Marc Görtz, guitariste et compositeur de Caliban

 

"Peu importe s’il y a cent ou mille personnes, on prend toujours autant de plaisir à être sur scène."


A quelques semaines de la sortie de Gravity, prochain album de Caliban, le guitariste et compositeur principal Marc Görtz a accepté de répondre à nos questions sur le processus de composition et la nouvelle direction musicale du groupe, qui fêtera l'an prochain ses vingt ans de carrière. De quoi en apprendre plus et connaître quelques petits secrets de fabrication d'un album au son plutôt inattendu.

Salut Marc, merci de nous accorder un peu de ton temps. Ghost Empire est sorti il y a deux ans, c’est toujours à peu près ce même délai entre vos albums. Vous êtes réglés comme du papier à musique, non ?

Non, c’est quelque chose d’assez naturel pour nous. Après avoir terminé un album, j’arrête d’écrire pendant un an environ, parce qu’avec les tournées et les festivals, je n’ai pas l’environnement qu’il me faut pour ça. J’ai besoin de paix et de tranquillité pour me concentrer, je sais que certains groupes composent leur album en pleine tournée, dans le bus, mais ce n’est pas mon truc. J’ai déjà essayé, mais à chaque fois que je rentrais de tournée, je mettais ce que j’avais écrit à la poubelle pour repartir à zéro. Donc après le premier cycle de tournée, je me pose pendant environ trois ou quatre mois pour composer avant d’enclencher le processus d’enregistrement et c’est pourquoi le timing est d’environ deux ans. Ce n’est pas planifié, parfois c’est un peu plus ou un peu moins, mais on ne se met aucune pression pour sortir un disque tous les deux ans.

Le changement que l’on ressent en premier lorsqu’on écoute l’album, c’est évidemment le chant clair de Denis (guitare) qui était une sorte de marque de fabrique et qui là a complètement changé. Comment en êtes-vous arrivés à cette décision ?

Tout simplement, nous avons réalisé il y a peu qu’Andy, notre chanteur principal qui s’occupe des screams, savait aussi faire du chant clair ! Dans l’album, on a essayé de combiner leurs deux voix, ou même de laisser Andy chanter seul les parties claires, c’est pourquoi on sent le changement. Deux ou trois refrains sont encore chantés seuls par Denis, mais ce n’est plus comme avant quand la structure de toutes les  chansons était globalement la même : Andy chantait, puis Denis, puis encore Andy… C’est bien plus homogène puisqu’on n’interchange plus les chanteurs. On avait essayé ça sur Ghost Empire avec la chanson « King » où Andy chantait le refrain et ça nous avait bien plu. Il s’est beaucoup entrainé ces deux dernières années pour arriver à ça.

On entend également quelques fois du chant féminin. C’est la première fois que vous en utilisez ?

On ne l’a fait qu’une fois auparavant, sur l’album Vent qui est quand même assez vieux. Sur Gravity, la chanson principale est « The Ocean’s Heart » où c’est Alissa White-Gluz d’Arch Enemy qui alterne au growl avec Andy et fait le chant clair qu’on entend en background. Ensuite il y a « Mein Schwarzes Herz », une chanson en allemand où c’est une de nos amies Kathrin, musicienne studio, qui s’y est collé. Pour ce titre, au moment où l’on a terminé de l’enregistrer, on sentait que quelque chose manquait encore. On se disait « il faudrait quelque chose de mélodique, mais unique en son genre ». Elle était encore dans le coin et on s’est dit « Pourquoi elle n’essayerait pas ? ». Elle y est allé et a enregistré d’une seule traite, donc c’était loin d’être prévu à l’avance.  

Encore une fois tu as produit et mixé ce nouvel album. Tu aimes avoir cette touche finale sur les sorties de Caliban ?

Il y a deux raisons à cela. D’abord, ces dernières années, j’ai ouvert mon propre studio d’enregistrement. A l’époque de Ghost Empire, je n’ai pas tout fait, je faisais seulement quelques aller-retours au studio. Maintenant mon studio est ouvert, c’est beaucoup plus facile pour moi de travailler donc j’ai pu y superviser tous les enregistrements, sauf le chant qu’on est allés enregistrer à Berlin. Ensuite, j’ai tout mixé mais j’avais peur de ne pas avoir assez de recul, donc j’ai mixé les chansons terminées à 80% puis je les ai confiées à un ami à moi, également producteur et que je considère un peu comme mon « professeur ». On a retravaillé ensemble quelques jours avant que je revienne à mon studio pendant une semaine, pour mixer la version finale.

