Sebastien Salin, batteur de SlaveOne


Alors que SlaveOne, le groupe de death metal venu du centre de l'hexagone vient de donner une suite à son premier opus, Disclosed Dioptric Principles, avec un EP au patronyme particulièrement long (An Abstract and Metaphysical Approach to Deceit), nous nous sommes entretenus avec Sebastien Salin, batteur du groupe. Nous nous sommes notamment intéressés à la genèse de cet EP, afin d'en savoir plus sur le combo de death technique.

 

Salut Sébastien et merci de nous accorder cet entretien pour la Grosse Radio. Vous avez choisi de donner un successeur à Disclosed Dioptric Principles. Contre toute attente, c'est un EP que vous sortez. Pourquoi ce choix sur la forme ?
 

Salut à toi. Le choix de sortir de nouveaux morceaux s’inscrit dans une volonté bien définie du groupe : Battre le fer tant qu’il est encore chaud. Disclosed Dioptric Principles est sorti en mars 2016. Nous avons enchainé quelques dates. Devant l’impossibilité d’être plus bookés et donc de se produire plus souvent sur scène, nous avons choisi de composer deux nouveaux titres et de les enregistrer afin de fournir de la nouvelle matière et de faire parler du groupe. Tout va plus vite avec les réseaux sociaux et internet,  il faut apporter de l’actualité quasi-constamment tout  en évitant l’écueil de la redondance. Cet EP a également été un « prétexte » afin de dévoiler les nouvelles aspirations du groupe en terme de composition. Les morceaux de DDP datent de 2012  (l’album est sorti en 2016), nous avons donc progressé en terme de composition ( ou tout du moins modifié notre façon de les aborder). Cela nous a permis de tester un nouveau studio et de sortir du confort du home-recording. Une première pour nous qui sera renouvelée pour l’enregistrement du second album. Enfin, le groupe est né en 2007, c’était l’occasion de marquer le coup pour cette décade d’existence. C’est une genèse du groupe : deux nouveaux titres qui représentent l’avenir du groupe, un morceau enregistré à nouveau qui symbolise le chemin parcouru et une reprise d’un groupe marquant la création de SlaveOne.

 

Le nom de l'EP, An Abstract and Metaphysical Approach to Deceit, est particulièrement long mais, comme son nom l'indique, également bien mystérieux. Quel concept abordez-vous dans ces nouvelles compositions ?


Avoir des titres longs est un gimmick que j’ai hérité de groupe comme Bal-Sagoth ou Dimmu Borgir. Cela m’a toujours intrigué et poussé à la réflexion. Je singe bêtement cette manie de mes idoles  au niveau de la forme du titre! Le concept abordé sur « Tunguska » et « Through » s’inscrit dans  la continuité du concept de DDP et de l’EP Cold Obscurantist Light : la relation de l’Homme avec les cieux. Je tire ma révérence à ce concept avec ces deux derniers textes. « Tunguska » part d’un événement qui suscite l’interrogation de la communauté scientifique. Un gros astre aurait explosé à proximité du sol sibérien. Les explications fournies peuvent diamétralement opposées. Ca va du scientifique abordant l’événement de façon empirique à l’illuminé qui avance les explications les plus loufoques. Cet événement me sert de base pour digresser vers le « fameux » rapport entre la science et la religion en m’appuyant sur la philosophie des sciences, la théologie, l’histoire des religions et les théories les plus ahurissantes. Le texte se découpe en plusieurs parties. D’un côté l’empirisme avec une description de l’événement et de l’autre mes questionnements abstraits et métaphysiques. « Through » traite également de cette dualité science/religion mais d’un côté plus introspectif. Ici, point d’événement réel (comme sur "Tunguska") mais une interrogation sur l’essence même de nos origines. Le terme « Illuminated void » en référence aux Lumières du 18ème siècle est associé à celui de « Meditative resonance » en référence à tout questionnement métaphysique. Le second album abordera un autre thème qui est déjà défini. Rassure-toi, vous aurez toujours à des textes à rallonge et  tordus, issus d’un esprit malade. Enfin le terme « Deceit » (qui signifie « tromperie »)  dans le titre de l’EP est l’expression de l’impossible conciliation entre science et religion, chaque parti considérant l’autre comme dans le faux absolu.


