Funeral Mist – Salvation (2003)

 

Funeral Mist -  Salvation
2003

    Je ne suis pas mécontente de vivre en ces temps obscurs... à leur manière... et de pouvoir librement écouter des chefs d'oeuvre du Black Metal comme celui-ci...

 

    Librement ? Je n'en suis pas si sûre... Depuis que l'album Salvation de Funeral Mist est sorti en 2003, je me cache pour l'écouter. Parce que l'on ne veut pas être démasqué dans sa propre noirceur et on veut protéger le Démon qui est en nous. Et aussi... parce que l'on n'est jamais à l'abri d'une Inquisition. Qui a dit qu'elle n'existait plus de nos jours ? Quelles formes revêt-elle dans un monde où l'on est fiché et potentiellement traqué ?

   Dans ce monde qui court vers sa propre perte et dont je me fous complètement, la seule chose qui m'importe, c'est de faire ma propre quête spirituelle, parce que je n'ai foi qu'en moi-même. Parler de  Salvation, c'est me révéler au grand jour, mes tripes exposées devant vos yeux, mes stigmates jamais coagulés mais franchement putrides... Parler de Salvation c'est vous faire goûter mes larmes.

   Il est certain que si vous vous risquez à écouter cet album, il vous transpercera comme une lance. Au minimum. Si je l'ai choisi avant tout le reste, c'est parce que c'est l'album qui m'accompagnera jusqu'à ma perte, cela est certain. Et ce n'est pas sans raison.

   Pour ceux qui ne connaissent pas encore Funeral Mist, je me dois de le présenter. Le projet a pris forme quand Daniel Rostén, sous le pseudo Arioch, l'a rejoint en 1993 en tant que bassiste. Rapidement, c'est devenu le projet d'un seul homme qui écrira et chantera tous les titres. Après avoir révélé son potentiel dans des démos comme Darkness, Havoc et en particulier Devilry, il sort Salvation en 2003, en plein « boom » du Black Metal Scandinave. Funeral Mist est Suédois, et existe encore de nos jours... Mais si vous pouvez admirer toute la puissance vocale de Daniel Rostén sous le pseudonyme Mortuus dans le groupe Marduk, qu'il a rejoint en 2004, vous ne le verrez jamais cracher les titres de Funeral Mist sur scène...

 

    La question que vous vous posez déjà est certainement pourquoi avoir choisi cet album de Black Metal parmis les millions d'autres ?

   Tout d'abord parce que Mortuus, ou Arioch, a toujours eu un problème avec la religion. Moi aussi.

   Il n'est donc pas étonnant que l'univers de Funeral Mist tourne autour du thème religieux, de la dévotion et de la foi, dont la transgression nous condamne aux tourments de l'enfer. Mortuus ne se contente pas dans son oeuvre d'étaler ses recherches théologiques, ni de pondre des thèmes clés du Black Metal que sont le Satanisme ou le duo Mort/Destruction, qui a été essoré à force d'être utilisé par la plupart des groupes du genre. Tout simplement parce que Arioch ne suivra jamais quelconque troupeau de moutons espérant être caressés par Dieu...

  Ensuite, parce que l'album Salvation est l'oeuvre la plus blasphématoire jamais créée. C'est un véritable chef d'oeuvre si je puis le nommer ainsi. Dix titres qui nous assujettissent à leur puissance, rapidité et haine. Un monument qui mérite sa place au Panthéon des meilleurs albums de Black jamais créés. Une oeuvre complète, un triptyque d'une efficacité jamais égalée. Certes, Mortuus est aussi à l'origine d'autres projets comme Triumphator par exemple, mais en matière de transgressions en tout genre, celui-ci est tout simplement au zénith.

 

   Enfin, parce que cet album est fascinant tant il regorge d'ambiguïtés. Comme une peinture médiévale, ce disque recèle des symboles à chaque instant, et dans chaque illustration qu'il contient. Son ambiguïté est de loin, ce que je préfère. J'aime aussi la manière dont cet album transpire les émotions comme la foi, l'amour, la soumission ; puis le rejet, l'abnégation. Pour moi, chaque titre me vide littéralement de ma substance. Grâce à cet album, j'existe encore. Ambiguïté surtout, parce que les titres sont tantôt chantés en anglais, tantôt en latin et tous sont a priori un hymne à la gloire ou à la disgrâce de Dieu.

  A commencer dans la souffrance avec « Agnus Dei », un cri diabolique et une rafale de blasts exécutés à l'époque par Tore Stjerna nous rappellent le Black Metal le plus « raw » qui puisse exister. Il est intéressant de réécouter l'album Salvation à notre époque pour voir à quel point la voix de Mortuus s'est encore bonifiée avec le temps. Déjà, dans les paroles, le rapport conflictuel envers la religion se fait sentir, mélange d'objuration envers Dieu et ...d'adoration.

