Entretien avec Alex Colin-Tocquaine d’Agressor

Avec la récente sortie de la réédition / réenregistrement de Symposium of Rebirth, le disque-phare d'Agressor, nous avons souhaité poser quelques questions à Alex Colin-Tocquaine, leader et membre fondateur du combo de thrash/death.

Cet entretien a été réalisé avant le décès de Stéphane Guégan, batteur historique de la formation, survenu quelques jours après. Dans ce contexte, les propos prennent une autre dimension et nous souhaitons dédier cette interview au batteur du combo Niçois.

Bonjour Alex et merci à toi de nous accorder cet entretien.

Merci à toi !

Il y a deux ans, lors de notre dernière interview, tu nous avais parlé de ton projet de ressortir Symposium of Rebirth en le retravaillant car tu n'étais pas totalement satisfait de la première version. Effectivement, il a été complètement relifté, puisque tu as réenregistré toutes les parties de guitare et le chant. Pourquoi avoir choisi de rejouer ces morceaux un demi-ton en dessous de l'original ?

En réalité, c'est un ton en dessous. A l'époque on était accordé en mi. C'est l'époque qui voulait ça ! Il y a plein de groupes qui commençaient petit à petit à s'accorder en ré. Aujourd'hui, les gens jouent encore plus grave. Pour ce réenregistrement, je voulais surtout que cela colle un peu à l'époque pour ne pas trop dénaturer le son mais que ça soit plus gras et plus grave. J'ai pu le faire avec cet album, mais c'est quelque chose que je n'aurais pas forcément pu faire avec d'autres malheureusement. Ou heureusement, parce que c'est un boulot de taré ! (sourire). L'avantage pour Symposium, c'est que j'avais toutes les bandes enregistrées à l'époque ce qui m'a permis de travailler avec toutes les pistes séparées. Cela m'a également permis de réécouter avec attention tout ce qui avait été fait à l'époque et surtout de tout corriger, notamment la batterie qui était une grosse catastrophe à mon goût.

Tu as également choisi de garder les parties de batterie de Stéphane Guégan (interview réalisée avant la disparition de Stéphane Guégan NDLR). Pourquoi ne pas avoir tout réenregistré en demandant à Kevin Paradis, votre batteur actuel, de se charger de la batterie ?

Parce que je n'étais pas parti pour faire un réenregistrement mais un remix de l'album. Et Stéphane était un excellent batteur à l'époque, voire l'un des meilleurs dans ce genre là et je voulais garder son jeu et son toucher, même s'il est un peu dénaturé par le fait qu'il y ait des trigs. Mais c'était important de montrer qu'il y avait déjà à l'époque des batteurs aussi bons qu'aujourd'hui. Je ne voulais pas utiliser les services des batteurs actuels, je le ferai peut-être après.

C'est une façon aussi de garder le côté old school ?

Oui, il y a de cela, c'est clair !

Et d'autre part, Stéphane était à l'origine des orchestrations (notamment de "Barabas", comme tu le mentionnes dans le bouquin Enjoy the Violence)...

Oui, c'était un super musicien, hyper talentueux et on a fait plein de choses avec lui qui n'auraient jamais abouties sans qu'il soit là. Donc oui, j'avais vraiment envie que ce soit ses parties qui soient présentes sur l'album. Il s'est beaucoup investi, même s'il était très rock n' roll dans tous les bons et les mauvais sens du terme.

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Tu es toujours en contact avec lui ?

Un peu, mais pas trop non...Je n'ai pas eu son retour sur Rebirth car il n'a pas encore reçu le produit fini. Mais je lui avais déjà fait écouter quelques extraits et il m'avait dit "ouais c'est terrible !". Mais là, je n'ai pas de nouvelles de lui depuis un bon moment.

Les orchestrations que l'on vient de mentionner sur Symposium of Rebirth sont également présentes sur le quatrième album Medieval Rites. Est-ce parce que l'album était déjà composé bien avant sa sortie et que tu étais encore dans le même état d'esprit que pour SoR?

Oui, j'étais parti dans l'idée de sortir un album tout de suite après Symposium. Mais oui, Medieval Rites, c'est la suite logique de Symposium. C'est pour cela d'ailleurs que Medieval Rites est en ré et que j'ai voulu ré-enregistrer SoR en ré.

Sur la réédition, tu as également changé la tracklist par rapport à la version d'origine, par ailleurs présente en tant que cd bonus. Pourquoi ce choix ?

Parce que j'avais envie de faire du neuf avec du vieux ! (rires) C'est un peu ça ! (rires).

Mais du coup, la tracklist ne te plaisait pas ?

Non, ce n'est pas qu'elle me plaisait pas, mais j'avais envie d'avoir un truc un peu nouveau. Et puis avoir "Conan" au début, cela fait une grosse intro comme en concert. Et dans cette version là, elle sonne mieux que dans la version d'avant, c'est moins synthétique. J'ai retravaillé les pistes MIDI, et il y'a des vrais instruments qui jouent.