De plus, comme j’ai composé tous les titres, j’avais une vision plutôt claire de comment l’album devait sonner. Je voulais un son plus cru, plus heavy, et ça n’aurait eu aucun sens d’expliquer ce que je voulais à un autre producteur. Cela nous a fait gagner du temps et de l’argent. 
 

marc gortz, caliban, interview, gravity


 
Maintenant que tu parles de la direction musicale plus sombre et heavy, je l’ai lu également dans la présentation de l’album. Dans le même temps, vous avez composé « BrOKen », peut-être l’une des chansons les plus douces de Caliban. Peux-tu nous expliquer la genèse de ce titre ?

Si tu écoutes bien tous les albums de Caliban, tu verras qu’à chaque fois ou presque, il y a un titre plus doux, comme « This Oath » sur Nemesis par exemple. Ce genre de titre est venu naturellement avec le développement du chant clair d’Andy. Auparavant, on avait aussi ces idées de titres plus soft mais Denis n’aimait pas chanter des couplets doux, il trouvait que sa voix ne collait pas à ce type d’atmosphère. Quand on a commencé à utiliser le chant d’Andy, il a essayé de poser sa voix sur une composition similaire et ça a fonctionné, donc on a décidé de garder l’idée pour Gravity. « BrOKen » a un style plutôt rock et selon moi, c’est un bon moyen de contrebalancer les chansons très heavy de l’album. Je pense qu’elle n’aurait pas sa place sur un album plus doux. Je pense qu’elle se différencie aussi des autres titres du genre qu’on a pu faire car il n’y a quasiment que des instruments classiques. Sur « This Oath » par exemple, on a beaucoup travaillé sur un son électro, avec des synthétiseurs. Ici on recherchait un son plus dépouillé.

Une nouvelle fois, vous avez une chanson en allemand qui se distingue des autres dans ce nouvel album. Pour toi, c’est une manière différente d’écrire ?

Oui, d’une certaine façon. En fait, tout a commencé quand on a enregistré cette cover de Rammstein, « Sonne » et qu’on s’est aperçus que la voix d’Andy sonnait super bien en allemand. On ne l’avait jamais fait avant et il nous disait toujours « C’est horrible quand je chante en allemand, je sonne vraiment mal ». Je lui répondais « Comment tu peux savoir ça ? ». Enfin, avec la cover de Rammstein il a été obligé de s’y mettre. Pour ce qui est de « Mein Schwarzes Herz », lorsque j’écoutais la chanson instrumentale pour la première fois, j’ai d’emblée su qu’elle devait avoir des paroles en allemand, sans que je puisse dire pourquoi. Cela se passe toujours comme ça, si je sens que quatre chansons méritent des paroles en allemand, elles les auront. Tout comme il est possible qu’il n’y en ait aucune.

Donc tu exclus de composer un jour un album entier en allemand, comme Callejon par exemple.

Non, cela n’arrivera pas je pense. Pour nous, ces chansons en allemand sont des exceptions. Nos chansons principales sont en anglais, nous chantons en anglais depuis nos débuts donc ce serait vraiment bizarre de changer totalement comme ça. Je pense que ce serait un nouveau groupe, plus Caliban. Le maximum sera d’après moi quatre chansons en allemand par album, mais une ou deux cela semble plus réaliste.

caliban, 2016, interview, gravity

Depuis quelques années, vous n’avez plus l’air de tourner massivement en-dehors de l’Allemagne mis à part quelques festivals. Pourquoi ?

Simplement, l’année dernière nous n’avons pas tourné beaucoup en dehors de l’Allemagne parce que l’on était en plein processus de composition, donc c’était souvent des concerts isolés. Mais l’année prochaine on va se rattraper. On a déjà plusieurs festivals de signés et on partira aussi en tournée européenne vers octobre je pense, sans oublier la France promis !

