Six Magics – Falling Angels

Évoluer, se permettre de changer ses idées, son registre, une démarche qui n'est pas si aisée. D'une part, à cause du risque de laisser sur le carreau les fans de la première orientation musicale, d'autre part, ce processus est souvent mis sur la table suite à une remise en question, ou un grand changement au sein d'un line-up. Pour le groupe chilien qu'est Six Magics, c'est exactement ce qu'il s'est passé. Le départ du chanteur Sergio Dominguez avait provoqué la mutation du combo, passant du power de The Secrets of an Island, à un son lorgnant davantage vers le heavy pour la suite des événements. Et ce n'est pas le nouveau brûlot, sobrement intitulé Falling Angels, qui changera quoi que ce soit pour les déçus et les machos. Car en plus de conserver au chant une demoiselle, la même qui officiait sur la galette précédente, pas de retour en arrière à l'horizon. Une avancée, peut-être ? Réponse en quelques lignes.

Ce qui frappe au premier coup d’œil, c'est également l'extrême simplification faite autour du groupe tout entier : pochette peu colorée, noms de pistes très courts comme « Why », « I Know » ou « Suicide », voilà que des craintes concernant la musique s'avancent, et que les peurs d'un quelconque appauvrissement du propos se renforcent à cause du patronyme des titres. Et la production n'est pas vraiment là pour donner tort aux détracteurs. Elle évite de très loin la bouillie ou, à l'inverse, le son bien trop lisse et dépersonnalisant, mais le mixage n'est pas particulièrement optimal pour profiter de l'opus. Batterie sonnant souvent trop éloignée ou compressée, au détriment d'un chant, lui, au premier plan sur toute la longueur du brûlot, la répartition des rôles ne semble ainsi pas toujours très équitable chez nos amis sud-américains. Mettons plutôt cela sur le compte d'un manque de moyens plutôt que d'une intention de vouloir donner un coup de boost au chant d'Elizabeth, celle-ci démontrant qu'elle sait également faire preuve de puissance lorsque cela est nécessaire. Mais une fois les défauts de l'aspect sonore dépassés, on peut se pencher sur la musique qui, elle, a beaucoup de choses à nous dire.

D'emblée, prévenons d'avance que nous constaterons peu d'évolutions dans la musique proposée par la formation. Le registre reste ainsi le même que dans Behind the Sorrow, c'est à dire un heavy mélodique, parfois un peu power, parfois légèrement plus symphonique ou moderne, mais globalement très heavy quand même, et fort classique. Que ce soit dans la voix, dans la rythmique ou dans de très bons solos (comme celui du morceau éponyme ou d'« Icy Lips »), tout y est, et les poncifs du style sont donc ainsi vus et revus au fur et à mesure de la progression au sein des 13 pistes composant Falling Angels. Les structures sont, cependant, plutôt diversifiées, et bien que nous n'ayons pas des différences radicales d'une piste à une autre, elle sont suffisamment variées pour ne pas se laisser appréhender de la même manière, et dégager chacune leur petit quelque chose qui distingue chaque titre. On regrettera cependant aucun effort réel pour se dégager de ce qui se fait déjà dans le genre, et, ainsi, peut-être rester trop longtemps classé comme un second couteau, en dépit de toutes les qualités intrinsèques dont les Six Magics font preuve.

Ce qui est dommage en revanche, c'est d'observer un léger manque de renouvellement chez les chiliens. Les mêmes ficelles musicales sont parfois trop utilisées et, sans aller jusqu'à l'indigestion, on ne pourra pas s'empêcher de se dire qu'avec un peu plus d'originalité, la formation pourrait aller bien plus loin ! Car restant parfois sur ses acquis, le combo ne parvient pas à captiver entièrement. En même temps, avec autant de morceaux, il est bien difficile de sortir constamment de très bons titres qui retiendront l'attention, et quelques uns souffriront ainsi de n'être que des produits génériques, sous-inspirés par rapport à d'autres totalement tubesques et / ou intelligents. Ainsi, il est là le plus gros défaut de la galette : ne pas maintenir un niveau hétérogène tout le temps, et tomber de temps en temps soit dans la redondance, soit passer de la belle marque de fabrique extra chère au produit bas de gamme de l'atelier où l'on fait travailler les enfants à salaire de misère. Et ces disparités apparaissent parfois, malheureusement, quand Six Magics s'essaye à quelque chose qui se distingue du grossier schéma heavy traditionnel, classique (même si, bien sûr, ces tentatives restent également banales). Les pistes énergiques sont donc souvent beaucoup plus réussies que les quelques mid-tempos et ballades.

