraiment quelqu’un de très ambitieux, et j’aurais même tendance à me considérer comme feignant. Ces temps-ci, je ne peux pas du tout l’être et c’est très frustrant (rires).

Merci beaucoup Tobias ! Un dernier mot pour nos lecteurs et les fans français ?

Je veux remercier tout le monde pour le soutien. J’espère que vous aimerez l’album, j’y ai vraiment beaucoup travaillé donc je peux vous assurer qu’il est excellent ! (rires) Je vous donne à tous rendez-vous sur la route avec Avantasia, ce sera vraiment super. Soyez sages, bonne année 2016 et rendez-vous en mars.

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