Dagon, chanteur et guitariste d’Inquisition, au Hellfest 2016

"Fly me to the Moon"

C’est un Dagon assez fatigué qui me rejoint en salle d’interview avec plus d’une heure de retard. En revanche quand il commence à répondre aux questions c’est un grand bavard. Alors attention, bouclez vos ceintures car on va voyager vers une galaxie lointaine, très lointaine…

 

Lionel / Born 666 : Votre album est prêt depuis le mois de mars il me semble. Comment vivez-vous l’attente jusqu’à sa sortie ?

Dagon : L’album était censé sortir en juin, mais je voulais travailler un peu plus sur l’artwork. Et ce travail supplémentaire sur le design de l’album en lui-même a repoussé la date de sortie d’un mois et demi. Vous ne pouvez pas louper votre date de pressage. Les entreprises ont leurs propres plannings et comme nous n’étions pas prêts pour notre deadline d’origine du 30 mars qui aurait permis à notre album de sortir en juin on a dû repousser la sortie de notre album au 26 août. Mais c’est vraiment une bonne chose. La pochette de l’album reflète vraiment le message que l’on veut faire passer avec notre musique.

Lionel : Et quel est le message de votre album ? J’ai pu écouter votre nouvel album une fois et le titre de l’album est très long…

Dagon : Bloodshed Across The Empyrean Altar Beyond The Celestial Zenith… Eh bien, cet album est comme un gâteau avec plusieurs étages. Quand on le coupe on voit bien les différentes couches. Si on prend le dessus, on peut dire que notre album traite tout d’abord de conflits. C’est une bataille entre les forces du bien et du mal, entre le négatif et le positif, c’est le yin en le yang. On peut voir cette bataille partout dans l’univers qui nous entoure, que ce soit d’un point de vue macrocosmique ou microcosmique. Lorsque l’on regarde les collisions cosmiques, les astéroïdes, les météorites et les planètes qui s’entrechoquent, toutes ces choses comme les rayons X, les rayons gamma, cela a toujours été une bataille constante et les anciennes civilisations le savaient déjà. Ils ont toujours été conscients de l’activité cosmique. Ils ont étudié les étoiles, ils ont pris conscience qu’elles bougeaient, que l’univers était vivant. C’est un peu comme une société avec ses propres batailles, ses propres règles. Les anciens ont donné des noms à toutes ces entités cosmiques, des noms de divinités car ils percevaient en elles un côté surnaturel. On peut dire en gros, qu’on a deux dieux qui se battent, deux opposés qui défendent leur territoire, qui protègent chacun quelque chose à l’intérieur de leur périmètre d’espace. Donc lorsque vous regardez notre pochette d’album, le premier cercle représente l’univers qui s’étend. Et si l’on regarde à l’extérieur de ce cercle, il n’y a rien. Juste, encore plus d’espace. Mais c’est un espace qui est en-dehors du périmètre, cet espace représente le néant. Et dans ce néant il a du sang et cette effusion de sang, c’est plutôt évident, est une représentation symbolique de la guerre.

Inquisition


Lionel : J’imagine que vous faites beaucoup de recherches.

Dagon : Oui, je m’inspire beaucoup des Sumériens. La culture sumérienne est la première culture que l’on connaisse. Beaucoup d’historiens débattent sur le fait que les sumériens n’ont peut-être pas été la première civilisation organisée. On entend des choses sur la Turquie et …

Lionel : Et l’Egypte ancienne aussi.

Dagon : C’est un autre sujet. Les Egyptiens avaient une certaine activité, une culture. Mais de ce que j’ai lu, à cette période, l’Egypte avait de plus petites tribus, pas encore de grandes dynasties alors que les Sumériens avaient déjà une monarchie et des dynasties. Ils étaient en avance d’un millier d’années. Les Egyptiens sont aussi un peuple passionnant. Ils étaient également cosmologistes. Ils vénéraient le soleil. Pour eux, tout se passait au-delà de notre existence terrestre. On a la même chose avec Odin dans la culture nordique. Tous les peuples ont vénéré les cieux que ce soit en Europe ou partout dans le monde.

Lionel : Oui, dans toutes les religions.

Dagon : Exactement. Donc, notre album représente l’esprit de l’humanité, les croyances que l’on peut avoir dans des entités vivantes ou dans l’espace qui sont les dieux, et ces dieux sont en guerre pour des territoires, pour savoir qui règne sur l’univers. C’est une dimension importante dont nous, humains, ne connaissons pas la signification, mais les dieux la connaissent. Mais si l’on regarde les choses d’un point de vue mythologique, on passe à une autre strate un peu plus profonde. Si l’on se bat pour un territoire tous les deux, on est également sur un autre plan, et on peut aussi retrouver cette notion de bataille chez les bactéries. On peut le voir sous un microscope. En fait, en y réfléchissant bien, il y a des conflits à n’importe quelle échelle. On peut aussi le voir sur le plan mental. Notre esprit est dans une bataille constante entre le rationnel et l’irrationnel, entre les différentes croyances, notre spiritualité, etc.

Lionel : Votre musique est souvent considérée comme sataniste, comme un blasphème alors que vous vous intéressez à toutes sortes de religion.