Six Magics

Bien évidemment, qui dit groupe à voix féminine, dit aussi que le combo doit savoir compter sur un autre atout qui est sa chanteuse. Sauf que parfois, c'est ce dit avantage qui devient le gros défaut empêchant d'apprécier l'ensemble. Rassurez-vous, ce ne sera pas du tout le cas chez Six Magics, fort heureusement. Car la belle Elizabeth Vásquez possède des capacités dont elle n'a pas à rougir, son chant chaud et rocailleux donnant plus d'intensité à la musique, et octroyant un petit plus aux chiliens. Les progrès par rapport à l'album précédent sont notables, son chant est ainsi modulé davantage et ses lignes de chant mettent en avant la puissance vocale de la chanteuse, qui, sans être transcendante, se débrouille très bien, loin des clichés habituels. De plus, sa voix possède une petite identité, et ne se contente pas de singer Doro, tout en restant bien heavy. Elle porte parfois à elle toute seule une composition plus faible comme « I Know » qui, ainsi, si elle n'atteint pas des sommets ni de créativité, ni de beauté, parvient à ne pas être dénuée complètement d'intérêt. Évidemment, son timbre est aux antipodes de son prédécesseur, et les nostalgiques des montées dans les aigus ne trouveront peut-être pas leur compte ici. Même si, d'un constat purement technique et objectif, la frontwoman est meilleure dans son domaine, ce qui demeure ainsi positif pour Six Magics.

On retrouve donc, comme d'habitude, plusieurs types de morceaux : les réussis et les dispensables, découpage certes sommaire mais qui, ici, correspond tout à fait à la situation. Et la seconde catégorie, elle, est très peu nombreuse. On y placera la mid-tempo ennuyeuse qu'est « Do You Remember ? », la pauvre « I Know » à l'intérêt plutôt limité par son statut de semi-ballade très classique, et « Suicide » qui patauge méchamment dans la semoule par son rythme faiblard et son refrain plat. Ces titres placés de côté, il reste le bon, et, surtout, le très bon, les morceaux sur lesquels il est plus intéressant de se pencher. Parce qu'ils sont plus puissants et passent comme une lettre à la poste, que leur refrain est taillé pour faire des ravages sur scène ou qu'ils possèdent un petit plus, ceux-ci deviennent attachants. Les chœurs sur « Rolled » lui confèrent une aura épique, qui ne demande qu'à être encore exploitée davantage, tandis que « Dreamer » s'impose comme la véritable bombe de l'opus. Un refrain prenant, des riffs ancrés dans le power metal et un chant incisif, cette recette fonctionne à merveille, donnant naissance à ce qui sera retenu comme le meilleur morceau. « Start Another War », avec son chant masculin et sa puissance sans retenue, fait également des ravages dans les rangs et s'impose aussi. Enfin, « Falling Angels » peut faire office de single, mais tout y est contenu pour plaire et à ce petit jeu là, nos chiliens sont forts. Très forts, même.

Falling Angels s'impose ainsi comme un album qui, s'il ne révolutionnera pas le monde du heavy, reste de très bonne tenue sur une grande partie de sa durée, et chaque écoute devient un moment plaisant pour son auditeur. Il manque encore quelques petites choses à Six Magics pour s'imposer, notamment une production supérieure ou assez de maturité pour ne pas céder aux appels du remplissage. Mais de très bons titres ponctuent un opus bien construit, où chacun y exprime son talent, et il est probable qu'à l'avenir, la formation passe encore au stade suivant. Laissons donc le temps aux cinq sud-américains (et non six comme le nom peut laisser l'entendre) d'apprendre de leurs échecs et d'accentuer les points positifs, nombreux. Et comme cette nouvelle livraison est nettement supérieure à Behind the Sorrow, il n'est pas impossible que les chiliens soient sur une pente ascendante.

Note finale : 7,5/10
 

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NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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