Hanging Doll – The Sacred & Profane

On ne fera plus de speech sur le fait que tous les groupes à chanteuses se ressemblent tout le temps pour l'auditeur moyen. C'est la faute au manque de renouvellement, certainement. Sauf que réduire toute formation à voix féminine à cette étiquette n'a rien de pertinent. Après tout, est-ce un nouveau genre ? Si les groupes se concentrent majoritairement dans le metal symphonique, le « metal à chanteuse » est devenu presque un style à lui tout seul. Arch Enemy est donc tout autant du metal à chanteuse que Within Temptation. Le rapport entre les deux ? Aucun, juste qu'ils ont une frontwoman, et, apparemment, ça suffit pour dire que ça sonne toujours pareil. Comme Nightwish et Theatre of Tragedy sont aussi des clones l'un de l'autre, c'est bien connu, les combos établis depuis peu souffrent encore davantage de ce catalogage peu flatteur. Et avec son The Sacred & Profane, Hanging Doll du Royaume-Uni ne dérogera donc pas à cette règle cruelle. Ce qui serait plutôt idiot, car, à bien y réfléchir, et en se penchant sur le disque, non seulement les bandes à demoiselles s'aventurent peu dans ces registres, mais quand une croisée des genres pareille est effectuée, classifier en ''female-fronted'' perd complètement son sens. Pourquoi ? Réponse ci-dessous.

Dans les faits, Hanging Doll pourrait jouer ce qui peut s’apparenter à ce que l'on appelle, généralement, dans une classification aujourd'hui galvaudée, le metal gothique, terme qui hérisse les poils de moult experts. Mais pour reprendre cette étiquette, s'il faut identifier le style pratiqué par notre quintet de Birmingham, il faut plutôt aller chercher dans les anciens disques des pionniers (Paradise Lost, Theatre of Tragedy, The 3rd and the Mortal) plutôt que vers du UnSun, Sirenia ou Delain. Notre formation ne succombe pas une seule seconde à la vague influencée par des mélodies pop, faciles et entêtantes, préférant donc rester dans quelque chose de plus traditionnel. Enfin, de Sirenia, on peut faire quelques rapprochements avec les vieux opus, mais assez lointains tout de même. S'il y a un côté très classique et un certain respect pour les racines du genre dans la musique pratiquée par les anglais, ces-derniers ne sont pas décidés à rester dans une seule case. Les démonstrations de doom / goth (« Dark Narcissus (The Forest) » ou l'excellente « The Final Descent ») sont souvent couplées à d'autres genres. Une diversité, hétérogénéité cohérente qui fait la force de ce The Sacred & Profane, aussi difficile d'accès que profond et riche.

En effet, les peintures exposées dans cette galerie regroupent des inspirations parfois très contradictoires, qui s'opposent totalement. Vous trouvez que l'éponyme « The Sacred & Profane » ressemble à « Lacrimosa » ? Quelques problèmes d'auditions seront dans ce cas à signaler. Car en ne se cantonnant pas bêtement dans ces casiers bien étiquetés, Hanging Doll réalise une importante prise de risque. Celle de perdre certains auditeurs en cours de route, celle de ne pas contenter tous les palais. Et pourtant, tout y est à chaque fois bon. Que l'on se retrouve dans un registre très classique de heavy symphonique (« Cradle to the Grave », « Carnival of Sin », « The Sacred & Profane »), ou qu'ils se vêtissent d'apparats plus sombres, les anglais savent mener leur barque, d'une piste à une autre, avec une diversité assez rare pour le genre, finalement. D'ailleurs, nous parlons de style, mais auquel appartiennent-ils ? Le dire est assez difficile, sachant qu'ils évoluent entre divers horizons. Tantôt plus heavy, tantôt sombrant dans le doom, toujours avec une pointe lumineuse apportée par le clavier dans ces ténèbres, ils aiment combiner parfois les deux. Une rythmique lente et mélancolique soutenue par des guitares heavy sur « Only in My Reveries » est une synthèse prenante de l'écriture intelligente et rondement exécutée de leur part.

La reine du goth metal, c'est moi !

En regardant dans le passé de la formation, il est vrai que des titres presque accrocheurs, typés single comme « Carnival of Sin » ou « The Sacred & Profane » surprennent après un album comme Reason & Madness typiquement orienté dark / doom. L'évolution musicale est pourtant bien présente, mais l'identité des britanniques aussi. On reconnaît immédiatement leur signature toute particulière, qui fait l'essence même de leur musique. Oui, car dans ces temps où les copies se suivent, se ressemblent, parfois bonnes ou mauvaises, posséder une réelle identité est difficile, voir relevant du miracle. Et pourtant, c'est le cas ici. Hanging Doll fait du Hanging Doll, et ça s'entend. La diversité, la construction des pistes, l'utilisation des chants, tout est réalisé d'une manière à ne pas se confondre avec d'autres. Le pari était pourtant ardu, surtout avec pareils modèles. Mais le résultat est là, et c'est ce qui fait d'eux une formation qui a au moins une chose qu'on ne peut lui retirer : sa personnalité. Ils restent eux-mêmes, et ce également dans le plus orienté grand public « The Sacred & Profane » ou le single « Carnival of Sin ». Mais un morceau du calibre de « The Inauspicious Host » sonne comme un titre type de notre quintet. Et après seulement deux brûlots à l'actif de cette formation, pouvoir parler en ces termes est déjà preuve de ce petit plus qui fait toute la différence. Scène bouchée ? Voilà une solution pour ne plus vous ennuyer.