Il y a deux ans, tu m'avais également dit que tu continuais à bosser sur le nouvel album. J'imagine qu'avec Rebirth tu as été particulièrement occupé, mais y a-t-il du nouveau de ce côté là ?

Oui, j'ai bien avancé sur les nouveaux morceaux. On a une flopée de morceaux qui devrait arriver pour faire un nouvel album.

Et pour la réédition du back catalog, qu'en est-il ?

On va d'abord enregistrer le nouvel album, et les anciens ressortiront vraisemblablement.

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Mais pas sous une version réenregistrée comme tu as fait avec Rebirth ?

Non, ce sera remasterisé car je n'ai plus les bandes d'origine malheureusement. Et puis, vu que c'est un boulot de dingue, je ne sais pas si j'aurais eu l'énergie de le refaire (rires). On verra, on trouvera des bonus à mettre dessus et on en fera un beau produit car actuellement, les choses se vendent surtout en téléchargement donc on essaye aussi de penser aussi aux vieux fans qui restent attachés au format physique. C'est pour ça aussi qu'on a sorti les deux versions pour Rebirth, car je suis un peu comme ça, j'aime bien les versions originales car c'est ce que j'ai écouté quand j'étais gamin. Et parfois les nouvelles versions des albums ne me plaisent pas car elles peuvent être trop actuelles. Avec Rebirth, on laisse le choix à l'auditeur d'écouter la version qu'il préfère.

A propos de rééditions, vous avez sorti récemment la compilation de démos Satan's Sodomy of death. Avec le recul, que penses-tu de ces démos 30 ans après ?

Oh, putain, c'est dur à réécouter ! (rires). D'autant plus qu'il y a des enregistrements qui ne sont pas sur le CD et sur lesquels j'ai posé une oreille. C'est surtout difficile à écouter techniquement parlant, car pour les fans, cela ne peut que leur faire plaisir de tomber sur ces vieux enregistrements. Il s'agit d'une version sud-américaine car nous avons prévu de faire quelques concerts là-bas et on nous a demandé de ressortir ces démos pour l'occasion.

La dernière fois que je t'ai vu en concert, tu étais accompagné de Kevin Paradis, Joël Guigou et Michel Dumas (Mutilated/Mutilator). C'était au Motocultor 2016. Or, deux mois avant, Michel n'était pas présent avec vous au Hellfest, c'était SylverA qui tenait la guitare. Quel est le line-up officiel d'Agressor à l'heure actuelle ?

Il n'y a pas deux line-up, puisque l'officiel est le dernier en date, celui que tu as vu au Motocultor. J'ai essayé de garder une équipe ancienne mais je ne peux pas pour les batteurs (rires). Et malgré le fait que Kevin joue dans Benighted actuellement, on est en train de gérer cela pour qu'il n'y ait pas de soucis. On a toujours un batteur de session qui reste disponible pour nous en cas de besoin. Je ne sais pas comment cela va se passer si l'on fait beaucoup de concerts, cela risque d'être compliqué. Après, si on se démerde bien, ça ne devrait pas poser de problème, c'est juste une question d'organisation.

Plus tôt dans l'année, Sam Guillerand et Jeremie Grima ont sorti le livre Enjoy The Violence qui revient sur les origines du death thrash en France. En tant que pionnier du style, tu es bien évidemment interviewé. Cela t'a-t-il procuré de la nostalgie de te replonger dans cette période pour les besoins du livre ? Sens-tu un engouement nouveau autour de cette scène notamment de la part de la jeune génération qui n'a pas connu cette période ?

Oui peut-être, je ne sais pas trop. Quand tu es acteur de la scène, je ne sais pas si tu vois ce que les gens ressentent, sauf si tu es tout le temps avec eux. La démarche du livre me plaisait bien, car elle permettait d'expliquer comment on a mis tout cela en place. On ne pensait pas que ça allait prendre autant d'ampleur à l'époque. Donc oui, j'étais assez favorable au livre et j'ai bien aimé le fait de rechercher d'anciennes photos...Mais bon, on n'a pas tout mis dans le livre ! (rires) Il y a plein de choses que l'on n'a pas trouvé et qui doivent trainer dans les placards de certains.

On apprend d'ailleurs dans le livre que tu es hyper organisé car lorsque Jérémie et Sam sont venus chez toi pour t'interviewer, tu avais tout un disque dur avec toutes les dates de concerts listées ou autre... Est-ce que ça fait de toi quelqu'un de nostalgique ?

Non, c'est surtout que je n'ai pas de mémoire et que j'ai toujours besoin d'un pense-bête quand je fais quelque chose ! Donc je stocke tout dans des boites ou des disques-durs, parce que l'on se rappelle plus toujours d'une date de concert. Surtout que parfois on picole, on fait la fête, puis on vieillit donc on devient un peu cons et séniles ! (rires)

Du coup, est-ce que tu sais combien tu as donné de concerts avec Agressor en tout ?

