Tom S. Englund, chanteur d’Evergrey

"Nous sommes toujours restés dans cet état d'esprit sombre et triste."

A l'occasion de la sortie de The Storm Within, le dixième album des Suédois d'Evergrey, nous nous sommes entretenus avec son leader, Tom S. Englund, afin de connaître les coulisses de la genèse de cet opus. Nous avons évoqué ensemble le rôle de Floor Jansen en tant que guest de luxe sur cet album, ainsi que l'anniversaire d'Evergrey, dont la carrière dure depuis une vingtaine d'année. Entretien avec un vocaliste pince-sans-rire mais aux réponses honnêtes et franches.

Bonjour Tom et merci de nous accorder cet entretien. Nous sommes ici pour parler de The Storm Within, votre nouvel album. Il s'agit de votre dixième depuis la formation d'Evergrey il y a vingt ans. Comment parvenez-vous à être aussi prolifiques ?

Je pense que le secret c'est tout simplement de rester qui tu es et d'écrire la musique que tu as envie d'écrire. Et ce, même si parfois tu es obligé de te battre contre des gens qui ne sont pas d'accords avec cela. Il faut toujours continuer dans la voie qui te plait, et envoyer les autres se faire foutre ! Parce que c'est toi qui écris la musique, c'est ton groupe. Et le plus important c'est de rester heureux face à ce que tu fais, surtout en ce qui concerne le processus créatif. Je pense que c'est la clé pour être quelqu'un de comblé !

Sur The Storm Within, on retrouve deux invitées : Floor Jansen (Nightwish) et une fois de plus ton épouse, Carina Englund. Comment es-tu rentré en contact avec Floor et que penses-tu que ces voix féminines apportent à la musique d'Evergrey ?

Carina a été présente sur tous les albums que nous avons sortis. C'est en quelque sorte l'épice que nous aimons saupoudrer sur nos morceaux. En réalité c'est elle qui m'a dit de contacter Floor cette fois-ci, car nous sommes amis avec elle. Au début je ne voulais pas lui demander, car elle est dans Nightwish, je pensais que c'était ridicule de la solliciter et qu'elle avait autre chose à faire. Mais d'un autre côté, nous nous disions que cela serait chouette d'avoir sa voix sur ces chansons qui semblaient taillées pour elle. Donc nous lui avons demandé, elle a été flattée et a accepté d'enregistrer ces titres. La différence entre Floor et Carina c'est que Floor est une professionnelle. Cela fait une différence. Carina ne l'est pas. C'est juste une chanteuse qui a du talent mais ce n'est pas son travail. Elles ont donc une approche différente. Floor aime se sentir préparée avant d'entrer en studio. Carina y va à l'instinct. Floor possède une voix lyrique, qu'elle n'utilise d'ailleurs pas sur la chanson "In Orbit". Carina a une voix que je qualifierai de plus "soul".

Quelles consignes as-tu donné à Floor avant qu'elle n'enregistre ses parties vocales ?

A Floor ? Rien du tout ! Je n'ai rien à lui suggérer ! (rires). Nous avons fait plusieurs prises, non pas parce qu'elles n'étaient pas parfaites dès le début, mais parce que je voulais avoir le choix de retenir celle qui me plaisait le plus.

Sur cet album, il y a d'autres surprises. Je pense notamment au choeur d'enfant qui clôt le titre "Distance". Il y a également des influences électroniques sur "Passing Through". Souhaitais-tu explorer de nouveaux horizons en particulier ?

Je pense que ces petites touches ont toujours été plus ou moins présentes dans nos morceaux. Les choeurs, les violons, quelques éléments électroniques également. C'est vrai que c'est plus flagrant et plus mis en avant sur ce nouvel album. C'est peut être lié au mixage en particulier. Nous avions en tête de faire sonner ces chansons avec une approche assez froide, basée sur les sons de batterie et de guitare. Mais en contraste, il y a ma voix qui reste toujours très "organique" et naturelle, tout comme celles des enfants et de Floor et Carina, et même les instruments à cordes comme les violents et les violoncelles.

