Dunderbeist – Black Arts & Crooked Tails

... Dans une locomotive qui carbure au Diesel, quelque part en route entre A et B, deux gentlemen d'un certain âge évoquent le futur du Heavy Metal.


Vieil Homme 1 :
« Mike...Ne voudrais-tu pas faire quelque chose qui ôte tous les ingrédients inutiles du gâteau pour n'en garder que l'essence ? Comme la cuisine italienne tu vois ? Quand tu commandes un poulet, tu obtiens un poulet et un bon. Avec une bonne et authentique saveur de poulet. »

Vieil Homme 2 :
« Ouais bien sûr. Mais contrairement à la cuisson d'un parfait poulet italien, le Heavy Metal a, pour sa part, certains ingrédients que l'on ne peut lui retrancher. Les guitares, la basse, les percussions, les couilles et la bite. Les fondamentaux. Et ça, ça ne concerne que la cuisson et la préparation. Tu dois en plus le servir, le resservir, et le resservir encore avec confiance, talent, une grande admiration pour l'art et une attitude qui fera qu'à côté, les piments argentins les plus piquants auront la saveur de blé suédois. Le poulet italien si parfait devient ennuyeux la seconde fois, tandis que le Heavy Metal qui contredit toutes les règles actuelles de l'art... C'est cela qui fait avancer l'engin au Diesel. Va te faire foutre, James. »

  Une morale de l'Histoire incompréhensible ? Humour Norvégien ? Besoin d'aide ? D'explications ?

Mes épaules sont assez douces et rondes (depuis quelque temps...) pour venir vous accueillir et blottir pendant que vous découvrez cet OVNI qu'est le combo Dunderbeist. Les sept gaillards masqués sont des stars dans leur pays et viennent enfin s'exporter pour de vrai avec cette cinquième galette intitulée Black Arts & Crooked Tails disponible chez Indie Recordings.

 

 Une bien belle nouveauté de l'année composée de 10 titres d'un Rock/Heavy fortement inspiré puisque ces hommes masqués qui ressemblent à Green Lantern ne sont rien d'autre que de mystérieux voleurs. Mystérieux mais démasqués! Ex-membres de KRACE, Kite, Stonegarm avec notamment Torgrim Torve dont la voix est tout simplement une des plus belles de Norvège. Notons aussi la présence de Fredrik Ryberg aux guitares. En tout cas ce qui est sûr c'est que Dunderbeist ne sont que des voleurs. Voleurs de groupes tout d'abord, puisqu'ils empruntent ouvertement à Volbeat,  Stone Temple Pilots, Queens of the Stone Age et surtout Faith No More. Voleurs de style ensuite : leur genre musical se situe sans surprise entre un Rock/ Heavy survitaminé et coloré, mélangé à une noirceur moderne à la Kaizers Orchestra, autre Alien Norvégien qui fait fureur là-bas. (Sauf que ces derniers ont fait le choix de chanter exclusivement en Norvégien, contrairement à Dunderbeist). On peut y rajouter du Power Metal, du Stoner et une grosse pointe de nostalgie.

   Un groupe qui assume emprunter à d'autres ce qu'ils ont pu faire de mieux est déjà relativement osé, mais nous pourrons passer outre ces considérations si tant est que l'album entier nous donne envie de s'arrêter là, de savourer avec plaisir cette nouvelle vague (le futur ?) de Heavy Metal.

   Nous sommes en effet sans conteste en train d'assister à un glissement de terrain : les bases du Heavy Metal (si bien décrites ci-dessus) sont bel et bien maintenues mais son visage est en train de changer. La manière de l'appréhender aussi. A l'époque en Norvège, on se moquait de ceux qui écoutaient du Dimmu Borgir par exemple. « C'est de la Pop! » - leur rétorquait-on. En guise de vive réponse, certains se réfugiaient dans les caves pour brailler un Black Metal dédié à Satan et surtout pas se mélanger. Désormais, c'est officiellement acquis que le Heavy Metal se mue en Rock / Pop et tout le monde aime ça. Les clips se multiplient, on rentre dans le système sans complexes et on joue de la musique festive, dynamique et avant tout accessible. Au départ, les groupes traditionnels se sont mis au progressif, à l'instar d'Enslaved qui ont halluciné après leur dernier show à Paris en avril dernier, lorsque la foule acclamait : « We want old songs! »* Je ne vous parle même pas de l'évolution de Nocturno Culto et son side-project à Darkthrone (dont le visage a aussi bien changé !) intitulé « Sarke ». Gaahl de Gorgoroth a carrément rejoint un petit groupe de Folk, de son ancien batteur et sans intérêt, qui s'appelle Wardruna et où l'on peut l'entendre chanter avec une voix claire et intensément grave. Par goûts personnels certainement. Et aujourd'hui, les groupes de Black Metal ralentissent d'un cran : le dernier Taake sonne comme un choeur d'enfants à côté de la Demo  Necro  de ses débuts, puisque cela est certainement du goût du jour. D'ailleurs le bijou intitulé Noregs Vaapen dont je ne me lasse pas, a été nominé au Grammy Awards Norvégien! La plupart des groupes qui autrefois faisaient du Black ou même du Heavy Traditionnel s'y mettent aussi, et le prochain Vulture Industries sonnera Pop ! (voir la vidéo de l'interview qui nous a été accordée avec cette confidence). On allume la télé et voilà : Dimmu Borgir, Behemoth, Solstafir et Taake rejoignent les rangs des Mastodon, Opeth et bientôt Lady Gaga. L'avantage, c'est que l'on n'a plus à choisir ses rangs, se cacher mais au contraire, on se décomplexe, que l'on approuve cette évolution, ou pas.