Oh, comme ça, non je ne sais pas. Il y a eu des périodes où l'on a tourné mais d'autres pendant lesquelles on n'a donné que quelques concerts isolés avant de grandes périodes de blanc...Non, franchement, je ne sais pas.

Actuellement, vous êtes plus dans la logique de donner des concerts ponctuels ? Puisque je sais que vous êtes prévus pour le Muscadeath en septembre.

Oui, pour l'instant, on est dans cette logique là. Cela fait longtemps qu'on n'a rien sorti, qu'on n'a pas vraiment joué, hormis quelques dates comme le Hellfest et le Motocultor il y a deux ans. Il faut donc que l'on retravaille un peu autour de notre fan-base et que l'on joue ponctuellement avant de partir en tournée, car sinon, ça sera une cata ! (sourire).

Tu habites toujours dans le Nord et Joel Guigou (basse) est dans le sud. Cela ne pose-t-il pas des difficultés pour répéter ensemble ?

Oui, c'est un gros problème logistique. Après, ce n'est pas un frein, on arrive à se contacter assez facilement avec les nouvelles technologies, mais c'est difficile pour répéter physiquement, à l'ancienne. Mais bon, chacun bosse de son côté, et quand on se retrouve, c'est toujours assez cohérent et on arrive à sortir de bonnes choses. Et pour les nouveaux morceaux, on s'envoie des idées et on retravaille tout cela. Il faut que tout le monde participe pour moi, car on est censés être un groupe. C'est pas un mec tout seul qui fait tout, même si je reste le seul membre d'origine. Mais j'aime bien que les gens avec qui je joue rajoutent leur patte.

L'an dernier est sorti le live de Loudblast célébrant les 30 ans du groupe. Tu apparais d'ailleurs dessus. Quel souvenir gardes-tu de cette soirée et cela ne t'a-t-il pas donné envie de célébrer également ces trois décennies d'Agressor ?

Pas encore ! Il faudrait que l'on soit plus présent dans l'actualité pour réaliser ce genre d'événement. Après, c'est possible, je ne sais pas. Quand Stéphane Buriez a organisé ça pour Loudblast, j'en ai entendu parlé car ça se passait à Lille et je lui ai proposé de rejouer un morceau avec eux. J'avais quand même participé à une tournée avec eux et j'ai enregistré également Planet Pandemonium, donc ça paraissait logique de fêter ça avec eux. C'était la fête ! (rires)

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Avec la réédition de Symposium of Rebirth, peut-on s'attendre à vous voir jouer des morceaux aux orchestrations complexes comme "Barabas" ? Ou cela ne restera que des titres studio ?

Oui absolument ! On l'a déjà fait avec des samples, ça marche très bien. Par contre, s'il y avait un anniversaire à célébrer, il faudrait que l'on rejoue ces titres avec les vrais chanteurs d'origine, les vrais musiciens. Mais bon, ce n'est pas évident non plus...

Est-ce que pour le prochain album, on peut s'attendre à retrouver des titres très travaillés et orchestrés comme "Barabas" ?

Pas dans le prochain. Ce sera plus direct pour le prochain. Un peu comme Deathreat. Après on verra ! (rires).

Au Fall of Summer 2016, tu as fait partie du Massacra Tribute avec tous les pionniers de la scène death thrash (Stéphane Buriez, Crass, Philippe Courtois...). Pourrait-on s'attendre à ce d'autres concerts de Gods of Hate ? Ou bien cela ne restera que du one-shot ?

Là c'était un one-shot et ça serait cool que ça se refasse. Mais je ne sais pas. C'est Jessica Rozanes, l'organisatrice du Fall of Summer qui était à l'origine du projet. Elle nous a demandé de jouer et après on s'est démerdé pour organiser ça. Ca serait vraiment cool qu'on le refasse car c'était un super moment. Au début, j'étais un peu sceptique mais vu l'engouement des fans, ce n'était pas une mauvais idée de le faire.

Et c'était cohérent de faire jouer des musiciens qui ont cotoyé Massacra à l'époque...

Oui, même si je ne le vois pas comme cela car je suis dedans. Mais quand tu le vois de l'extérieur je pense que c'est le cas. Et puis il y avait des plus jeunes aussi donc c'était chouette.

Merci beaucoup pour cette interview Alex. Je te laisse le mot de la fin pour nos lecteurs !

Supportez tout, même l'impossible ! (rires) Et on espère vous voir à nos prochains concerts !

Cette interview est dédiée à Stéphane Guégan.
Photographies : © Child in Time 2016
Toute reproduction interdite sans autorisation du photographe

Interview réalisée à Clisson le 23 juin 2018
Merci à Alex d'Agressor et à Season of Mist

 

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