Pour promouvoir cet album, vous avez prévu de sortir trois clips, réalisés en Islande. Peux-tu nous en dire plus ?

Et bien finalement, il y a aura quatre puisque nous en avons finalement réalisé un en compagnie de Floor. Nous sommes effectivement allé en Islande pour filmer les trois premiers clips. Il s'agit de "Distance", "The Paradox of the Flame" et "The Impossible". Nous les avons filmé toutes les trois en même temps car c'était plus simple à préparer, nous avons fait un seul tournage pour les trois clips. Mais je trouve que ces paysages conviennent parfaitement à l'image qu'il y a derrière ces morceaux. La marche solitaire qu'il y a dans ces clips c'est un peu la même qui continue à chaque fois, mais dans un décors tellement fantastique. C'est ce feeling que nous voulions montrer avec ces images.

Pourquoi ces chansons en particulier ?

Nous avions hésité avec "Passing Through" qui avait aussi beaucoup de potentiel. Mais je trouve que les trois titres que nous avons choisis avaient cette ambiance qui collaient parfaitement avec le paysage. Pour "Passing Through", c'est une lyric vidéo qui a été préparée.

Sortirez-vous les singles en version edit comme certains artistes le font parfois ?

Non, nous ne sommes pas un groupe fait pour la radio ! (rires). Jamais nous ne retirerons nos solos de guitare pour glaner un peu de temps ! "Fuck that" ! On part du principe qu'il ne vaut mieux pas diffuser le morceau s'il ne plait pas en entier !

Une fois de plus, tes textes semblent très sombres, comme c'est également le cas avec votre musique. Penses-tu qu'il s'agisse là de votre signature ?

Et toi ? Tu en penses quoi ? (rires)

Justement je pense que oui ! (rires)

Et bien, c'est le cas ! (rires). Plus sérieusement, c'est vrai que le groupe a plusieurs facettes. Mais nous sommes toujours restés dans cet état d'esprit sombre et triste. Il ne semble pas y avoir beaucoup d'éclaircies. Mais au final, il y a toujours de la lumière au bout du tunnel. Et je pense que c'est ce que les gens attendent d'Evergrey.

Ce côté très sombre est d'ailleurs assez récurent chez les groupes suédois.

Oui, c'est vrai, mais il faut dire que vivre là bas, c'est l'enfer ! (rires).

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Sur l'édition spéciale de The Storm Within, on trouvera une reprise de "Paranoid" de Black Sabbath. Pourquoi ce choix?

Cette chanson a d'abord été entregistrée dans le cadre d'un projet caritatif. Nous avons diffusé ce titre uniquement là bas dans un premier temps, pour offrir une aide financière pour les sans-abris. Et il y avait justement l'un des sans-abris qui participait au projet qui nous a demandé d'enregistrer spécifiquement cette chanson. Comme cette reprise était resté cantonnée à ce projet, nous avons voulu que le monde entier découvre notre version. D'autant plus qu'elle ne ressemble pas vraiment à Black Sabbath mais beaucoup plus à du Evergrey !

Cette année, cela fait vingt ans qu'Evergrey est en activité. As-tu prévu quelque chose de spécial pour célébrer cet anniversaire ?

Mourir ! (rires). Non, nous n'avons rien prévus de particulier, hormis nos concerts. Tu sais, nous avons fait dix albums depuis 1998, cela fera donc vingt ans depuis notre premier album dans deux ans. Et si le groupe existe effictivement depuis 1996, peut-être que nous organiserons quelque chose dans deux ans, plutôt.

Durant ces vingt années, vous êtes passés par toutes les étapes parfois difficile de la vie d'une groupe. Quelles ont été les moments les plus durs pour toi et n'est-ce pas trop difficile actuellement pour vous de vivre de votre musique?

