Sin7sinS – Carnival of No Tomorrow

La dernière chronique vous emmenait au Mexique, à la découverte d'El Cuervo de Poe. Notre agence de voyage, cette fois-ci, va vous choisir une destination de choix. Un pays chaud, exotique, avec palmiers et cocotiers, des plages de sable fin, un soleil à vous en cramer la peau … Là, tout de suite, ça ferait rêver non ? Non ? Ben vous avez raison car les plans ont changés. Cette fois-ci, question metal, et surtout, metal à voix féminine, c'est vers des terres plus communes, mais propices à l’émergence de ce type de formations, que notre regard va se porter. Bien sûr, peut-être les plus perspicaces l'auront deviné, cet endroit n'est autre que les Pays-Bas. Entre The Gathering, ReVamp, Within Temptation, Stream of Passion, Kingfisher Sky et autres Delain, il semble que la scène se porte très bien, là-bas. Pas de raisons pour considérer une exception, n'est-ce pas ? On espère donc, pour le groupe du jour, qu'ils ne seront pas une exception à cette règle qui donne une certaine renommée aux formations néerlandaises.

Ainsi, Sin7sinS dès son premier opus du nom de Perversion Ltd. avait tenté de se démarquer du lot, en proposant une musique aux penchants plus sombres, froids et industriels. On se souvenait de quelques imperfections mais également d'un réel professionnalisme et d'un talent qui ne demandait qu'à éclore, pour livrer un produit encore plus riche et adroit. En somme, donc, leur brûlot précédent était plutôt réussi, et le potentiel qu'il laissait entrevoir assez grand. Ainsi, quand un combo de ce calibre livre une seconde galette, la crainte est toujours de voir une régression et des faiblesses creusées davantage, là où, pourtant, ça commençait bien. Carnival of No Tomorrow, deuxième album du quintet, à la lourde tâche, sur ses frêles épaules, d'être un digne successeur. Et tout le monde sait que ce n'est pas toujours chose aisée ! Réussite, échec, la réponse en quelques lignes seulement.

Force est de constater que la recette des néerlandais n'a pas vraiment changée, et reste toujours à peu près la même. Le combo suit donc cette direction qu'il suivait déjà précédemment, c'est à dire un mélange electro et metal, en préservant toujours cet aspect froid, et les ambiances qui caractérisaient la musique délivrée. Ainsi, peu d'évolutions à l'horizon, enfin, aux premiers abords seulement. Car prétendre que les deux brûlots sont identiques et se ressemblent entièrement, en tombant dans la copie conforme, serait une insulte à l'un comme à l'autre, car on dénote moult variations. En dépit d'une (r)évolution en profondeur, et de la conservation d'un grand nombre de points communs (un clavier fort présent, les voix si particulières ou une tendance à vouloir rendre l'objet attrayant), Sin7sinS évite de se répéter, et sait renouveler ses idées, évitant la mention d'auto-pompage, ce qui aurait été dommage, surtout en connaissant leur talent. Là où l'opus d'antan gardait un côté très pop, celui-ci est plus en retrait dans Carnival of No Tomorrow, sans disparaître néanmoins. Idem concernant le mélange metal / electro, là où la tendance était parfois fortement inclinée vers le second versant avant, les choses changent et, ici, le premier est nettement dominant, donnant un côté bien plus tranchant.

Et en fait, tant mieux. Non pas que c'était mauvais avant, mais la présence de la guitare sous le feu des projecteurs est exactement ce qu'il fallait au quintet pour booster sa musique et lui donner une nouvelle dynamique, toujours basée sur l'efficacité, mais ne reniant pas son côté metal, plus massif. Et si la présence des éléments electro, ou du clavier, est toujours importante, elle prend une dimension nettement moins colossale que sur le premier album. Là où le clavier était l'instrument prédominant, il semblerait que les néerlandais décident de changer leurs plans, et de miser ainsi sur sa section rythmique plutôt que son aspect industriel. Et sur un plan comme sur l'autre, l'auditeur est assez facilement pris au jeu car l'écriture est souvent mature et intelligente, et les lignes instrumentales bien pensées. Les adeptes de technique pure déchanteront sûrement car tout ne se résume souvent qu'à des structures simples, pour la dame à corde comme pour son amie à cordes frappées. Cependant, en évitant de se contenter de simplicité pour uniquement être dans le calibré et le banal, en évitant de tomber dans ce marché surchargé convoité par The Murder of My Sweet et autres Lullacry ou Nemesea, en combinant les ambiances et les riffs, et en proposant un fond consistant, qui permet d'être blindé en surface et ce jusqu'aux fondations, la concurrence est littéralement balayée.

