The Devil’s Blood – The Thousandfold Epicentre


Un grand coup de pied occulte !
 

Que dire si ce n'est, pour commencer, que nous nous trouvons aux côtés d'une formation intriguante, et très singulière. A l'instar d'un Ghost (ou plutôt Ghost à l'instar du combo du jour), l'identité de nos protagonistes n'est pas dévoilée, et, même si le groupe avance à visage découvert (prouvant ainsi que leur chanteuse n'est pas déplaisante physiquement parlant), on notera l'utilisation de pseudonymes. Quoi, chanteuse ? Ah non, ne fuyez pas déjà, car si on dit The Devil's Blood, est-ce que cela vous évoque quelque chose ? Quelques souvenirs d'une première galette de belle qualité peut-être, The Time of No Time Evermore, qui avait fait parler d'elle, et nous envoyait sur le devant de la scène ces mystérieux personnages. Toujours signés sur le label Van, les néerlandais choisissent une date de sortie propice à leur réputation (pour la connaître, faudra lire la chronique en entier, haha !) pour nous offrir le brûlot successeur. Intitulé The Thousandfold Epicentre, le skeud s'est fait attendre. Alors The Devil's Blood, phénomène de mode passager ou vrai talent ?

Petit avertissement préalable : les fans de metal, ceux qui n'aiment que ce style et ne sont pas prêt à s'ouvrir à autre chose peuvent stopper leur lecture ici, car la suite ne sera peut-être pas intéressante pour eux (sauf en cas d'intérêt pour les rites occultes et les mises en scènes extravagantes). Prévenons d'emblée que ce ne sera pas à du metal que vous aurez à faire dans ce The Thousandfold Epicentre, mais bien à une musique aux relents hard rock, tirant beaucoup vers ce style mais également vers quelque chose de plus psychédélique voir … pop. Pas dans le sens péjoratif du terme (même si quelques uns le prendront comme tel), mais plutôt dans le fait que la musique pratiquée par nos amis néerlandais est plutôt accessible, directe et, sur certains plans, carrément tubesque, pourrait presque passer sur des radios tellement elle est simple mais appréciable (en témoignage, la piste « She », calibrée mais envoûtante, qui évoquera « I'll Be Your Ghost » du précédent opus). Sauf que, sous cette facilité apparente, The Devil's Blood possède plus d'une corde à son arc. Les néerlandais ne sont pas là pour être éphémères, futiles et consommables. Non, leur musique, même si elle peut ne pas apparaître comme telle en apparence, est vraiment le fruit d'un solide travail et d'une base musicale construite.

En effet, ce qui est observable et fondamentalement remarquable, c'est ce parfait équilibre entre une facilité non-dissimulée et ce côté sombre, occulte et rebutant qui est tissé comme toile de fond. La redondance de la guitare et ses nombreuses couches ne sont pas là dans le seul intérêt de paraître joli. Si les premières réactions pourraient être un manque d'inspiration qui frapperait notre duo de choc, alors tournez votre langue dans votre bouche 7 fois et révisez votre jugement. Les constructions, les éléments posés tout au long de la traversée, la guitare omniprésente et répétitive, tout est là pour laisser une atmosphère aérienne et oppressante à la fois. The Devil's Blood est une formation qui aime définitivement jouer sur les contrastes et elle le montre. Elle est à la fois repoussante et prenante. C'est bien simple, aux premières écoutes, il est difficile d'être absorbé par l'opus. Et c'est par la suite que les (très) nombreuses qualités intrinsèques se révèlent. La première impression est trompeuse, tout comme les néerlandais semblent s'amuser à tromper leur auditoire. De facilité à complexité, de tubesque à profond, d'ennui à enchantement, on dirait bien que notre duo aime se payer la tête des moins persévérants, et ne laisser qu'à ceux qui prennent le temps d'entrer davantage dans leur univers le moment intense de plaisir à chaque nouvelle écoute.

Et si la recette semble être plus ou moins la même que celle appliquée sur The Time of No Time Evermore, c'est encore une fois pour mieux nous tromper. Dans sa globalité, The Thousandfold Epicentre est moins catchy et demande bien plus de patience pour être entièrement assimilé que son illustre prédécesseur. Déjà, les passages atmosphériques sont bien plus profonds et marqués, et désarçonner ne semble plus faire peur aux deux têtes à penser du groupe, dès à présent. Les trois titres de conclusion tranchent avec le début de l'opus, de manière plutôt déstabilisante au début. Pourquoi un tel choix, finalement ? Si cela ne conviendra pas à tous, il faut admettre que même dans cet exercice, The Devil's Blood est d'un professionnalisme assez déconcertant, tout en restant bien sûr drapé dans la soie de la simplicité. Et on ne peut que féliciter le duo pour avoir encore progressé en maturité, celle-ci qui était déjà bien présente, tout en gardant cet aspect frais et spontané qui fait bien sûr le charme du combo. « The Madness of Serpents » est suffisamment diversifiée pour ne pas lasser, et si prenante au fur et à mesure qu'elle en devient une pierre angulaire. Elle en éclipserait presque une « Feverdance » longue d'une quinzaine de minutes, qui ne décolle que sur sa fin, mais n'a pas besoin d'artifices pour toucher de son charme, grâce à une aura tout à fait naturelle. Chiante en apparence, elle est une beauté ambiante du plus bel effet (et au moins, on ne nous sert pas des narrations inutiles et pompeuses pour rallonger les minutes et montrer qu'on sait faire une chanson longue, n'est-ce pas Nightwish ?).