Encore faut-ils des chants à la hauteur. Piège difficile, duquel ils s'en sortent avec dignité. Là aussi, question chant, ils ont leur identité propre. Oui, ça fait beaucoup, pourtant la voix de Sally Holliday n'a rien à envier aux grandes chanteuses. Cette voix grave et profonde sied merveilleusement bien à la musique délivrée. La belle aux cheveux roses est toujours en place, et remplie d'émotions. Quelques incursions lyriques se font parfois, dans un registre qu'elle maîtrise plutôt bien. Son timbre très grave ne plaira peut-être pas à tous. Dans le schéma de la belle et la bête, elle n'a pas ce rôle de l'ange à la Liv Kristine ou Sharon den Adel. Peut-être un petit quelque chose à la Anneke Van Giersbergen dans la voix ? De très loin, mais l'idée est plus portée dans ces directions, en plus grave, évidemment. Mais tout comme la musique possède SON petit quelque chose, Sally possède réellement SA voix. Tout sauf une nouvelle copie conforme. Des growls très puissants viennent souvent en contrepoids, mis en avant de belle manière eux aussi par la production digne de ce nom. Un chant clair masculin (celui de Kev Wilson semble-t-il) intervient assez régulièrement aussi. Plutôt bon, moins marquant que son homologue féminin cependant.

Dans The Sacred & Profane, il faut bien un autre exploit. Celui de ne pas faire de mauvaise piste. Et encore une fois, ça y est, c'est fait. Oui, toutes ont un intérêt, même les petites interludes, qui n'en sont en fait pas tant que ça. « Immortal Beloved » et ses deux minutes forment une jolie petite ballade piano sombre et inquiétant qui développe une ambiance très, très rapidement. L'alliance de cet instrument, de la belle voix de Sally et, surtout, de la montée en puissance finale suffisent à lui faire gagner en intérêt. « Flames of Woe » permet une certaine respiration, car treize morceaux, ça peut paraître long, mais l'opus passe pourtant très vite. S'il fallait ainsi citer les moins bons titres, qui sont pourtant déjà de qualité, la réponse serait : les trois premiers + l'éponyme. Les deux qui ouvrent le disque sont directs et efficaces. Le genre de titres que beaucoup peuvent composer, même si c'est très bien fait ici. Idem avec le morceau titre, « The Sacred & Profane ». Quant à « Dark Narcissus (The Forest) », elle est lourde et oppressante à souhait, mais on se rend compte par la suite qu'il y a beaucoup mieux. C'est dire.

Les perles de cette galette sont « The Final Descent » et « The Inauspicious Host ». Les deux sont riches d'atmosphères, glaçantes et noires. Elles se basent souvent sur des rythmiques plutôt lentes, le temps de nous faire savourer une longue descente vers les enfers, vers la facette la plus sombre d'Hanging Doll. Typées dark / doom, le registre qui leur sied définitivement le mieux. Mais ces morceaux ne reposent pas sur les mêmes ficelles : le premier utilise surtout les claviers et le chant comme moyen d'attraction, pour un titre très riche, tant musicalement que structurellement, et apportant vraiment sa pierre à l'édifice. Pas seulement à The Sacred & Profane, mais au genre en lui-même. Et « The Inauspicious Host » est un joyau. La noirceur, le malsain, ces dimensions y sont développées à outrance, avec même un petit côté presque attractif dans les couplets où une Sally mystérieuse est déguisée en sirène. On retrouve dans le haut du panier « Only in My Reveries » et son atmosphère, décidément, un mot revenant souvent avec les anglais. Ils puisent dans leurs ressources pour créer une piste où leurs influences se combinent en osmose avec la personnalité déjà bien forgée du groupe, la guitare faisant un excellent travail. Dénigrer « Tincture » et « A Question of Faith » serait également une erreur, la seconde notamment. Titre long, durant presque 8 minutes, il nous fait passer par diverses ambiances, comme dans un labyrinthe. Mais on en ressort, sans s'étouffer, mais toujours avec les refrains et autres ficelles, nous restant encore en mémoire.

Pourquoi ne pas mettre une note élevée ? Après tout, beaucoup de disques sortent, mais peu égalent le niveau de ces britanniques. Non, la notoriété de la formation n'est pas encore très élevée, mais qu'importe ? Est-ce une composante primordiale pour le talent ? Bien sûr que non. Et laisser une telle formation rester dans l'anonymat serait plus que triste. Car la forte personnalité alliée à des compositions majeures, un chant de haute volée et une diversité à toute épreuve sont assez d'arguments pour qu'Hanging Doll sorte du lot. Et si, symboliquement, ce n'est pas encore fait, considérez que musicalement, ils y arrivent très bien. Cependant, et cela semble être le sort de toutes formations à voix féminine, l'étiquette « metal à chant féminin » et « clone » risque d'arriver. Et à l'écoute de The Sacred & Profane, on comprend à quel point de tels statuts seraient purement et simplement injustifiés.

 

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NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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