   « See me not for your eyes are pain
      Do not force me to stab you again
      For I envy every wound on your corpse
 ! »

   Puis le couperet tombe avec les deux meilleurs titres de l'album, « Breathing Wounds » et « Holy Poison ». Arioch étant un amateur de films classiques sur l'obscurantisme du Moyen Age, et sur le Christianisme, il n'est pas rare de trouver des samples en tout genre et extraits audio de films évoquant la vie de Dieu, mais aussi des références aux Démons et à la Bible. Des chiens galeux évoqués dans le Livre Saint apparaissent ici, et l'intensité de ce titre est tout simplement insupportable. Ce matin encore, j'ai pleuré à chaudes larmes sur ce titre et cela n'est pas la première fois... Riffs saccagés, voix criées stridentes à souhait, résonnant dans un sempiternel écho...on ne connaît jamais le repos sur ce titre. Il vibre avec vous, ou vous vibrez à cause de lui... Heuresement, le titre « Holy Poison » nous rappelle que la beauté de cet album s'appuie aussi sur les mélodies simples, mais arrangées à l'extrême, habillées comme une rosace laissant pénétrer la lumière divine. Ainsi, « Holy Poison » est un titre sublime, intense, mélangeant passages mid-temp et rapidité, et une batterie souple, à la limite du groovy...

   Puis, on accompagne Dieu sur le chemin vers le Golgotha où de nombreux coups de bâton ont été infligés au marthyr... ce Dieu qu'Arioch se délecte de voir souffrir pour nous... et c'est un des moments les plus forts de l'album. Mais Arioch, une fois de plus, brouille les pistes...  En effet, tout, dans cet album, nous ramène à lui. Les effets miroir dans le texte sont sans appel :

   «  Yet shall war be the echo of your love
       Just like war shall be the echo of mine 
».

   Album introspectif sans conteste, Arioch se représentant également sur la couverture d'album, avec une couronne d'épines sur sa tête, crucifié et exposé au vu de tous. Au milieu des abominations, un ange veille sur lui...

 

   Les titres « Perdition's Light » et « Across the Qliphoth » sont des plus dévastateurs sur l'album. Comme une montagne russe, ils vous emmènent au sommet avant de vous faire redescendre à haute vitesse. La voix devient plus sombre et inéluctablement Arioch nous annonce qu'il se détourne de la lumière.

   Sur le sublime titre « Circle of Eyes », une longue plainte, hypnotique et répétitive, Mortuus s'invente une prière. Désespéré, c'est en serviteur qu'il se place ici et nous donne encore matière à réflexion. Cyniques et drôles à souhait, les paroles de la prière méritent une fois de plus d'y jeter un oeil. D'une fascinante beauté, des chants religieux soulignent le titre et font écho à ce long riff répété inlassablement durant les douze minutes du morceau. Pour moi, c'est à chaque fois l'occasion d'élever mes pensées les plus secrètes. En espérant que personne ne les entend.

   Le titre « In manus Tuas » est un prolongement du titre précédent. Il s'agit tout simplement de la prière du même nom, dont l'exécution vous laissera avec le souffle coupé. L'énorme surprise de l'album est cette longue complainte exécutée au violon, à la trompette et au pipeau, instruments plus faisandés les uns que les autres...

    Putride, blasphématoire et dérangeant, l'album Salvation n'a pas que des partisans. Ceux qui le craignent ou ne le comprennent pas, lui reprochent un son brouillon, le retrait des guitares par rapport à la rafale de blasts et la vitesse d'exécution indescriptible.

   Mais qu'importe que le grand public n'ait pas su reconnaître la beauté de Salvation. Il s'est tut en 2009, lorsque Mortuus a sorti le deuxième opus de Funeral Mist, intitulé Anathema Maranatha. Là où tout le monde croyait Funeral Mist mort et enterré, Mortuus nous livre une merveille qui a fait couler beaucoup d'encre et tellement mieux produite... Pour moi, cependant, bien que magnifique, il n'a pas la profondeur de Salvation.

   Anathema Maranatha reste cependant incontournable parce qu'il permet de comprendre la direction musicale prise par Mortuus, mais aussi, du coup, celle de Marduk, et revêt une forme plus moderne de Black Metal.

   N'ayez pas peur de votre reflet et plongez vous dans ce chef d'oeuvre « Flashback » que je vous livre ici comme la plus belle offrande que je puisse vous faire.

 

Katarz 

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