Des influences, la formation en a, et semble ne pas vraiment s'en cacher par moment. Seulement, elles sont si bien digérées que même lorsqu'elles sont perceptibles, elles ne dérangent pas une seule seconde. Parfois, on penserait entendre, dans la musique, du Black Sabbath des temps modernes, même si The Devil's Blood affectionne un aspect anachronique tout à fait original et se confectionne de la même manière une personnalité déjà bien affirmée et toute trouvée. Ajoutons à cela un aspect occulte qui leur colle à la peau. Se couvrant de sang durant leurs prestations scéniques et accomplissant des rituels au lieu de concerts, le message du groupe est dissimulé sous l'aspect plaisant qui le fait ainsi passer comme une lettre à la poste. Et puis, rien qu'une date de sortie le 11/11/11, pour les adeptes, ça le fait bien (et ce même jour c'était en plus la reformation annoncée des britanniques de Black Sabbath. Nos néerlandais ont choisis un bon jour, il faut croire).

Aidés par une production qui colle complètement (ni trop lisse, ni brouillon), le son est clair, et la guitare se taille une belle part dans le mixage, mais elle ne joue pas dans la technicité. Non, au contraire, elle est au service de la musique, tout comme la voix d'ailleurs, et c'est en cela qu'elle gagne toute son intensité et sa puissance. Mais le combo possède un élément de taille, un atout majeur qui nous donne envie de l'écouter encore et encore, et sans lui, ou plutôt, elle, The Devil's Blood perdrait beaucoup de son charme. Le chant de F « The Mouth of Satan » est carrément sublime. Pas dans le sens que l'on pourrait croire, car au départ, sa voix peut sembler commune, mais ce n'est pas le cas. Son timbre est atypique dans le genre, sonnant un peu blues et à l'expressivité phénoménale. Elle est également remplie d'émotions, et possède ce petit quelque chose qui fait toute la différence. Chaleureuse, radieuse, mais pourtant sur ce contenu très noir, elle est en osmose parfaite. Vraiment, un chant charismatique, doté d'une aura d'une élégante simplicité. Et l'ensorcellement dont nous sommes victimes, elle en est la principale cause. Le guitare Selim « SL » Lemouch n'est donc pas le seul à blâmer, sa complice à la voix si rare est celle qui nous assène le coup de grâce.

Les morceaux, eux, sont tous excellents. Uniformes dans la qualité, mais pas dans la musicalité, car la diversité est bien là, présente, ce qui évite la monotonie, la répétitivité (apparente hein, comme on a pu le constater avec les riffs de Selim), et rend le tout attrayant. C'est bien simple, « She » est une petite bombe, tout comme « Fire Burning », qui attireront le public. On peut aussi mentionner « On the Wings of Gloria », opener très énergique qui ne manque pas de faire son petit effet, ou encore « Within the Charnel House of Love », bien agréable. Enfin, il serait trop long de tout citer mais l'essentiel est que le moment de plaisir et l'intensité de l'écoute ne disparaît pas. Heureusement, d'ailleurs, que les néerlandais ne jouent pas dans la banalité, sinon, l'effet « déjà entendu » aurait gâché la magie.

Et voilà que s'achève un The Thousandfold Epicentre de la plus grande qualité. A la question posée en introduction, les écoutes répétées y répondent. Et les néerlandais de The Devil's Blood enfoncent le clou encore plus qu'avant, nous offrant un brûlot encore meilleur que le précédent (c'est dire !). S'il se retrouve en position d'album de l'année pour vous, cela n'aurait rien d'étonnant tant les qualités qui en ressortent sont marquées et ne manquent pas (sauf si vous n'aimez pas écouter quelque chose qui sort de l'ordinaire, du cadre metal ou que vous êtes misogynes). En clair, nous sommes en face d'une œuvre incontournable de l'année 2011, qui ne doit pas être occultée malgré son occultisme. Il serait même fortement dommage que vous passiez à côté d'une telle pépite. Et si le 3e opus est de cette trempe, alors on peut s'attendre au meilleur.

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NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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