Mais tout n'est pas rose dans ce carnaval des fous. Non, quelques défauts arrivent, masqués au départ, et finalement, se révélant peu à peu, et jouant les troubles fête, au grand désespoir de l'auditeur, qui, ainsi, ne pourra pas profiter pleinement des festivités. On ne peut reprocher à nos compères des Pays-Bas d'avoir une recette plutôt efficace, et qui fonctionne très bien. Et c'est un grand bonheur de constater qu'ils en sont fiers. Seulement, là où c'est moins bien, c'est cette tendance à parfois un peu trop l'utiliser, de quoi, au final, l'abimer un tantinet, et l'écoute se poursuit ainsi avec une impression de linéarité plutôt désagréable, qui montre que, dans les idées, Sin7sinS sait où il va, mais la réalisation pêche quand ils ont tendance à vouloir  trop nous l'imposer. Ainsi, les structures sont franchement similaires, et ça ne joue pas en leur faveur, créant des défauts pourtant évitables, et qui auraient très bien pu être camouflés pour cette fois, à défaut d'être supprimés. « Jenkins' Nightmare » sent la redite sur « Sick of You », surtout au niveau des lignes de chant, mais pas que. La guitare semble jouer la même partition, mais plus lentement. Et surtout, le premier nommé est bien moins bon que le second. Fort heureusement, de temps en temps, ils trouvent de bonnes idées pour briser le semblant de monotonie qui est susceptible de s'installer. Et des idées comme un « Cyanide Symphony » tout atmosphérique et surprenant, on en demande beaucoup plus !

Viens te perdre dans mes filets, innocente créature

Là où le groupe est bon, c'est également sur sa production, très bien huilée, et parfaitement claire, permettant de souligner à la fois l'aspect industriel et mécanique, mais aussi tous les moments forts et la puissance d'un metal où le maître mot est d'être tubesque, tout en évitant de tomber dans les clichés du genre. Les clichés, assurément, ce quintet évite d'y sauter à pieds joints, en dosant les parties de clavier très justement, en ne plaçant par ce dernier trop au premier plan, ne tombant pas dans ces facilités, qu'ils préfèrent laisser à ceux qui, sans scrupules, plagient Evanescence de manière éhontée. Là où Sin7sinS n'est donc pas un autre Nemesea de passage, c'est bien dans sa tendance à ne pas assagir sa guitare, en la laissant rugir comme il se doit, quand c'est demandé, c'est à dire très souvent dans les refrains. Choix judicieux, n'est-ce pas ?

Ce qui aide aussi Sin7sinS à prouver qu'il a des arguments de plus que ses adversaires, c'est bien évidemment l'utilisation du chant. Mais également la qualité des vocalistes, qui joue beaucoup quant à la réussite du combo. Le groupe ne se repose pas uniquement sur ses voix, ce qui serait bien dommage, un chemin de la facilité que trop de formations empreintes pourtant, délaissant le plan musical, le laissant en proie à une vacuité confondante, pour ne mettre en avant que ce chant, souvent banal. Et pourtant, chez les néerlandais, cet aspect est loin de tomber dans le commun, bien au contraire. Car les chants de Gen Morphine et, surtout, de Lotus, sont loin d'être ordinaires. Bien sûr, la plus grande proportion vocale est donnée à la demoiselle, et cette frontwoman se distingue très nettement de ce que vous avez l'habitude d'entendre. Timbre assez aigu, avec un aspect mutin qui lui convient très bien, force est de constater qu'elle est à l'aise dans de nombreux registres. De la ballade à l'atmosphérique, en passant par le calibré single, mademoiselle sait tout faire et sans montrer de limites quelconques dans son registre. Quant à Gen, le guitare, ses interventions se manifestent surtout par un chant grave, qui ne tombe pas dans le growl, mais n'en est pas loin. Assez comparable à nos français de Benighted Soul, en fait. Un duo détonnant.

