Coilguns – Millennials

Le 23 mars dernier, les Suisses de Coilguns ont sorti leur nouvel opus intitulé Millennials sous leur propre label Hummus Records. Ce nouvel album nait cinq ans après Commuters et plus d'une année et demie après son enregistrement chargé d’histoire. En effet, après plusieurs réponses négatives, le groupe décide de s’auto-produire et il aurait eu tort de s’en priver. Cet album s’adresse aux amateurs de musique difficile d’accès, excessive, violente, et inclassable, ou tout simplement aux curieux en quête de découvertes.

Avant de jeter une oreille à cet album laissez-moi vous conter son histoire. Tout d’abord, Coilguns c’est une grande histoire d’amitié et d’amour partagé, de la musique de trois garçons qui multiplient les projets musicaux communs et souvent hors du commun. (Je vous invite également à écouter Closet Disco Queen, Louis Jucker solo, Red Kunz et Sombre Sabre leurs projets annexes).

Louis Jucker (chant, guitare, et sons en tout genre), Jonathan Nido (guitare) et Luc Hess (batterie) se rencontrent au sein du groupe allemand The Ocean. Donatien Thiévent (synth, chœurs, percussions), viendra compléter le groupe après l’enregistrement de Millennials. En 2011, les trois amis décident de fonder Coilguns afin de pouvoir s’exprimer et jouer la musique qu’ils aiment : une musique simple, rapide qui sort des tripes. Après quatre EPs, ils sortent leur premier album, Commuters en 2013, qu’ils enregistrent sur les routes entre les dates de tournée avec The Ocean. Pour Millennials, le procédé est différent. Les trois comparses décident de prendre un mois pour faire un disque. Ils s’enferment donc dans une petite maison de vacances perdue au fin fond de l’Allemagne pour enregistrer leur disque. Ils arrivent avec tout leur matériel, montent le studio sur place et commencent à écrire les premières notes de l’album tout en faisant des essais son en plaçant des micros un peu partout dans la maison, en déplaçant des meubles, etc. Cet album est entièrement enregistré sur des bandes car telle était la volonté de Louis Jucker. Coilguns ne cherche pas la perfection, Coilguns recherche « l’intention, puis l’attitude plutôt qu’un son parfait » nous confiait Jonathan Nido dans son interview que vous pouvez lire ici.

Millennials est donc un pari plutôt risqué mais réussi. C’est un album qui, que vous l’aimiez ou non, vous prendra aux tripes et vous collera des frissons. Il a un grain très particulier et très personnel qui en fait un album à découvrir de toute urgence !
 


Chaque chanson de cet album se veut très noire, torturée, occulte. L’album commence par la chanson ‘’Anchorite’’ qui signifie anachorète (ou moine reclus). Dès les premières notes, on entre dans une atmosphère oppressante et assourdissante. La voix éraillée de Louis Jucker vous tord encore un peu plus le ventre. C’est comme si chaque son sortant de sa bouche le faisait se tordre de douleur. Sa voix traduit parfaitement la souffrance de la solitude qui vous ronge.

‘’Deletionism’’ vous amène encore un peu plus dans les profondeurs de l’univers de Coilguns avec des riffs lourds et agressifs et toujours cette voix torturée et expressive qui vous colle la chair de poule.

‘’Millennials’’ chanson éponyme de l’album débute avec un riff de batterie très rapide et énergique, soutenue par des riffs de guitares tout aussi rapides et lourds. On y retrouve une énergie très punk et noise. Pas le temps de respirer et de laisser son esprit divaguer au son de la musique. Ce morceau est comme un enchaînement de claques qu’on se prendrait à la figure avant un petit moment de répit à 2:12, histoire de reprendre un peu ses esprits. La batterie donne un tempo plutôt rapide à petits coups de charleyston et de cymbales alors que la guitare joue un riff lent et dissonant qui laisse présager l’assaut final qui viendra vous percuter en pleine face avec un chant qui passe des cris stridents à la complainte torturée, puis qui viendra mourir petit à petit à la fin du morceau sur les accords cacophoniques des instruments.

‘’Spectrogram’’ commence par une longue intro qui mêle larsen et vrombissement des instruments. On entend une voix lointaine qui psalmodie des mots inaudibles jusqu’à ce que ceux-ci parviennent à se frayer un chemin au travers du bruit des instruments. La batterie entre en scène à 1:30 pour donner un tempo un peu plus rapide qui ajoute une sonorité inquiétante à cette longue intro. La machine Coilguns se met en branle à 1:55 avec les instruments qui se font entendre de façon plus distincte. Le rythme reste lent et des sons stridents et oppressants viennent s’ajouter à la musique. On entend toujours Louis psalmodier doucement, sa voix comme prisonnière de la musique et des bruits qui se mêlent dans un ensemble qui vous fera hérisser le poil. Le rythme s’accélère légèrement tout au long de la chanson, des sons s’ajoutent petit à petit rendant l’atmosphère de la chanson de plus en plus écrasante avant de finir abruptement.

La chanson suivante, ‘’Music Circus Clown Care’’ vous plongera directement dans une atmosphère lourde et dissonante qui ne durera que très peu de temps. C’est un peu comme si ce titre nous permettait de nous préparer à entendre ‘’Ménière's’’, la chanson suivante. On peut dire que celle-ci porte bien son nom. En effet, la maladie de Ménière (ou syndrome de Ménière) se caractérise par des crises récurrentes de vertige qui s’accompagnent de sifflements et de bourdonnements d’oreilles (acouphènes) et d’une baisse d’audition. Plusieurs fois, nous avons caractérisé la musique de Coilguns de musique assourdissante. Les bruits, les riffs, la voix stridente de Louis Jucker sur ce titre pousse l’expérience à son paroxysme. La rapidité et la violence du morceau ne laissent aucun répit à l’esprit, laissant simplement une impression de malaise grisante.
 


‘’Wind Machines for Company’’ commence sur les chapeaux de roues avec un rythme effréné et brut qui viendra mourir abruptement à la fin de la chanson. Vient ensuite ‘’Self Employment Scheme’’, moins rapide mais toujours aussi poignante. On peut entendre la voix de Louis Jucker plus distinctement. La musique se fait plus épique avec des envolées qui vous feront prendre conscience du talent des membres de Coilguns.

Retour aux sonorités plus violentes avec ‘’Blackboxing’’ avant de finir sur ‘’Screening’’ un morceau qui allie bruit stridents, riffs lourds et lents et voix en retrait qui semble faire son monologue sans prendre conscience de la musique qui l’entoure. L’album se termine sur un vrombissement sourd et un grésillement qui prendra fin lentement afin de vous laisser quitter l’univers de Coilguns d’une façon un peu moins abrupte que celle avec laquelle ils vous y ont fait entrer.

Cet album n’est pas fait pour toutes les oreilles. Certains peineront à entrer dans cet univers écrasant et n’y entendront qu’une cacophonie inécoutable. Mais si vous vous laissez aller à leur musique, chaque chanson vous fera voyager au gré d’émotions que vous gardez bien refoulées en vous.

Pour aller plus loin dans la découverte, nous vous invitons également à voir les membres de Coilguns sur scène, le 5 mai à Besançon et le 16 juin à Strasbourg. Vous découvrirez des musiciens passionnés et possédés par leur musique qui ne pourront que vous faire aimer la spirale infernale de leur univers.
 

Millennials:

Anchorite 
Deletionism
Millennials 
Spectrogram
Music Circus Clown Care
Ménière's 
Wind Machines For Company 
Self Employment Scheme 
Blackboxing 
The Screening

 

NOTE DE L'AUTEUR : 10 / 10



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