Oui c'est dur, mais si tu es un vrai artiste, cela ne doit pas t'atteindre. L'important c'est de faire ce que tu dois faire, sans te préoccuper du reste. C'est ce que j'ai toujours cherché à faire. C'est dur, parfois c'est encore plus difficile à supporter. Mais tu sais, actuellement nous sommes heureux car tout va bien. Le dernier album s'est bien vendu, cet album s'apprête à sortir et nous en sommes satisfaits. Peut-être que nous continuerons, peut-être que non. Pour répondre à ta première question, il y a eu plein de moments difficiles, et c'est compliqué d'en nommer un en particulier. Mais c'est vrai que le moment où Jonas (Ekdahl, batteur NDLR) et Henrik (Danhage, guitariste NDLR) sont partis du groupe en 2010 a été très dur à vivre. Même si c'était un choix que nous avons pris ensemble, je ne les ai pas viré d'Evergrey et ce n'est pas non plus comme s'ils l'avaient quitté. C'était le moment propice pour eux pour s'éloigner et ils étaient d'accord avec ça. Mais s'ils n'avaient pas pris cette décision, il est certain que le groupe n'existerait plus à l'heure actuelle. Concernant les autres moments compliqués de la vie d'un groupe, généralement tout ce qui touche au business nous déplait. Aujourd'hui cette partie est plus facile à gérer car nous sommes un groupe assez vieux désormais et nous savons négocier les contrats, personne ne vient nous faire chier ! (rires).

Concernant la musique que vous composez avec Evergrey, il y a plusieurs éléments issus du metal progressif. Cependant, vous n'avez jamais écris de titre de vingts minutes. Avez-vous déjà songé à cette possibilité durant votre carrière ?

Nous ne réfléchissons pas en ces termes. Nous écrivons la musique telle qu'elle doit être, peut importe que le titre fasse trois ou sept minutes à la fin. Il doit être aussi long que nécessaire pour être bon. Et puis si nous écrivions un titre aussi long, nous serions lassé avant même qu'il soit terminé (rires).

Il y a huit ans, tu as participé à l'album 01011001 d'Ayreon, en tant que chanteur. Serais-tu intéressé pour renouveler l'expérience ?

Tu veux dire avec Ayreon ?

Oui ou sur un autre projet, comme Avantasia par exemple.

Oui bien sûr ! Absolument. J'ai participé à beaucoup de projets comme cela, comme l'album d'Epysode, avec plusieurs musiciens différents. Tobias d'Avantasia semble être quelqu'un de très sympa, donc je répondrais positivement s'il me demandait de le faire. Si j'aime la musique bien sur !
J'aime bien être guest sur des albums de différents groupes. Et je réponds souvent positivement si mon emploi du temps me le permet.

L'année dernière, l'un des albums d'Ayreon, The Human Equation a été joué sur scène (sans Arjen Lucassen) mais par les musiciens et chanteurs qui ont contribué à l'album en studio.

Sans Arjen ? Mais il était où ? Dans la salle ? Mais il a perdu l'esprit ! (rires).

Si un tel projet avait lieu pour l'album 01011001, tu serais intéressé pour en faire partie?

Bien sûr ! Je pense que quand tu travailles une fois avec Arjen, c'est comme si tu signais un contrat pour participer à ce genre de projet ! (sourire).

A propos de side-projects, Jonas et Henrik sont également membres de Death Destruction, N'est-ce pas trop difficile d'accorder les emplois du temps de chacun?

C'est une question qu'il faut que tu poses à Jonas ! (rires) Ils n'ont rien de prévu pour l'instant avec Death Destruction donc je pense qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter de ce côté là. De plus, les deux groupes ne sont pas sur le même niveau, pour eux, c'est plus une façon de s'amuser à côté. Donc je ne pense pas que cela posera un problème un jour.

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A Night to Remember, votre dernier DVD live date déjà de 2005. Est-ce que vous prévoyer d'en sortir un nouveau prochainement ? Peut-être à l'issue de la tournée ?

Non ! (rires). En tout cas ce n'est pas prévu tout de suite, mais j'espère qu'on aura l'opportunité d'en refaire un ! Peut être pour les vingts ans de The Dark Discovery (le premier album d'Evergrey sorti en 1998 NDLR). C'est un moyen de le célébrer ou de faire notre deuil ! (sourire). Si ça se trouve, ce sera la dernière chose que nous ferons !

Peux-tu décrire avec un seul mot chacun de vos albums depuis vos débuts ?