Les trois titres sont-ils des morceaux qui avaient été initialement écrits pour  Disclosed Dioptric Principles, ou s'agit-il de titres entièrement nouveaux ?
 

« Tunguska » et « Through » sont deux  inédits composés pour l’EP au dernier trimestre 2016. "Uroboric" est en fait un morceau écrit et enregistré pour l’EP Cold Obscurantist Light. Nous l’avons enregistré à nouveau en boostant le tempo. Comme je te l’ai indiqué plus haut, je voulais vraiment montrer la nouvelle orientation musicale du groupe.

Slave One, EP, Dolorem, metal, death

Comment vous répartissez vous le travail d'écriture Nicolas (guitare) et toi ? Benoit (basse) a-t-il participé à l'écriture de ces titres ? Je demande cela car on sent un travail particulièrement poussé sur les lignes de basse d' "Uroboric" notamment.
 

En général, j’apporte la structure complète du morceau , ainsi que les riffs de guitare. Nous le retouchons ensuite avec Nico. Les deux nouveaux morceaux ont vraiment bénéficié d’une écriture à deux mains et ce qui se passe également pour les compos de l’album à venir. Nous avons trouvé le bon équilibre, Nico et moi. J’ai appris à lâcher du mou, d’être moins psychorigide quant à processus de composition d’où cet aspect inédit sur les nouvelles compos. En ce qui concerne le bel éphèbe qui nous sert de bassiste, il a effectivement apporté quelque chose au groupe lors de l’enregistrement. D’une part, il a un sacré niveau, de l’autre, il a insufflé un nouveau souffle. Pour l’anecdote, les parties de basse d’ "Uroboric" étaient déjà écrites, il les a réinterprétées à sa façon avec la rigueur de jeu qu’on lui connait. Il aura carte blanche sur l’album. Nous lui faisons entièrement confiance.
 

Ton travail à la batterie est à des années lumières de groupes qui blastent sans tenter d'ajouter de la subtilité. On sent que tu mets un point d'honneur à jouer sur tes cymbales et à donner un côté presque jazz et ternaire à ton jeu. Quels sont les batteurs qui t'ont influencé ?
 

C’est intéressant que tu aies noté cela. Je ne suis pas un blasteur-né. Je travaille au quotidien pour augmenter mon vitesse de jeu mais ce n’est pas le point sur lequel je m’attarde le plus. Je ne ferai jamais parti des batteurs le plus rapides de la scène, c’est certain. Je vénère Sean Reinert, Gene Hoglan, deux batteurs qui ont marqué mon style de jeu depuis le début. J’essaie donc varier les figures rythmiques afin de servir au mieux le morceau, d’ajouter des accents avec mes cymbales ou d’incorporer des ghosts notes dans les parties pour les rendre plus riches. Je n’ai pas un jeu qui plait à tout le monde mais j’essaie d’apporter un peu plus au jeu death metal qui devient très stéréotypé de nos jours. Cette course à la vitesse ne me séduit guère même si j’admire certains batteurs capables de jouer si vite et si longtemps. Je mets un point d’honneur à prendre le temps de composer mes parties de batterie et il est certain que certaines parties ont un petit côté jazzy. J’aime ce côté décalé.


Côté death metal, vous citez Obscura, Necrophagist ou Death comme influences, qui sont certes flagrantes sur "Tungunska" ou "Uroboric". Ce dernier titre est-il également une référence à Cynic (et son titre "Uroboric Forms") dont l'ombre plane sur vos morceaux ?