Malheureusement, en tombant dans son propre piège de la redondance des structures et de la linéarité des ficelles, Sin7sinS applique souvent la règle du premier arrivé, premier servi. Ainsi, quand on se penche sur les morceaux en eux-même, ce sont souvent ceux qui sortent totalement du lot d'une manière ou d'une autre, ou ceux qui arrivent au début de l'opus qui deviennent les plus intéressants. Sans pour autant insinuer que plus on descend, moins la qualité est présente. Seulement, il est légitime, au début d'un album, de ressentir beaucoup moins de lassitude quant à la répétitivité d'un schéma préconçu qu'en bout de course. Pour le coup, un « Brimstone Ignition » ou, surtout, le single « Sick of You » passeront comme une lettre à la poste. En plus de posséder des refrains mémorables, tout y est construit pour marcher, sans succomber aux pièges du mièvre et de la platitude. « Sick of You » se démarque par son refrain où Lotus fait des merveilles, et sa voix expressive aide à pouvoir appuyer sur la touche repeat une fois la piste terminée, car si elle est comprise rapidement, elle ne lasse pas pour autant.

On ne pourra pas en dire autant d'un « As Romance Dies » où même les efforts de Mark Jansen (Epica, MaYan) seront vains quant à nous faire susciter un peu d'intérêt pour le morceau. C'est plat, et faussement inspiré, et même si le growl donne un peu de modulation dans les lignes de chant, il manque les épices pour un assaisonnement correct. Et ça, même l'excellente performance des chanteurs n'y change pas grand chose. De même, « Jenkins' Nightmare » aurait pu nous combler, si toutes ses bonnes idées ne se retrouvaient pas déjà sur « Sick of You ». Voilà, encore un titre qui passe à la trappe, rattrapé à notre plus grand bonheur par la folie de « Revolt Tonight! » ou l'ambiance envoûtante de « Pain Induced Craze ». Quand Sin7sinS manque son objectif, le groupe est comme le chat : il retombe sur ses pattes.

En parlant du second guest, il est un élément clé de la réussite du meilleur titre de l'ensemble : « Cyanide Symphony ». Oui, car ça ne paraît pas comme ça en apparence, mais ce morceau est excellent. Celui-ci se résume presque entièrement sur les voix de Lotus et de Dan Swanö, dont la composition, elle, pourrait très bien être son œuvre. Et que ce soit le clavier, la profondeur des voix de Dan et de Lotus (qui étonnent par leur complémentarité), l'atmosphère à la fois intrigante et froide, contrastant avec une chanteuse à fleur de peau, tout y est prenant. D'ailleurs, on conseillerait presque au suédois de faire appel à la charmante vocaliste de Sin7sinS pour un guest dans l'avenir. L'autre piste qui semble banale, mais dont le blason est redoré, c'est « Shadows & Dust ». Traditionnel titre piano-voix, il permet non seulement une aération / rupture avec ce qui est proposé généralement sur le plan structurel, mais en plus, la voix joue encore une fois un rôle primordial. La montée en puissance finale aide à un regain d'intérêt profond.

Difficile de qualifier ce brûlot de moins bon, ou de meilleur que son prédécesseur, car les deux possèdent intrinsèquement des qualités non-négligeables, et, de façon générale, Carnival of No Tomorrow se place aisément bien au-dessus d'une bonne poignée de sorties « à chanteuses » de ces derniers temps. L'opus est inspiré, savamment composé, on voit que le professionnalisme est de mise du début à la fin et, surtout, question chant, le groupe excelle. Mais là où le précédent pêchait de temps en temps par une tendance à sombrer dans la facilité, celui-ci rectifie le tir mais accentue la sensation de linéarité, moins présente avant. Et si l'évolution n'est pas énorme, comparer les deux albums reste plus difficile qu'il n'y paraît, preuve, en réalité, d'une certaine remise en question de la part de Sin7sinS. Nous sommes donc en présence, ni plus ni moins, d'un bon opus. Et si les néerlandais veulent accéder au stade supérieur, il va falloir continuer à corriger les défauts, tout en n'ouvrant aucune nouvelle brèche. Pari assez difficile, mais avec un talent comme celui-ci, on se dit aisément qu'ils en sont capable. A voir ce que la formation nous proposera à l'avenir, mais celui-ci s'annonce assez rayonnant !

Note finale : 7,5/10

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NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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