Putain ! C'est dur ! (rires). Tu vas devoir m'aider ! (rires).

The Dark Discovery (1998)

Colère.

Solitude Dominance Tragedy  (1999)

Confiance

In Search of Truth (2001)

Certitude

Recreation Day (2003)

Sentiment d'être professionnel. Je sais, ce n'est pas un seul mot ! (sourire)

The Inner Circle (2004)

Complicité

Monday Morning Apocalypse (2006)

Rockstar ! Nous avons dépensé beaucoup d'argent à cette période et nous faisions ce que nous voulions ! (rires).

Torn (2008)

Obscurité

Glorious Collision (2011)

Obscurité part 2 ! (rires)

Hymns for the Broken (2014)

Renaissance

The Storm Within (2016)

Un nouveau chapitre... Mais ce n'est pas un seul mot...On va dire que c'est une seule expression.

En France, votre plus gros concert remonte à votre prestation au Sonisphère en 2011. T'en souviens tu? Et quel souvenir en gardes-tu?

Non, je ne me rappelle pas ! (rires). Je plaisante, bien sûr que si. Il y avait un monde fou, c'était la première fois que je voyais cela. Ma première pensée a été, "Vive la France" (en français dans le texte NDLR), car j'avais l'impression que tout le monde m'aimait ! (rires). C'était un super souvenir. Nous avons eu toutefois un petit soucis ce jour là car nous avions dû emprunter des instruments qui n'étaient pas à nous, puisque la compagnie aérienne qui nous a amené avait perdu nos bagages et nos guitares.

Vous allez bientôt revenir en France avec Delain, à l'Elysée Montmartre, une salle où vous avez déjà joué en 2005 et qui a brulé depuis...

(il coupe) Et où nous étions censé joué juste au moment de l'incendie. Du coup, le concert a été décalé dans une autre salle (à l'Alhambra NDLR). Nous étions d'ailleurs le dernier groupe prévu là bas et nous allons désormais être le premier à y rejouer ! Et nous allons mettre le feu à nouveau ! (rires). C'est une super salle et nous étions triste de ne pouvoir nous y produire en 2011.

A propos des concerts que vous allez donner, avec désormais dix albums studio, comment construirez vous les setlists de votre tournée ?

Je ne sais pas. Je pense que nous prendrons les meilleures chansons de chaque album. Mais quand tu es en première partie comme ce sera le cas avec Delain, tu n'as que 50 minutes. Donc tu dois être direct et jouer les meilleurs titres, peu importe l'album dont ils sont issus. Quand nous jouerons à nouveau en tête d'affiche, à ce moment là nous pourrons varier un peu.

Tu fais partie d'un groupe suédois de Göteborg, mais contrairement à de nombreux artistes de cette ville, vous ne faîtes pas de death metal !

Tu sais, j'ai moi-même fait partie de formations de death metal. C'est vrai que nous habitons dans le bastion d'In Flames. Mais, nous ne sommes pas les seuls à jouer autre chose. Tu sais, le death de Göteborg a été une sorte de mode mais il y a beaucoup d'autres artistes locaux. Tout le monde dans cette ville ne joue pas que du death metal. Hammerfall fait partie de cette ville aussi !

Il y a d'ailleurs une vraie émulsion autour du metal en suède. Qu'est-ce qui vous pousse à former autant de groupe de metal là bas?

C'est dans la bière probablement... (rires) Je pense surtout que les Suédois sont très déterminés et ont la chance de vivre dans un pays où il y a un vrai soutien de la part des instances culturelles. Mais c'est avant tout un choix personnel des musiciens qui sont déterminés à faire de la musique avant tout. Et puis nous n'avons rien d'autre à faire quand la moitié de l'année nous sommes dans le noir. (rires).

Un dernier mot pour nos lecteurs ?

Au revoir ! Ce n'est pas très original, mais ça tient en un mot. (rires). 

Merci à Roger Wessier
Interview réalisée à Paris le 9 juillet 2016
Photographies : Céline 
Child In Time 2016)
Toute reproduction interdite sans autorisation du photographe.

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