Vous semblez un avoir un peu moins de succès ici qu’en Allemagne ou les pays germanophones… Vous aimez quand même venir y jouer ?

Oui, tu sais, chaque pays a une culture propre et une façon de vivre les concerts totalement différente. Pour nous, peu importe s’il y a cent ou mille personnes, on prend toujours autant de plaisir à être sur scène. Bien sûr le plus gros marché pour nous c’est l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse et peut-être la Belgique, mais tant que les gens s’amusent à nos concerts, nous aussi. Mais on est venus souvent en France ces dernières années, et la prochaine tournée devrait passer par Paris et au moins deux ou trois autres villes

Cela fait maintenant longtemps que Caliban existe, vous étiez là quand le metalcore a commencé à apparaître. Qu’est-ce que tu penses de la multitude de groupes qui émergent en voulant jouer ce style de nos jours ?

Je n’y ai jamais réellement réfléchi. Mais honnêtement je trouve ça assez cool, c’est toujours important de garder la scène vivante, surtout quand de jeunes groupes émergent. Cela permet d’apporter constamment de nouvelles influences à la musique et de ne pas tourner en rond avec toujours les mêmes vieux groupes. Je trouve ça bien qu’il y ait beaucoup de nouveaux groupes, ce serait mauvais si il n’y en avait aucun parce que ça voudrait dire que notre musique n’intéresse plus personne. Là, de plus en plus de jeunes metalleux ont l’air de vouloir jouer ce style et ça me plait.

Justement, tu n’as jamais été tenté d’intégrer à la musique de Caliban des éléments de djent ?

Oui, en fait dans nos deux derniers albums tu peux retrouver quelques touches djent mais je n’ai pas voulu y aller trop fort avec ces éléments. Par exemple si tu écoutes « Who I Am », tu peux y entendre ce genre d’éléments mixés avec notre son plus traditionnel. En plus de ça, on a essayé et conservé beaucoup d’accordages différents sur cet album, du B jusqu’au Drop G donc forcément on retrouve un peu de djent. Et je suis aussi un gros fan de Meshuggah, peut-être que ça joue aussi !

Caliban nous a habitués à des artworks très riches, avec beaucoup de détails mais celui de Gravity est très sobre. Peux-tu nous expliquer ce choix ?

En fait, le mec qui fait nos artworks [Marcel Gadacz, du groupe Dream On Dreamer NDLR] est arrivé un jour avec plusieurs images dans ce style, sans avoir la pochette définitive. Et il se trouve que si tu cherches « Gravity » sur Google images, tu tombes sur certains symboles qui représentent le concept. Il en a choisi un et l’a retravaillé légèrement pour le transformer en « G » de « Gravity ». Quand il me l’a montré, j’ai été tout de suite emballé car on dirait vraiment une marque de fabrique, elle est reconnaissable immédiatement. A partir de là, on a décidé de faire le reste tout aussi minimaliste, en enlevant par exemple le logo Caliban habituel. Le résultat est assez sombre et colle parfaitement à l’atmosphère de l’album je trouve.

Du coup, la grosse production scénique qui vous accompagnait sur scène va aussi être sacrifiée pour avoir ce rendu minimaliste ?

Ce sera différent de la tournée Ghost Empire c’est sûr. On vient seulement de se mettre à travailler dessus cette semaine alors je ne peux pas trop t’en dire pour l’instant. On fera probablement quelque chose avec ce « G » stylisé mais l’ensemble sera plus dépouillé oui. C’est compliqué parce qu’on aime vraiment avoir des choses sur scène, un design unique pour que le spectateur se rappelle de son concert.

Merci beaucoup Marc pour tes réponses. As-tu un dernier mot pour nos lecteurs ?

Merci à toi et merci aux fans français de venir aux concerts ! Je sais que ça fait longtemps que nous ne sommes pas revenus, mais cette année on aura le Hellfest et des concerts plus tard, en automne donc j’espère vous voir là-bas !

 

close

Ne perdez pas un instant

Soyez le premier à être au courant des actus de La Grosse Radio

Nous ne spammons pas ! Consultez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.



Partagez cet article sur vos réseaux sociaux :

Ces articles en relation peuvent aussi vous intéresser...

Ces artistes en relation peuvent aussi vous intéresser...