Dagon : Pour moi, cet album est composé par l’espace et l’esprit qui sont tous deux des univers représentés par l’Autel Empyréen (= Empyrean Altar NDLR), mais le Zénith Céleste (=Celestial Zenith NDLR) est le plus haut point de l’espace en lui-même et du spirituel. L’état d’élévation est quelque chose qui va bien au-delà de notre horizon, l’horizon que l’on ne voit pas. « The Unseen Horizons » est aussi le titre d’une des chansons de notre album précédent. Et tout ceci est une chose pour laquelle nous nous battons. Et peut-être qu’un jour nous gagnerons cette bataille et nous nous retrouverons au bord de l’inconnu. Nous sommes à la recherche de l’inconnu et cet inconnu est aussi la fin de notre univers. On recherche ce qu’il peut bien y avoir aux confins de notre univers. On ne sait pas ce qu’il y a derrière cette matrice. Et d’un point de vue psychologique on essaye d’étendre cette bulle, comme on essaye de repousser les limites de notre esprit. On est en expansion permanente. Nous sommes une extension de notre univers. L’univers n’a pas de notion de bien ou de mal et on dit que l’univers n’a pas de conscience. En réalité, nous n’avons pas de but en tant qu’humain.
 

Inquisition


Lionel : Mais vous croyez au Big Bang ?

Dagon : Oui, j’y crois. Mais je voudrais savoir si tout cela a un but, mais la science nous dit qu’il n’y en a pas. La science nous dit à nous humains, que nous ne sommes rien.

Lionel : Mais quelle est la raison pour laquelle vos titres d’albums sont si longs ? Voulez-vous ouvrir l’esprit de votre public ? Le faire réfléchir ?

Dagon : Une autre raison est que tout le monde utilise des titres cours. C’est plus un état d’esprit pop. Imaginez, si j’avais intitulé cet album Bloodshed ou Bloodshed Beyond the Altar. J’aurais pu imaginer plein d’autres choses. Mais je veux que les gens ralentissent, qu’ils prennent le temps de voir si j’écris des conneries ou s’il y a vraiment une signification derrière tout ça. Je pense que dans l’univers du metal, la plupart des groupes sont contre les religions. Mais certains musiciens sont vus comme des figures religieuses. Ils pourraient vous dire n’importe quoi et vous y croiriez. Mais en fin de compte, on ne sait jamais vraiment. On ne fait pas attention aux paroles et on se dit que c’est juste de la bonne musique. Mais pour ma part, je voudrais vraiment que les gens prennent le temps de trouver un sens dans les paroles et la musique. Vous savez je ne suis pas un scientifique, je n’essaye pas d’en être un, ni un philosophe, mais je fais de mon mieux en tant qu’artiste pour faire réfléchir les gens. J’ai envie d’inspirer les gens, leur donner envie de lire des choses intéressantes, de la philosophie, de la science, peu importe ! Je pense que c’est ce que la musique devrait inspirer et c’est ce que l’on essaye de faire. J’ai envie que cet album pousse les gens à faire des recherches sur l’astronomie, sur l’Egypte ancienne, sur les Sumériens… Beaucoup de groupes ont traité de ces sujets, ou encore de la vision du monde par Lovecraft (Howard Phillips Lovecraft, écrivain américain 1890-1937 connu pour ses récits fantastiques, d'horreur et de science-fiction NDLR), mais je pense que l’on n’a pas vraiment le temps de rentrer dans ces sujets en profondeur en interview.

Bref, tout ce que je peux faire à mon niveau c’est écrire avec le nombre de mots limités que j’ai pour écrire une chanson. En résumé, avec cet album, je veux montrer ce qu’est la notion de conflit à différentes échelles, je veux parler de religions, de science, de spiritualité, de physique, de physique quantique, des notions de chaos et d’ordre, je veux que les gens trouvent du sens.  Le black metal a quelque chose de philosophique. On veut que le black metal ait du sens. On peut trouver du sens en se questionnant soi-même. On peut en trouver dans la spiritualité, la philosophie, la science. Pour moi, il était important de parler des trois dimensions du monde et les Sumériens sont une civilisation intéressante car ils ont fait beaucoup de recherches. On peut voir tout ce qu’ils recherchaient quand ils ont écrit l’Epopée de Gilgamesh (récit légendaire de l’ancienne Mésopotamie (l'Irak aujourd'hui), faisant partie des œuvres littéraires les plus anciennes de l’humanité NDLR), par exemple. J’aime cette civilisation car ils parlaient beaucoup de la création de l’Homme, de civilisations extraterrestres venant sur terre. Ils ont parlé des reptiles, de comment les Fils d’Anu sont venus ici, ils ont créé l’ADN. C’est une belle histoire. Ils ont créé de fantastiques inventions comme la pile électrique de Bagdad. Ils ont aussi parlé d’objets volants venant sur Terre, ils les ont décrits en détails. Les Hindous ont aussi décrits des choses similaires et je me dis que c’est parce que nous sommes tous des Homo Sapiens que nous avons pu imaginer ou halluciner des choses similaires. C’est un bon sujet pour l’art.

Lionel : Une dernière question. Vous jouez aussi la basse sur vos albums, mais jamais en live. Est-ce que cela change votre perception de la musique.

Dagon : Beaucoup de gens ne le savent pas, mais il n’y a pas de basse en studio. La seule fois qu’on a utilisé une basse c’était sur notre premier album en 1988, mais plus après.

Lionel : Et vous aimez venir jouer en France ?

Dagon : Oh oui. On joue souvent un France. On est toujours bien accueilli par le public. On aime beaucoup venir jouer ici.

A nouveau un TRES GRAND MERCI à ELOÏSE MORISSE pour son aide sur la traduction de l’interview…

Photos : © 2016 Lionel / Born 666
Toute reproduction interdite sans autorisation écrite du photographe.

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