Tout à fait, je ne me suis toujours pas remis de l’écoute de Focus. Je me souviens avec précision du jour où je l’ai acheté. Je suis un grand fan de Cynic même si leur dernier album ne m’a pas plu séduit que ça. Je pourrais également citer Death comme grosse influence mais également Atheist, Pestilence (SPHERES forever !), Septic Flesh ainsi que des groupes plus récents comme Beyond Creation. Je suis un gros client de black metal également : Blut Aus Nord, Khonsu dont j’apprécie le côté novateur.
Tu serais étonné en voyant ma collection de disques. Du Ulver cotoie du Death, Du The Kovenant trône aux côtés de cds de Mercyless, un grand n’importe quoi.Mais ne nous égarons pas,  il est vrai que notre culture musicale « Death Metal » est ancrée dans les 90’s. Nous n’avons aucunement la prétention de rivaliser avec le talent à écrire des morceaux accrocheurs et la virtuosité de ces groupes, nous nous en inspirons tout simplement en tentant d’intégrer notre propre patte tant au niveau musical qu’au niveau des thématiques abordées. Le contenant et le contenu de nos disques doit rendre hommage à nos pères tout en provant que nous pouvons nous en affranchir (ce qui est une tâche ardue !).

Choix plutôt étonnant pour un groupe de death metal, vous reprennez en guise de cover un morceau de Dimmu Borgir. Peux-tu revenir sur ce choix ? Qui en est à l'origine ? Cela laisse-t-il la possibilité à Slave One de développer une approche plus tournée vers le symphonic dans le futur ?
 

C’est moi qui suis à l’origine de ce choix. Je suis un grand fan de black metal (Nico et Ben également, nous avons commencé à jouer ensemble dans un groupe de black/death sympho à la fin des 90’s).
J’adore cet album de Dimmu Borgir. Le groupe n’avait pas encore ce côté trop pompeux avec ses orchestrations à outrance. J’ai toujours espéré avoir l’occasion de reprendre ce morceau en particulier, elle s’est présentée avec l’EP. De plus, c’est un pied de nez à ceux qui s’attendait à ce que l’on reprenne un morceau des groupes cultes que j’ai cités précédemment. Autant sortir de sa zone de confort et proposer une reprise intrigante. Ce fut un challenge physique (les parties de batterie sont très éprouvantes) et un challenge musical : comment intégrer ces orchestrations ? Nous avons épuré au maximum les parties de synthé, augmenté le tempo sur certaines parties et tenté d’y intégrer l’essence du groupe.  Mais le futur album ne sera pas tourné vers cet aspect symphonique. Nous garderons la formule appliquée sur les deux nouveaux titres, du death plus rentre dedans légèrement progressif.

Concernant l'artwork de cet EP, il est à la fois sobre et classieux. Toutefois le titre n'apparait pas sur la pochette. Est-ce un choix délibéré ? Quelle consigne avez-vous donné à l'artiste ? Peux tu nous parler plus en détail de son travail ?
 


L’artwork a été réalisé par Remy d’Headsplit Design. Je ne lui ai donné aucune consigne puisque la pochette existait déjà. Je suis tombé dessus en examinant les dernières créations de Remy. Elle a pour personnage central une figure iconique, tout comme sur COL ou DDP. On y retrouve une sorte de divinité munie de plusieurs bras et dotée d’attributs issus de la mythologie hindouiste (le trident, la vache). Tu as raison ; il y a un côté minimaliste qui permet de renforcer l’impact de la pochette. La teinte choisie est sobre et en amplifie le caractère iconique. L’absence de titre permet de ne pas polluer l’image et son aura. Pour finir, le choix de cette illustration est une volonté d’incarner la genèse du groupe : La tête de bouc renvoie au black metal et la reprise de Dimmu Borgir. Le personnage central aux multiples bras est une référence aux pochettes de COL et DDP. Les attributs hindouistes un clin d’œil aux thématiques abordées sur le prochain album.

Slave One, metal, interview, death, technical,

Vous faîtes désormais partie d'une scène underground française bien établie dans le death metal en France. Que penses-tu de l'émergence de ces nombreux groupes en tant qu'acteur de la scène ?