   Dunderbeist, eux, ont bien compris les modes du moment et c'est sans complexe qu'ils nous servent ici encore ce Rock/Metal que l'on sirote plus avec une Vodka Energy Drink par 25°C qu'une Absinthe par -15°C. Bonne promo, bons clips, bonne attitude de poseur font que cette Recette Italienne ne peut que plaire au plus grand nombre. Un succès fulgurant en Norvège et bientôt chez vous.

    Sans langue de bois, mais de manière réfléchie, il faudra examiner cette petite perle et les raisons de son succès. Le combo Dunderbeist saura-t-il satisfaire nos papilles exigeantes habituées à la vraie gastronomie ?

 

   On commence donc par naviguer sur un titre chanté en Anglais, "La Guerre du Feu" très entraînant et rythmique, qui nous place directement dans le style du combo. Je reste surprise par la profondeur groove de ce titre malgré une surface lissée. On enchaîne sur un « Through the Peephole » en vous laissant deviner quel sujet il aborde. Magnifiques changements de rythme, on est saisi par l'énergie véhiculée par ce groupe et surtout...par la ressemblance des riffs avec ceux de Faith No More. C'est de plus en plus la voix de Trogrim dont il joue comme d'un instrument : variations, impulsions, comme un facteur d'ambiance les parties vocales habillent ce titre très entraînant. Les véritables inspirations rejaillissent encore plus sur le titre « Fear & Loathing » qui rappelle nos jeunes années où nous écoutions Silverchair. Les emprunts à Faith No More pour lesquels Dunderbeist voue une grande admiration me viennent aux oreilles. Toutefois, le titre a le mérite, au delà de sa construction simple, d'être mélodieux et catchy à souhait.

   Le mixage de l'album a été assuré par Fredrik Ryberg et Kristian Liljan et, une sublime production aidant, on comprend vite que ce sont les guitares qui sont mises en avant, d'où le côté punchy sur tout l'album, même sur les titres les plus lents comme « Lucifer Eyes » qui sonne absolument Doom. La Comtesse Batory de Candlemass fut ici remplacée par la personne de Lucifer. Des similitudes existent, même si l'ambiance est plus diabolique, comme sortie du salon d'Anton Lavey derrière son sourire narquois et son orgue.

   Diaboliques aussi, les riffs de « The Worst Sentence » malgré la platitude de ce morceau à structure simple tout en mid-temp. Une voix qui se mue encore, rappelant presque de manière déconcertante par moments celle d'un Phil Anselmo sur "Planet Caravan". Heureusement quelques notes au synthé viennent sublimer ce titre ennuyeux à la longue, tombant presque dans la parodie à partir de la troisième minute.

   Le tube de l'été c'est « Shields Aligned » qui commence sur des sons de champ de bataille : chaînes et boucliers qui s'entrechoquent pour du « Viking Power Pop » dans lequel Dunderbeist démontre tout son génie ! Les sept Norvégiens cassent les codes existants et puisent dans leurs influences sur lesquelles je ne reviendrai pas pour se foutre ouvertement de la gueule du genre. Sous des paroles de guerre simples : "Back into line, hold formation, hold your shields aligned, wait for my sign" on découvre une musique qui n'a rien à voir ! C'est tellement bien fichu que l'on pourrait presque faire tomber les membres de Manowar sur les genoux...

 

   Si « More me » n'apporte rien à l'opus et donne même une sensation de tourner en rond malgré un final splendide, on marquera une pause un peu plus soutenue sur « Winter Past » dans lequel on a cette agréable sensation de sentir enfin ressortir la personnalité de Dunderbeist ! Une intro pagan de quelques secondes qui vire presque aussitôt en un Rock énergique. La voix est magnifique et emprunte d'intensité sans en faire des tonnes. Le combo n'a pas envie de se prendre la tête et nous le démontre ici clairement : on se lâche complètement, on oublie les codes, on se sent comme dans une fête Norvégienne transportés par quelques guitares sèches et des chants d'oiseaux avant de resautiller sur les coussins du canapé en chantant à tue-tête.

   « 8 crows and Counting » est un des titres les plus complexes et encore une fois... réussis dans l'album. Un démarrage génial qui repart de plus belle en riffs d'influence typiquement Metal et un refrain béton. Brusques changements de rythme qui se limitent à un son de cloche, c'est un coup de pied dans le cul du Rock'n'Roll. Un titre dont l'intensité progresse et me porte à croire que les Norvégiens recyclent les vieilleries pour avancer avec leur époque mais surtout avec talent.

   Sur le dernier titre « Hum Hum » qui vous portera vraiment dans une autre dimension, (notez les samples de fin et leur ressemblance probablement non voulue avec la fin du dernier Taake !) je me répéterai inlassablement.

  La limite entre Médiocrité et Génie tient parfois à pas grand chose. En prenant une immense expérience de la musique, Dunderbeist arrive à prendre de la distance par rapport à celle-ci tout en arrivant à copier les pointures. Son exploit relève d'un certain génie qu'il faut reconnaître que l'on soit amateur du genre ou pas. Je ne pense pas que Dunderbeist cherche simplement à dépasser le stade de l'inclassable, mais surpasse-t-il ses maîtres ?

   La réponse est quelque part dans le Heavy Metal de l'avenir ...
 

          Katarz

Je vous disais quelque part que les Clips de Dunderbeist valaient le détour... imprégnez-vous donc de celui-ci :

 

Tracklist :

1. La Guerre du Feu (Lord of the Flames)
2. Through The Peephole
3. Fear & Loathing
4. Lucifer Eyes
5. The Worst Sentence
6. Shields Aligned
7. More Me
8. Winter past
9. 8 Crows and Counting
10. Hum Hum

* « On veut des vieux morceaux ! »
 

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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