C’est cliché mais la scène death metal française n’a rien à envier aux groupes internationaux. Du technique à la Gorod, on passe au brutal à la Nephren-Ka (Allez jeter une oreille sur leur nouvel album, j’en ai encore les fesses qui font bravo).Du old school à la Necrowretch on passe au progressif à la Pitbulls in the nursery ou au death n’roll à la Corrosive Elements. Je peux même être encore plus chauvin. Le Loiret où nous vivons est une terre de death metal : Ritualization , Impureza et Savage Annihilation sont des noms qui vous disent quelque chose ? De grosses tueries death metal parues ou à paraitre en 2017. Mais soyons lucide, bien qu’acteur de cette scène nationale, SlaveOne reste un petit poucet. A nous de  sortir un second album nous faisant gagner quelques rangs dans cette scène si riche et variée.

Vous avez invité Dave, chanteur de Savage Annihilation, à participer à ce nouvel EP. As-tu pu écouter leur nouvel album qui sort prochainement ? On sent une réelle proximité entre vos deux groupes, puisque vous leur avez également "emprunté" Benoit pour tenir la basse...


Bien-sûr que nous avons une relation particulière avec Savage Annihilation. Nous sommes du même bled. Leur groupe comporte deux frangins comme le nôtre (nous étions même trois frères sur DDP). Des liens se sont forcément créés. On essaie de jouer régulièrement ensemble. Attends de voir le making-of de l’EP : des moments d’anthologie où la philosophie de comptoir côtoie des théories avant-gardistes ! 
Nous nous serrons les coudes le plus possible. Je leur ai prêté du matériel pour l’enregistrement de leur second album (qui va être une bombe death metal de la fin d’année), ils nous  font profiter de leurs plans merch , concerts…. Ce sont de vieux briscards rodés au côté business de notre musique, j’en profite lâchement ! Nous jouons ensemble le 14 octobre prochain pour fêter la sortie de notre EP et de leur second album. Ca va faire mal. Leur emprunter Ben, leur bassiste, m’a donc paru logique. Je le connaissais déjà pour avoir répéter avec lui. J’ai remarqué ses capacités d’adaptation, d’écoute. Il m’est apparu comme le remplacement idéal à Williams ( le troisième frère de la fratrie Salin). J’espère que son rôle va prendre de l’ampleur sur les nouvelles compositions. Cela ne peut qu’apporter une nouvelle dimension à notre musique.

Vous commencez à être bookés sur plusieurs dates à venir. Peux-tu nous en dire plus ? Que devons-nous attendre des prochaines dates de SlaveOne ?

Nous sommes bookés sur trois dates (ce qui est très peu ) pour la fin 2017. Je recherche activement des dates pour 2018. Nous sommes programmés au THIM fest le 9 juin 2018 avec une très belle affiche, crois-moi : Aksaya, Corrosive Elements, Savage Annihilation, Pulmonary Fibrosis et deux grosses pointures à dévoiler. Nous espérons pouvoir jouer un maximum en 2018 tout en continuant à composer le second album. Mais comme beaucoup de groupes, nous avons tous des boulots et une vie de famille, nous ne prendrons donc pas la route pour une tournée, c’est certain. Mais nous nous devons de jouer live pour faire connaitre le groupe et, il ne faut pas se voiler la face, réunir des fonds pour financer le prochain enregistrement.

Merci Sebastien pour cette interview. Je te laisse le mot de la fin.

Merci pour ces questions, j’ai pris plaisir à y répondre en espérant avoir été assez concis et m’être exprimer de manière intelligible. Soutenez notre scène death metal, achetez notre EP et bookez nous !(rires)

Interview réalisée par mail en octobre 2017
An Abstract and Metaphysical Approach to Deceit sorti chez Dolorem Records le 29 septembre 2017
Merci à Sebastien et Dolorem Records pour avoir permis cette interview.
Crédits photo : DR SlaveOne

close

Ne perdez pas un instant

Soyez le premier à être au courant des actus de La Grosse Radio

Nous ne spammons pas ! Consultez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.



Partagez cet article sur vos réseaux sociaux :

Ces articles en relation peuvent aussi vous intéresser...

Un nouvel EP pour Slave One

Un nouvel EP pour Slave One